Regroupement d’officines : une alliance camarguaise réussie

Lorsqu’en 2018, il reprend la pharmacie de la Poste à Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), une ville de 9 000 habitants située aux portes de la Camargue, Thibault Gautier sait déjà qu’il va fusionner avec une officine voisine. « Le titulaire de la pharmacie du Port, installée à 300 m de là, avait contacté un transactionnaire pour lui demander de trouver un acquéreur prêt à acheter la pharmacie de la Poste et à fusionner avec la sienne. Comme de mon côté, je recherchais une association, j’ai tout de suite été séduit par le projet », raconte-t-il.

Passer de quatre à deux

Le projet ne verra pourtant jamais le jour. Mais Thibault Gautier refuse de baisser les bras. Lors de la mise en vente de la pharmacie du Stade qui intervient trois mois plus tard, il aide une ancienne camarade de promotion à la reprendre, en apportant avec le titulaire de la pharmacie du Port 50 % du capital. Les deux pharmaciens réussissent à convaincre leur nouvelle associée de réaliser en une seule opération un regroupement pour faire passer de quatre à deux le nombre de pharmacies de la ville, avec un montage juridique octroyant 25 % des parts des deux officines restantes aux quatre cotitulaires. Il ne reste plus qu’à obtenir le feu vert du confrère de la pharmacie de Saint-Louis. « Au départ, il était réticent, mais après avoir mis son officine en vente pendant quelques mois, sans succès, il a finalement décidé de se joindre à l’opération », relate Thibault Gautier. En mai 2022, le regroupement des pharmacies de la Poste et du Port, et celui des pharmacies de Saint-Louis et du Stade est acté. Les équipes sont désormais concentrées à la pharmacie du Port et à la pharmacie du Stade, les deux autres officines ayant fermé leurs portes.

Un meilleur confort d’exercice

Si ce montage a été possible, c’est parce que les quatre associés partageaient le même constat. « Nos officines étaient toutes situées dans la même rue, note Thibault Gautier. Nous étions donc en concurrence frontale. Et si elles étaient de taille divergente, – la pharmacie de Saint-Louis faisant environ 2 M€ de chiffre d’affaires, celle du Port 1,5 M€, les deux autres autour de 1 M€ –, nous avons réussi à gommer ces différences dans nos valorisations respectives en considérant que les pharmacies du Stade et de la Poste étaient sur une bonne dynamique depuis leur reprise par de jeunes titulaires. Finalement, tout le monde a compris que cette opération n’avait que des vertus. Elle allait nous permettre de gagner en confort d’exercice et d’harmoniser l’offre de services. La pharmacie du Port a, par exemple, conservé son expertise en orthopédie, alors que la pharmacie du Stade, qui avait un local réservé au matériel médical, reste davantage spécialisée dans le maintien à domicile. » Le chemin a toutefois été semé d’embûches. « Entre le moment où ont germé l’idée et la réalisation, il s’est passé près de deux ans, se souvient Thibault Gautier. Il faut donc, dans ce genre d’opération, se montrer patient et persévérant. Sans le concours du cabinet d’avocats, nous n’aurions d’ailleurs probablement pas pu la mener à terme. L’avocat nous a en effet proposé différents schémas, avec une holding par pharmacien, une holding par pharmacie, des restitutions de licence… Cela nous a permis de finalement trouver la bonne formule qui a aussi été validée par l’Ordre, l’Assurance maladie et l’agence régionale de santé car nous avons dû restituer deux licences. Mais comme il n’y avait pas de pertes de services sur le plan local, les deux officines étant éloignées d’à peine 1 km, celle-ci a rapidement donné son accord. »

Deux ans après les regroupements, l’opération de restructuration est un succès. La pharmacie du Port affiche un chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) de 2,9 M€, la pharmacie du Stade de 3,2 M€ HT. « Nous n’avons pas enregistré de déperdition ni du CA ni de la clientèle après les fusions », se félicite Thibault Gautier. Le confort d’exercice attendu est aussi au rendez-vous. « Actuellement, avec mon associé, j’exerce dans une pharmacie qui a été entièrement rénovée et emploie une pharmacienne assistante, quatre préparatrices, une rayonniste et une secrétaire administrative, souligne-t-il. Nous avons également installé des robots dans les deux officines, chose que nous n’aurions pas pu faire en restant isolés. »

Ils ferment la porte à la concurrence

Les quatre associés ont en outre décidé de rejoindre le même groupement : Totum Pharmaciens. « Nous avons par ailleurs harmonisé les horaires d’ouverture pour que la pharmacie du Port, la plus petite en termes de chiffre d’affaires, ne soit pas pénalisée, précise Thibault Gautier. Le lundi matin, elle est la seule à ouvrir. Et puis nous avons ajouté une demi-heure supplémentaire en reportant la fermeture à 12 h 30. » Dernier avantage, mais pas des moindres, en effectuant ce regroupement, les quatre cotitulaires ont fermé la porte à la concurrence. « Les deux pharmacies que nous avons cessé d’exploiter ont vu leur licence gelée pendant 12 ans », explique-t-il.

Lorsqu’on lui demande si cette opération a permis de préserver le maillage officinal au sein de la ville, Thibault Gautier répond : « Sans ce double regroupement, il est probable qu’une pharmacie voire deux auraient fini par disparaître. On peut donc considérer que cette opération a permis de préserver le maillage en créant deux pharmacies plus solides, et en capacité d’investir grâce à leurs équipes dans les nouvelles missions et les services santé. Pharmacies qui seront aussi plus facilement vendables parce que réalisant des CA très corrects », conclut le pharmacien.