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Sauver son officine de la faillite

Publié le 16 janvier 2010
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Appels répétés du banquier, fournisseurs rongés par l’inquiétude… Quand les premiers signaux d’alerte arrivent, le titulaire doit réagir vite. Et prendre des mesures en urgence avant de tomber dans la cessation de paiements. Réflexes à adopter dès les premières difficultés.

1. Les signaux d’alerte

Le pharmacien doit tout mettre en oeuvre pour anticiper les difficultés et redresser la barre avant qu’il ne soit trop tard. Or, les premières difficultés peuvent déjà se traduire dans les relations avec les différents partenaires :

-Le banquier : le chargé de compte appelle régulièrement pour faire le point avant d’accepter de régler les chèques ou les traites qui se présentent au débit du compte de l’entreprise. La cote d’alerte est atteinte lorsque la banque refuse de régler les traites.

-Les salariés : un retard dans le règlement des salaires des collaborateurs et l’émergence d’un fort absentéisme dans l’équipe sont des symptômes préoccupants.

-Les clients : la diminution des stocks augmente les manquants et engendre du mécontentement chez les clients, qui vont voir ailleurs. La suppression brutale des crédits clients et l’augmentation des litiges sont également des signes révélateurs de difficultés.

-Les fournisseurs : les délais de règlement s’allongent. Pire, le fournisseur adresse une injonction de payer.

-Les créanciers privilégiés : la situation est préoccupante quand, pour la première fois, on ne peut pas régler ses cotisations sociales ou sa TVA. Ou bien si l’on connaît une première inscription de privilèges de l’Urssaf ou du Trésor public. Cette procédure se déclenche à l’issue de trois mois de non-paiement.

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2. Trois procédures pour éviter le pire

Trois procédures de prévention des difficultés ont été créées pour venir en aide aux chefs d’entreprise en difficulté :

-Le mandat ad hoc, pour toute entreprise dès les premiers signes d’alerte

C’est la toute première procédure préventive des défaillances d’entreprise. Il s’agit d’un mécanisme par lequel le dirigeant de l’entreprise demande au tribunal de commerce de nommer une personne indépendante et extérieure pour l’aider à analyser sa situation et à mettre en oeuvre des solutions de redressement, mais à la condition expresse que la société ne soit pas déjà en cessation de paiement. La durée d’intervention du mandataire ad hoc est généralement de trois mois, renouvelable plusieurs fois. Il est chargé de trouver un accord entre l’entrepreneur et ses fournisseurs, avec, en général, un rééchelonnement des dettes. L’avantage de cette solution est sa confidentialité et sa souplesse.

-La procédure de sauvegarde, lorsque l’entreprise est au bord de la cessation de paiements

Cette procédure permet d’élaborer, avec les créanciers, un plan favorisant la réorganisation de l’entreprise et la poursuite de son activité. La requête est déposée auprès du tribunal compétent par un avocat, documents comptables à l’appui. Cette procédure déclenche alors une période d’observation, d’une durée maximale de 6 mois. Les poursuites contre les cautions de l’entreprise en difficultés sont suspendues ; les dettes nées antérieurement au jugement d’ouverture sont gelées ; les créanciers sont associés à l’élaboration du plan ; et, enfin, les créances sociales et fiscales peuvent faire l’objet de remises totales ou partielles.

Puis cette démarche débouche, s’il existe de réelles chances de sauver l’entreprise, sur un plan de sauvegarde d’une durée inférieure à 10 ans et opposable à tous. Un administrateur judiciaire est chargé d’épauler le dirigeant et dispose de larges pouvoirs.

Cette solution répond à une problématique de « haut de bilan », c’est-à-dire quand l’entreprise arrive à faire face à ses besoins d’exploitation à court terme, mais qu’elle se retrouve incapable de rembourser ses dettes à long terme. Il y a une perte de confidentialité puisque cette procédure judiciaire fait l’objet d’une publicité. C’est un réel frein à son adoption.

