Un éternel recommencement

Le médicament générique est devenu en l’espace de 20 ans un acteur banal du marché français des médicaments. Au-delà des parts de marchés et des chiffres d’affaires, les génériques ont joué un rôle majeur dans les transformations de notre système de santé. En favorisant leur développement, les pouvoirs publics se sont dotés d’un nouvel instrument leur permettant de négocier plus fortement les prix avec les laboratoires de princeps, de contrôler l’évolution des dépenses de l’Assurance maladie et de gouverner les conduites des médecins, des pharmaciens et des patients. De fait, les médicaments génériques ont également modifié les logiques et les rhétoriques des industriels du médicament en les poussant à justifier davantage le degré d’innovation et les niveaux de prix de leurs produits. Enfin, les médicaments génériques ont profondément fait évoluer le rôle des pharmaciens d’officine qui ont pu s’affirmer davantage comme des professionnels de santé, capables d’apporter leur expertise sur les médicaments et susceptibles d’endosser de nouvelles missions de santé publique.

Mais les médicaments génériques ont également révélé les tensions inhérentes à notre système de santé, en soulevant des controverses récurrentes autour de l’équivalence de leur composition et de leurs effets, en mettant en lumière la préférence des médecins français (notamment les spécialistes) pour l’innovation, même mineure, et en dévoilant les disparités de traitement selon les caractéristiques de la patientèle (les génériques ayant des difficultés à se diffuser dans les départements dont la population présentait un plus haut degré de morbidité et de plus fortes inégalités de revenus) et des professionnels de santé (les génériques se diffusant moins facilement dans les départements dotés d’une forte densité de professionnels de santé et où les dépassements d’honoraires sont fréquents).

A de nombreuses reprises lors des 20 dernières années, les médicaments génériques ont semblé avoir atteint un infranchissable plafond de verre et, à chaque fois, ils l’ont dépassé. Ils semblent désormais se heurter au plafond des biosimilaires, ravivant une double polémique autour de l’équivalence entre les médicaments et du droit de substitution officinal.

Le développement des génériques est décidément un éternel recommencement. ●