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UNE CONVENTION POUR QUOI FAIRE ?
La signature de la seconde convention pharmaceutique marquera un tournant en raison notamment des volets « rémunération » et « nouvelles missions ». Elle devrait être signée fin mars avec l’Assurance maladie pour une durée de cinq ans. Mais à quoi sert-elle ? Quels sont ses avantages ? Ses limites ?
La première convention nationale avec la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) avait été signée par les médecins généralistes et spécialistes en 1971 (loi n° 71-525 du 3 février 1971). Elle portait essentiellement sur les tarifs d’honoraires. Elle comprenait aussi des engagements collectifs, sauf refus individuel exprès. « La convention a permis d’organiser la médecine de ville, d’avoir des honoraires opposables et un accès aux soins garanti », rappelle Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé à Sciences-Po.
Le dispositif conventionnel rend la demande solvable à travers le remboursement des patients. Le dispositif a été ensuite élargi aux autres professions de santé libérales. « La convention apporte la garantie aux professionnels de santé que l’assurance maladie prend en charge un certain nombre de soins et que leurs patients vont être remboursés », résume Michel Régereau, président de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). « Le conventionnement donne la garantie aux professionnels de santé d’être partenaires du système. Le professionnel accepte de participer au service public de santé. La convention est un élément important pour l’évolution des professionnels et fondamental pour le grand public », ajoute Didier Tabuteau.
De quels sujets traite une convention ?
« Aujourd’hui, les conventions sont de plus en plus riches et traitent de la formation continue, de l’accès aux soins, de la continuité des soins ou encore de l’accession au métier. C’est toute la politique de santé qui s’exprime dans les conventions, mais, au départ, elles n’étaient pas faites pour cela », remarque Didier Tabuteau. Le dispositif a en effet évolué. « Sur toutes les orientations adoptées par le conseil de la CNAMTS, le fil rouge est de modifier le mode de rémunération, car il a des effets sur la pratique professionnelle, de travailler sur une meilleure répartition géographique des professionnels de santé, de cibler des actes sous-valorisés ou à développer plutôt que de revaloriser systématiquement la lettre clé », détaille Michel Régereau.
Les dernières conventions passées avec les médecins, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes s’inscrivent dans cette démarche. La convention pharmaceutique n’échappe pas à ce mouvement. « La première convention passée avec les pharmaciens était assez technique puisqu’elle traitait du tiers payant, de la permanence des soins, de la scannérisation des ordonnances, sachant que la rémunération relevait du domaine de l’Etat, précise Michel Régereau. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 a modifié le champ. »
Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, les enjeux de la nouvelle convention portent sur la « modification de la rémunération qui devient une combinaison mixte » de marge et d’honoraires et la mise en œuvre d’une « rémunération individualisée autour d’un certain nombre de missions de dépistage, de prévention et d’accompagnement des patients chroniques ? ». « Tous les professionnels vont être liés par un cadre conventionnel à un paiement à la performance, résume Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Pour les pharmaciens, c’était déjà le cas depuis cinq ans avec les objectifs de substitution. » Cette logique de paiement va donc s’étendre aux missions déterminées par la convention. Philippe Gaertner estime que trois missions devraient « être définies d’emblée », de nouvelles missions pouvant ensuite être ajoutées en fonction des politiques de santé publique et des objectifs de l’Assurance maladie.
Quelles sont les limites du dispositif ?
Pour Didier Tabuteau, « le système ne peut pas rester en l’état, il faut le transformer en profondeur pour l’adapter à une politique de santé moderne ». Il souhaite ainsi que les conventions soient négociées avec les caisses d’assurance maladie, les professionnels de santé, l’Etat et les associations de patients. Il plaide également pour des volets régionaux des conventions : « Avec la création des agences régionales de santé, on ne peut pas imaginer un système piloté au plus près des besoins de proximité sans des conventions régionales. »
Autre limite des conventions : la répartition territoriale des professionnels de santé. Si les conventions des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes traitent du problème, ce n’est toujours pas le cas des médecins. « Il faut que le Parlement organise mieux la médecine de ville, dont la loi ne dit rien », estime Didier Tabuteau. « L’Etat ne joue pas son rôle de puissance publique en fixant des objectifs avant de renvoyer à la négociation les modalités d’organisation », déclare Michel Régereau. Quant à la nouvelle convention pharmaceutique, son champ prend en compte la restructuration du réseau officinal. « On voit bien déjà une concentration de la dispensation des médicaments dans les pharmacies de centre-ville et les pharmacies implantées dans les grandes surfaces, déclare le président de la CNAMTS. Il va falloir trouver un moyen de soutenir les pharmacies dans certaines zones et travailler à positionner le pharmacien dans le suivi des patients. »
Michel Régereau prône également l’interprofessionnalité : « On ne peut pas se limiter à des négociations profession par profession. L’accord interprofessionnel, qui n’est pas encore engagé, porte sur des aspects techniques tels les échanges d’informations. Il faut des négociations transversales pour construire un vrai parcours de soins et pouvoir rémunérer le suivi. »
L’ESSENTIEL
• Les syndicats de pharmaciens négocient la seconde convention nationale avec l’Assurance maladie.
• Les négociations devraient aboutir le 28 mars.
• Le dispositif conventionnel permet de garantir aux professionnels de santé que leurs patients sont remboursés. En contrepartie, les professionnels acceptent de participer au système de service public de santé.
• Le contenu des conventions a largement évolué : aujourd’hui, elles mettent en œuvre un paiement corrélé à des objectifs.
• La nouvelle convention pharmaceutique va introduire de nouveaux modes de rémunérations pour la dispensation et des missions de prévention, de dépistage et d’accompagnement des patients chroniques.
Les points en suspens
La part d’honoraires dans la rémunération mixte est un sujet de discorde entre les syndicats. L’UNPF souhaite 10 %. Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, ce pourcentage « n’est pas ambitieux et cela nous mène droit dans le mur avec l’évolution du marché du médicament ». Il partage avec l’USPO le même objectif : parvenir d’ici cinq ans (durée de la convention) à 25 % d’honoraires, dont environ la moitié de ce pourcentage dès la première année. Autre point d’achoppement, cette fois avec l’Assurance maladie : la nomenclature. Il faut en effet en instaurer une pour la rémunération des actes correspondants aux nouvelles missions des pharmaciens. « Pour l’instant, nous ne savons pas si la nomenclature portera sur les actes ou les honoraires », indique Jean Biwer, trésorier de l’UNPF. « Nous allons avoir besoin d’une nomenclature, mais ne tombons pas dans le piège d’un cadre tellement rigide qu’il faudra un an pour le changer. Laissons un peu de souplesse, méfions-nous de la nomenclature », souligne Gilles Bonnefond, président de l’USPO.
REPÈRES
Les premières conventions de chaque profession
1962 : masseurs-kinésithérapeutes
1971 : médecins
1987 : infirmiers
1992 : LABM
1995 : sages-femmes et orthoptistes
1996 : orthophonistes
1997 : chirurgiens-dentistes
2005 : pharmaciens
2007 : pédicures-podologues
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