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- « Pour combler le retard fran çais sur le médicament générique, il faut impérativement mettre le cap sur les prescripteurs et les volum es »
« Pour combler le retard fran çais sur le médicament générique, il faut impérativement mettre le cap sur les prescripteurs et les volum es »
Après le départ d’Erick Roche, son prédécesseur, Stéphane Joly a été élu le 12 septembre président du Gemme (Générique même médicament), l’association des industriels des médicaments génériques, pour deux ans. Egalement président de Cristers (groupe Welcoop), il connaît bien cette fonction pour la simple et bonne raison qu’il a déjà occupé ce poste à la tête de l’Association française du générique entre 1997 et 2001. Stéphane Joly ne manque pas d’ambition pour l’ensemble de la filière. Malgré les baisses de prix.
Comment se porte le marché des génériques en 2018 ?
Stéphane Joly : Après un essoufflement progressif et inquiétant du marché en 2017, année marquée par une stagnation de + 0.3 % en volume et + 0,2 % en valeur, la tendance se confirme en 2018 avec une croissance de 1,7 % en volume et de 0,9 % en valeur. Cela témoigne de l’urgence à agir sur un marché peu dynamique mais porteur de marges de progression et d’économies très importantes (plus de 2 milliards d’euros par an).
La performance du générique est-elle conforme aux objectifs de croissance du Gemme ?
Non. La France est encore très en retard par rapport à l’Allemagne où on utilise près de 80 % de médicaments génériques. Même si on ne se réfère qu’à la moyenne européenne, 62 %, notre retard reste important. Le marché est donc loin d’être mature : au rythme actuel, il faudrait plus de quinze années pour combler notre retard.
Que faut-il faire pour relancer la diffusion et le développement des médicaments génériques en France ?
Le taux moyen de substitution de 80 % est une belle réussite des officinaux et il paraît difficile de le dépasser. D’autres leviers doivent donc être activés tout en conservant le rôle central du pharmacien. D’une manière générale, la relance de la diffusion et du développement de ces médicaments passe en France par un environnement réglementaire et économique incitatif. La pression à la baisse exercée par les pouvoirs publics sur le prix des génériques doit diminuer. Il en va de l’équilibre économique du secteur, industriels et pharmaciens confondus, et de la pérennité des économies collectives. Il faut également encourager l’information des patients et des professionnels de santé sur la sécurité et la qualité de ces médicaments. Les campagnes de 2016 et 2017 ont eu un impact positif mais, on le sait, pour être efficaces, ces campagnes doivent être renouvelées régulièrement.
Le comblement du retard français passe par l’impérieuse nécessité de mettre le cap sur les prescripteurs et les volumes, mais nous ne parviendrons pas à influer sur les volumes sans une incitation à la prescription dans le Répertoire. Il est important aussi de se concentrer sur l’arrivée de nouveaux groupes de médicaments génériques avec des procédures d’autorisation et d’évaluation optimisées, prenant en compte des spécialités plus complexes.
Les dernières mesures pour renforcer le recours aux génériques, inscrites au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, vous semblent-elles adaptées ?
Le gouvernement a effectivement prévu deux mesures spécifiques aux médicaments génériques, qui devraient engendrer à court terme moins de 100 millions d’euros d’économies, selon le ministère de l’Economie et des Finances. En décidant que « des critères médicaux objectifs » seront définis pour délimiter le recours des médecins à la mention « non substituable » sur les ordonnances, il fait le choix de s’attaquer à un point nullement négligeable, compte tenu de la fréquence de cette mention (8,3 % en 2016). Il s’agit donc d’une mesure positive et importante d’accompagnement de la compréhension du médicament générique chez le médecin et chez le patient. Ce choix est d’ailleurs doublement en ligne avec la jurisprudence récente et la demande de certains syndicats de médecins appelant à une clarification des responsabilités dans la prescription médicamenteuse.
Sur le second axe de la mesure qui n’entre en vigueur qu’en 2020 (un reste à charge pour le patient refusant la substitution), le Gemme souhaite profiter de ce délai pour accompagner sa mise en œuvre et s’assurer de son efficacité à long terme.
Ce même PLFSS prévoit de nouvelles baisses de prix pour les génériques. Jusqu’où les acteurs du marché pourront-ils les supporter ?
Les laboratoires génériques ont porté près d’un milliard d’euros de baisses de prix en sept ans. Cela a terriblement fragilisé leur économie. Si cette pression sur les prix est maintenue en 2019, elle pourrait conduire à l’arrêt de commercialisation de certaines spécialités majeures. Une prise de conscience des pouvoirs publics est donc indispensable, surtout à un moment où les contraintes réglementaires s’accroissent.
En tout état de cause, les acteurs ont été fragilisés par les baisses de prix successives, et s’agissant des pharmaciens, au travers notamment de la baisse mécanique des remises. Cela confirme que, pour les pharmaciens d’officine comme pour les laboratoires, seule une croissance des volumes peut venir compenser la pression économique. Voilà pourquoi le Gemme sollicite depuis plusieurs années une remise à plat du modèle du médicament générique, afin d’augmenter les volumes et d’impliquer l’ensemble des acteurs.
L’article 43 du PLFSS en faveur « du recours aux médicaments génériques et biosimilaires », crée un Répertoire « des médicaments génériques hybrides » dans lequel, notamment, les sprays inhalés trouveront leur place. Qu’en pensez-vous ?
Rappelons déjà ce qu’est un médicament générique « hybride » ! C’est un médicament très proche du médicament générique, à ceci près qu’il doit fournir des études supplémentaires pour montrer son équivalence thérapeutique. C’est, par exemple, le cas pour les sprays inhalés. Un médicament peut aussi être qualifié d’hybride lorsqu’il est disponible dans un nouveau dosage, utile pour les patients, mais non disponible pour le médicament princeps.
Le gouvernement a décidé de créer ce quatrième répertoire spécifique, après ceux des « génériques », des « biosimilaires » et des « essentiellement similaires ». Il va de soi, pour le Gemme, que pour inciter les pharmaciens à substituer au sein de ce nouveau répertoire, il faut appliquer des règles économiques identiques à celles du générique, à savoir celle de la marge Gé (générique) égale à la marge P (princeps) et l’application de remises jusqu’à 40 %.
En 2019, qu’attend votre association, pour les génériques bien sûr, mais aussi pour les biosimilaires en 2019 ?
Tout d’abord, le Gemme attend des pouvoirs publics une attitude responsable quant à la pression à la baisse sur les prix des médicaments génériques. On ne peut pas d’un côté vouloir développer ces spécialités, et de l’autre, les entraver par des conditions économiques insoutenables.
Le Gemme souhaite aussi profiter de l’opportunité de l’article 51 de la LFSS 2018 pour lancer une expérimentation afin d’inciter les médecins à prescrire des médicaments dans le périmètre de la substitution. Cela permettrait à l’échelle d’un territoire d’observer in situ la mise en place d’une dynamique vertueuse via un effet volume favorable au développement des médicaments génériques et de remplir a minima les objectifs de la Stratégie nationale de santé. Nous réfléchissons également à la mise en place d’une autre expérimentation pour les médicaments biosimilaires, mais sur ce point, nos travaux ne sont pas tout à fait aboutis.

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