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Qui casse mal le contrat, paie

Publié le 17 décembre 2022
Par Anne-Charlotte Navarro
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C’est l’histoire d’une rupture entre des pharmaciens titulaires et leur agenceur. La résiliation est remise en question par le second, à qui les premiers reprochaient ses propres écarts avec le contrat. S’ensuit un procès qui n’évitera pas la casse et entraînera des réparations.

LES FAITS

M. C. et Mme V. confient l’agencement de leur officine à la société CB. Ils acceptent le devis présenté le 15 février 2016. Le 18 octobre 2016, les cotitulaires reprochent à la société CB de ne pas respecter les termes de ses engagements contractuels. Ils prennent acte de la rupture du contrat à l’initiative de la société CB et demandent la restitution de l’acompte versé. La société CB assigne alors les pharmaciens pour rupture unilatérale et abusive du contrat et demande le paiement de dommages-intérêts.

LE DÉBAT

Les relations commerciales entre deux professionnels sont organisées par le contrat signé entre eux. Il fixe le prix, les modalités de paiement, d’exécution de la prestation et généralement les conditions de résiliation. Le principe de la liberté contractuelle veut que chaque partie est libre de conclure ou non le contrat. De même, chacun peut négocier le contenu des clauses du contrat avant sa signature. Mais, une fois signé, ce dernier doit être respecté. Ce que les pharmaciens n’ont pas fait, selon l’agenceur, en matière de résiliation. Or, si la partie qui souhaite rompre le contrat ne respecte pas les règles prévues dans celui-ci, elle engage sa responsabilité car elle a causé un préjudice à son ex-partenaire. Le Code civil indique que ce préjudice doit être indemnisé intégralement par l’octroi de dommages-intérêts. La société CB fait valoir que la résiliation de M. C. et Mme V. lui a fait perdre de la marge brute sur le marché. Elle évalue cette perte à 70 302,50 € et demande donc au juge de condamner les pharmaciens à lui verser cette somme.

Le 3 décembre 2020, la cour d’appel de Dijon (Côte-d’Or) constate que M. C. et Mme V. n’ont pas respecté les règles de résiliation. La rupture du contrat d’agencement est donc abusive. Les magistrats estiment toutefois que les pièces fournies par la société CB, dont une attestation de son expert-comptable, pour évaluer son préjudice ne permettent pas de corroborer objectivement l’évaluation des dommages-intérêts demandés. Les pharmaciens ne sont donc pas condamnés à en verser à la société CB. Cette dernière forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 5 octobre 2022, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats considèrent que les juges n’ont pas bien interprété le droit. Ils rappellent que les éléments de preuve du préjudice financier à la suite de la résiliation fautive du contrat doivent être objectifs, c’est-à-dire que son évaluation ne doit pas être à la seule main de la partie lésée. Or, pour la Cour de cassation, « l’attestation réalisée par un professionnel dont la mission est de tenir, de centraliser, d’ouvrir, d’arrêter, de surveiller, de redresser et de consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail » est recevable pour évaluer la réparation du préjudice financier subi. Les magistrats rappellent que l’auteur d’une faute doit réparer intégralement le préjudice fait à la victime. Ainsi, les pharmaciens devront payer des dommages-intérêts à la société CB pour rupture fautive du contrat. Cette somme pourra être évaluée sur la base de l’attestation de l’expert-comptable.

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Source : Cass. Com., 5 octobre 2022, n° 21-11.541.

À RETENIR

Lors de la signature d’un contrat, les parties acceptent les conditions d’exécution, de paiement et de résiliation de celui-ci.

Si l’une des parties ne respecte pas les modalités de résiliation prévues, alors elle engage sa responsabilité et devra des dommages-intérêts à son cocontractant.

Le préjudice du cocontractant peut être évalué à partir de documents établis par l’expert-comptable de cette entreprise.