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Une esthéticienne au beau milieu de l’officine

Publié le 6 mars 2010
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On le sait, la meilleure façon de booster le rayon dermocosmétique est de lui affecter un collaborateur, esthéticienne de formation ou préparatrice spécialisée, et d’organiser des animations. Témoignages de confrères ayant acquis une compétence dans ce domaine.

René Blajman, titulaire de la Pharmacie du Cygne à Sarreguemines (Moselle), est convaincu depuis longtemps de l’intérêt de faire profiter à ses clients des compétences d’une esthéticienne. « En 1981, nous avions créé un institut de beauté à l’étage, avec une structure juridique indépendante. Nous en avions eu l’idée car, à l’époque, Sarreguemines ne comptait seulement que deux instituts de beauté pour 25 000 habitants. Lorsque l’esthéticienne qui y travaillait n’avait pas de rendez-vous, elle proposait des animations à l’officine », raconte René Blajman.

Las, cinq ans plus tard un incendie détruit l’institut de beauté. Mais le titulaire ne baisse pas les bras et recrute deux esthéticiennes pour animer à l’officine le rayon dermocosmétique. Composé de dix-huit gammes, il génère un chiffre d’affaires de 220 000 euros par an. « Les esthéticiennes nous libèrent de la parapharmacie et jouent aussi, en quelque sorte, un rôle d’hôtesse, explique René Blajman. Elles sont indispensables. Aujourd’hui, si on ne peut pas développer un rayon de diététique sans diététicienne, il en va de même pour la dermocosmétique sans esthéticienne. »

Les préparatrices naturellement désignées pour se spécialiser

Le titulaire mosellan considère que la compétence d’une esthéticienne est largement supérieure à celle d’une préparatrice en matière de dermocosmétique. « Mais, en fonction de la taille de l’équipe, il peut être plus avantageux de former une préparatrice », relativise-t-il. Car l’une des difficultés majeures avec les esthéticiennes est de réussir à les retenir. « Elles se sentent souvent frustrées à l’officine car elles ne peuvent y faire de véritables soins, reconnaît René Blajman. De plus, elles doivent se former aux marques vendues à l’officine. »

On ne s’étonnera donc pas si la majorité des titulaires préfère former une collaboratrice de l’officine pour s’occuper du rayon dermocosmétique. Ainsi Maxime Mendelsohn, installé à Mallemort (Bouches-du-Rhône), n’a pas hésité à envoyer deux de ses préparatrices suivre une formation. L’une à Carla Ecole, durant six mois, et l’autre à l’Institut Boticelli, en alternance durant un an et demi. « Je souhaitais néanmoins qu’elles restent compétentes sur le médicament et l’ordonnance. Aussi travaillent-elles encore deux demi-journées par semaine comme préparatrices. Si nous proposons un rayon dermocosmétique avec le même type de conseillères que les circuits de distribution concurrents, il n’y a aucun intérêt pour la cliente d’acheter en pharmacie. Ici, au contraire, nous lui proposons une « médicalisation » du conseil avec une vraie compétence en esthétique et en santé. D’ailleurs, le chiffre d’affaires de ce rayon a été multiplié par cinq en quatre ans », s’enorgueillit Maxime Mendelsohn.

Petit inconvénient cependant pour le titulaire provençal : si les préparatrices parviennent à fidéliser la clientèle, elles auraient tendance à s’autolimiter dans la vente conseil. Mais René Blajman fait ce même constat au sujet des esthéticiennes…

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Des minisoins pour tester les produits

Qu’elle soit esthéticienne ou pas, la personne chargée du rayon dermocosmétique doit pouvoir animer le rayon en y implantant de nouvelles gammes. Chez Maxime Mendelhson, par exemple, dont la commune où il est installé ne compte pourtant que 6 000 habitants, des marques comme Nuxe Bio, Sweet Cotton ou Sisley ont rejoint les rayonnages de l’officine. Et les clientes en redemandent !