-La procédure amiable de conciliation, pour toute entreprise qui souhaite sortir d’un état de cessation de paiement ne dépassant pas 45 jours

Un conciliateur, nommé par le président du tribunal de commerce, négocie avec un ou plusieurs créanciers pour obtenir de nouveaux délais de paiement, des remises de dettes ainsi que des intérêts et des pénalités de retard. Il ne dispose que de 5 mois pour y parvenir. Si les créanciers sont arrangeants et consentent de nouveaux concours financiers, ils peuvent être remboursés en priorité sur tous les autres (sauf sur les salariés) en cas d’échec de la conciliation. La procédure de conciliation est confidentielle, sauf en cas d’homologation par le tribunal.

3. Les actions personnelles

Si la détection des difficultés est précoce, vous pouvez vous passer de ces trois procédures et conduire votre action de manière totalement indépendante.

-Avec l’aide d’un expert-comptable, vous devrez recenser les difficultés et en évaluer le niveau réel. « Il faut veiller à calculer la trésorerie réelle de l’officine et surtout ne pas se laisser aveugler par une trésorerie artificielle résultant de délais, de découpages ou de retards fournisseurs », met en garde François Gillot, expert-comptable au cabinet Conseils et Auditeurs Associés.

-En cas de difficulté de trésorerie d’ordre conjoncturelle, il faut engager des négociations individuelles avec son banquier, ses fournisseurs ou les organismes sociaux, transiger avec ses créanciers ou obtenir une remise de dettes. « Attention aux solutions temporaires de découvert bancaire !, prévient à son tour Michel Watrelos, du même cabinet. Elles peuvent être remises en cause lors d’un changement de directeur d’agence bancaire. »

-Un prévisionnel doit être revu en fonction des nouvelles données d’exploitation (baisse du chiffre d’affaires, départ d’un prescripteur, licenciements, réduction des horaires, révision des charges externes, révision des prélèvements de l’exploitant…) et mettre en place un tableau de bord mensuel afin de suivre le prévisionnel redéfini.

« Dans ces situations de crise, les prélèvements personnels du titulaire exploitant à l’IR doivent être revus à la baisse, poursuit François Gillot. Il conviendra notamment de déterminer un prélèvement mensuel maximal et, pour ne pas avoir une appréciation faussée des dépenses, éviter de passer directement les dépenses personnelles sur les comptes bancaires de l’officine. » En outre, IL conseille également aux officines exploitées dans le cadre de l’impôt sur les sociétés de « maintenir la rémunération de gérance ou d’en laisser une partie en compte courant d’associé. Cela prouvera l’effort réalisé par le dirigeant face aux partenaires bancaires ».

-« Il est important que le pharmacien ait une attitude transparente avec son partenaire bancaire et son répartiteur pour ne pas se discréditer auprès d’eux, conseille Michel Watrelos. Il est inutile de promettre des règlements proches s’ils ne pourront être honorés. »

en savoir plus

La cessation de paiement se manifeste par une absence de trésorerie. L’entreprise est dans l’impossibilité de faire face à son passif.

A ne pas confondre avec l’insolvabilité, une situation dans laquelle l’entreprise ne peut payer ses créances.

Les organismes à qui faire appel

Les titulaires peuvent faire appel aux centres d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP) qui sauront les orienter vers les solutions de prévention adaptées en fonction de chaque situation.

Si le titulaire n’a pas réglé l’une de ses échéances fiscales ou sociales, il peut saisir les services du trésorier-payeur général pour obtenir les facilités de paiement. Ceux-ci assurent le secrétariat de la CCSF (commission départementale des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l’assurance chômage).

Si les difficultés sont structurelles, c’est-à-dire de nature à remettre en cause la structure ou l’organisation de l’entreprise, il faut alors saisir les Codefi (comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises), présidés par les préfets de département