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Stopper l’effet yoyo

Publié le 1 juin 2022
Par Francois Pouzaud
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Choc inflationniste, crise de l’énergie, guerre en Ukraine, impacts sur les marchés… Dans cet environnement macro-économique incertain, quelles stratégies d’investissement adopter et comment sécuriser son patrimoine ? Philippe Richard, conseiller en gestion de patrimoine au sein du cabinet OptiPatrimoine, nous livre ses préconisations très “pharmaco-centrées”.

SUR UNE PÉRIODE LONGUE, PLUS DE TRENTE ANS,

le placement actions sur les marchés financiers est le plus rémunérateur. Mieux que l’or, mieux que l’assurance-vie en fonds euros, mieux que l’immobilier à Paris, etc. Mais, avec un diplôme de pharmacien en poche, le meilleur des placements est l’acquisition d’un fonds de pharmacie. « Le prix d’une pharmacie augmente par l’amélioration de sa performance financière (EBE). L’augmentation du multiple appliqué à sa rentabilité ne traduit en fait que la confiance dans la pérennité de cette performance (type d’officine, emplacement, taille, etc.) », explique Philippe Richard (OptiPatrimoine). Les taux de rendement annuel des mises de fonds propres des acquéreurs varient entre 10 % et 20 %.

Le contexte rebat les cartes.

Sur le plan macro-économique, l’évolution des cours des actions représente le niveau de confiance des agents dans le développement de l’économie. La planète vient de connaître plusieurs décennies de croissance économique et, parallèlement, des indices boursiers en hausse. Cette croissance est alimentée notamment par le développement démographique de la planète (natalité, allongement de l’espérance de vie), le progrès technique et les phénomènes d’obsolescence et renouvellement, le rattrapage économique des pays dits “émergents” et l’aspiration de leurs populations à aligner leurs modes de vie sur celui des pays dits “développés”. Les principales causes de contrariété de cette dynamique sont les pandémies et les crises géopolitiques (chocs pétroliers, guerres; etc). Les bourses évoluent en fonction des cycles économiques, des bulles apparaissent, les excès sont corrigés (bulles internet, immobilière), mais la marche en avant a toujours repris, aboutissant sur une longue période, de performance des actions. « Nous venons, en deux ans, de connaître les deux contrariétés évoquées », expose-t-il. La pandémie du Covid-19 a été rapidement effacée par les marchés, grâce à l’innovation technologique (la découverte du vaccin), qui a permis de restaurer la confiance du monde et une reprise dopée par la réorganisation des modes de vie en fonction des aspirations des populations. Cependant, la résurgence de la pandémie en Chine et en Corée du Nord provoque actuellement un désordre qui montre que la gravité du phénomène avait été sousévaluée et entraîne une prise de conscience de la nécessité pour chacun de se “démondialiser” pour reprendre son destin en mains et reconstruire une relative “indépendance”. Le conflit russo-ukrainien se répercute aussi sur l’économie et remet en cause durablement les perspectives qui étaient les nôtres il y a encore trois mois. L’envolée des cours des matières premières, des produits agricoles, les pénuries, les hausses des taux annoncées par la FED et la BCE se traduisent par une inflation galopante. Les perspectives de croissance pour 2022 sont revues à la baisse dans toutes les économies majeures et la probabilité d’une récession est de plus en plus forte.

Le caractère aléatoire de la Bourse.

Pour toutes les raisons déjà évoquées (corrélation entre croissance économique et cours de bourse), il paraît désormais logique et prudent de réduire son exposition aux actions, comme le font déjà la plupart des gestionnaires de fonds (les unités de compte de vos contrats d’assurance-vie). « La tentation contrariante d’entrer en bourse quand elle est basse aurait du sens, mais nous ne sommes pas actuellement au plus bas », explique-t-il. Les incertitudes du conflit en Ukraine rendent cette conviction très incertaine et vont faire perdurer la “volatilité” des cours. La bonne gestion de long terme sur cette classe d’actifs consiste à faire des achats réguliers pour obtenir un prix moyen d’entrée dans la tendance. Dans ce contexte, Philippe Richard suggère « d’orienter ses allocations vers certains secteurs porteurs : la transition énergétique, la lutte contre le réchauffement climatique, les énergies renouvelables, etc. Quant aux rendements actuels des fonds euros, ils couvrent difficilement les frais de gestion des contrats d’assurance-vie : l’inflation conduit leur rendement réel en territoire négatif et, du coup, le pouvoir d’achat du capital diminue ».

L’investissement dans l’immobilier bouge.

L’immobilier a toujours été la classe d’actif “refuge” par excellence, caractérisée par sa résilience, sa capacité à traverser les crises. Mais, ce marché est également en pleine mutation : la demande et les aspirations en termes de modes et de lieux de vie ont changé, le développement du télétravail a un impact sur la valeur des patrimoines d’immobilier de bureaux, la transition énergétique oblige les actifs immobiliers obsolètes à se restructurer. Les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) et les fonds immobiliers accompagnent ces mutations et permettent de bénéficier de l’expertise de leurs gérants. Cela ne dispense pas d’être sélectif et de s’informer. Philippe Richard conseille d’inclure des SCPI sous forme d’unités de compte dans les contrats d’assurance-vie lorsqu’ils le permettent. L’immobilier géré (louer en meublé professionnel ou non professionnel) présente des caractéristiques attractives : rendement, simplicité de gestion, sécurité, fiscalité favorable. « Il faut éviter les EHPAD dont le modèle d’exploitation est controversé et privilégier les résidences seniors (non médicalisées) qui répondent à une problématique sociétale et à une demande forte », recommande-t-il.

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Forte attractivité du “private equity”.

Le capital investissement ou “private equity” connaît un réel engouement auprès des investisseurs, car il apporte une alternative apaisante à la volatilité des marchés financiers. Le “private equity” permet aux entreprises non cotées de trouver des capitaux rapidement pour financer leur développement. Pour l’investisseur, il s’agit de prendre des participations (via des fonds qui sélectionnent plusieurs projets pour mutualiser et diluer le risque) dans le capital de petites et moyennes entreprises en fort développement, puis de les céder à terme avec un objectif de plus-value. Il bénéficie d’une décorrélation des marchés financiers (pas de cotation = pas de volatilité = pas de stress). L’horizon de placement varie de quatre à sept ans, avec une liquidité réduite ou inexistante sur cette durée, mais pour des objectifs de rendement de 7 % par an et plus, en contrepartie, il est vrai, d’un risque de perte en capital. Les fonds interviennent dans différents secteurs porteurs (transition énergétique, digitalisation, santé, etc.) et/ou résilients (immobilier, groupements forestiers, hôtellerie). Ils sont animés par des sociétés de gestion dont les performances passées peuvent être consultées et évaluées. « Le contexte de crise et le manque de visibilité impliquent de la part du pharmacien prudence et souci de diversification de ses investissements, conclut Philippe Richard. Face à la complexité de ces sujets et à la faible disponibilité que vous laissent vos officines, prenez conseil auprès de professionnels ».