Pour faire connaître ces marques de dermocosmétique, rien de tel que de proposer de tester sur place des minisoins. Sans déroger à la réglementation (lire encadré ci-contre). C’est ce que fait Jean-Luc Leroy, titulaire de la Pharmacie centrale à Trouville (Calvados). Après avoir collaboré avec une esthéticienne lorsqu’il était installé à Rouen, il travaille désormais avec une préparatrice formée aux soins esthétiques. « Nous proposons régulièrement des animations, comme par exemple des minimassages du visage, du dos, des pieds ou des mains. Cela permet de mettre en évidence une gamme associée, explique Jean-Luc Leroy. Dans ce cas, l’animation est proposée au comptoir avec une prise de rendez-vous. Notre conseillère peut aussi proposer un soin avec un produit qu’une cliente souhaite essayer. » Pour ce faire, l’officine a obtenu des laboratoires des testeurs pour toutes les gammes qu’elle propose. « Notre objectif est clair : montrer que l’officine est un lieu où l’on s’occupe de la santé et du bien-être des clients d’une façon globale. Cela passe aussi par une offre de services différente des autres circuits de distribution des cosmétiques », insiste le titulaire normand.

L’agencement de l’espace de vente est primordial

Proposer des animations à l’officine exige certains aménagements de l’espace de vente. L’idéal ? Créer un espace conseil en dermocosmétique qui permet la réalisation en toute confidentialité (paravent, plantes…) d’un diagnostic de peau et d’un test produit. Chez Maxime Mendelhson, une pièce contiguë à l’espace beauté a été aménagée pour les tests de peau, de cheveux ou de produits. Chez Jean-Luc Leroy, un petit espace au fond de l’officine a été créé avec un siège de massage pour proposer des minisoins. En cas d’affluence lors des animations, l’officine de Trouville utilise aussi l’espace à l’étage qui a été dévolu à l’orthopédie et à l’essayage des prothèses mammaires.

Enfin, pour rendre convivial cet espace conseil en dermocosmétique, il ne sera pas superflu d’investir dans du matériel tels un appareil de diagnostic capillaire, un siège de massage et du mobilier. Quant à la décoration, elle devra être la plus accueillante possible, sans oublier de diffuser de la musique douce et des huiles essentielles.

« Un esthéticienne à l’officine, c’est une erreur de casting »

Lucien Bennatan, président de PHR

Depuis mai 2009, le groupe PHR a expérimenté des consultations de diététiciennes et d’infirmières au sein de pharmacies sous enseigne Viadys et Pharma Référence. Mais le patron de PHR n’est pas pour autant prêt à étendre cette offre aux esthéticiennes. « Embaucher une esthéticienne à l’officine c’est vouloir s’implanter sur un marché détenu par des grands groupes de l’esthétique, explique-t-il. C’est une erreur de casting. Je ne vois pas bien en quoi un tel service participe à la valorisation du métier de pharmacien. La priorité autour d’un produit réside à proposer du service et des conseils santé. Dans le mot santé, il y a bien sûr les notions de prévention et de bien-être, mais l’esthétique m’en semble bien éloignée. »

repère

Attention à la réglementation !

Les animations en officine sont strictement encadrées par les textes. Trois grandes règles doivent être appliquées :

– rester un professionnel totalement indépendant,

– respecter le libre choix du consommateur,

– ne pas utiliser des moyens contraires à l’éthique professionnelle pour fidéliser sa clientèle. Il est donc interdit de proposer des programmes de soins sur rendez-vous, payants ou non, qui seraient considérés comme de la concurrence déloyale. Toutefois, la réalisation de minisoins est tolérée dans la mesure où ils prolongent le conseil. Ils doivent donc servir à tester une crème, montrer l’utilisation d’un peeling, expliquer l’application d’un fond de teint… Pour éviter toute ambiguïté, vous pouvez afficher une charte expliquant qu’il s’agit de minisoins gratuits n’excédant pas une demi-heure.

Attention aussi à la façon de communiquer lors des animations. Un affichage trop voyant en vitrine pourrait être considéré comme une sollicitation de clientèle, contraire à la dignité de la profession.