Tensions d’approvisionnement en médicaments : et si c’était la faute de vos surstockages

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Tensions d’approvisionnement en médicaments : et si c’était la faute de vos surstockages

Publié le 3 octobre 2023
Par Magali Clausener
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L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) annonce le 3 octobre 2023 déployer son plan hivernal afin d’anticiper et limiter les tensions sur certains médicaments. Le même jour, le ministre de la Santé et de la Prévention dénonce sur France Inter le surstockage pratiqué par certaines pharmacies. Et pendant ce temps là, les grossistes-répartiteurs observent une explosion des ventes directes de médicaments princeps et génériques.

« Nous déployons, en lien avec les associations de patients, les représentants des professionnels de santé et l’ensemble des acteurs de la chaine d’approvisionnement, un plan hivernal. Ce plan vise à anticiper et limiter les tensions sur certains médicaments majeurs de l’hiver et ainsi sécuriser la couverture des besoins pour les patients », explique l’ANSM dans un communiqué diffusé en fin d’après-midi le 3 octobre. C’est la première activation d’un tel plan, mis en place début 2023 par le gouvernement.

Suivi renforcé

Ce plan va s’appuyer sur trois types d’indicateurs :

– les données épidémiologiques de Santé publique France : suivi du nombre de consultations médicales, suivi du nombre de passages aux urgences, du nombre d’hospitalisations pour certaines pathologies (Covid-19, grippe, bronchiolite, etc.) ;

– les données de l’ANSM sur les approvisionnements : suivi des stocks et des approvisionnements des laboratoires, des grossistes-répartiteurs et des officines, suivi des ventes en pharmacie, etc. ;

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– les données de terrain : remontées des difficultés rencontrées par les professionnels de santé et les patients.

Selon l’évolution de ces indicateurs, l’Agence pourra être amenée à mettre en œuvre des mesures pour prévenir des ruptures de stock : importations de médicaments initialement destinés à d’autres marchés, contingentements, ajustements du circuit de distribution ou mobilisation de préparations magistrales.

Dans le cadre du plan hivernal, l’ANSM exercera un suivi renforcé de certains médicaments majeurs de l’hiver : antibiotiques (amoxicilline et amoxicilline-acide clavulanique) ; médicaments contre la fièvre (paracétamol) ; corticoïdes administrés par voie orale (prednisone, prednisolone) ; médicaments contre l’asthme tels que les corticoïdes et bronchodilatateurs administrés par voie inhalée (fluticasone, salbutamol).

Explosion des ventes directes

Le matin même, Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de la Prévention, interviewé sur France Inter, déclarait que des mesures étaient prises pour limiter le risque de nouvelles pénuries de médicaments aussi courants que le paracétamol : « On a mis 400 médicaments sous surveillance. On relocalise 25 médicaments stratégiques. Aujourd’hui, d’un point de vue global, on a les stocks pour l’hiver, notamment l’amoxicilline. Mais certaines pharmacies ont fait des surstocks. J’ai demandé que même les petites pharmacies soient approvisionnées ».

Ces surstockages seraient-ils dus aux ventes directes ? La Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) se pose la question. En effet, les ventes directes ont explosé sur les 8 premiers mois de 2023 pour les médicaments référents (+ 31,70 % versus + 5,37 % en 2022) et les génériques (+ 15,10  % vs + 2,27 % en 2022). « Les progressions les plus fortes peuvent atteindre + 100 % et encore plus, et elles portent sur les médicaments en tension ou en rupture comme l’amoxicilline avec + 99 % de hausse pour l’amoxicilline 250 mg  ou la prednisolone qui se distingue avec + 192 % d’augmentation par exemple, explique Emmanuel Déchin, délégué général de la CSRP. On observe également que ces évolutions ont lieu deux mois avant ou après une alerte de l’ANSM sur des tensions. » Et d’ajouter : « Les grossistes-répartiteurs livrent la totalité du réseau officinal et, si les livraisons sont limitées, toutes les pharmacies reçoivent des boîtes. En revanche, les ventes directes d’un laboratoire ne touchent que 3000 ou 4 000 pharmacies ».