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Ouverture du capital : passez la main à votre adjoint !
Voilà une situation délicate, qui a défrayé la chronique ces derniers mois : pour certains titulaires, passer la main devient quasiment impossible. Installée dans une commune rurale d’Indre-et-Loire où elle était seule présente, une titulaire a ainsi proposé de céder son officine pour un euro symbolique, à l’automne 2023. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir anticipé son départ à la retraite et travaillé à l’attachement de sa clientèle. « Les clients sont fidèles. Ils ne viennent parfois que pour du conseil, repartent les mains vides, mais ils reviennent », soulignait-elle alors, expliquant que la cession pour un euro symbolique permettait de maintenir la présence pharmaceutique sur le territoire.
D’autres titulaires ne veulent pas se résoudre à cette extrémité. Et souhaitent trouver la solution au sein même de leur équipe, en confiant les rênes à un adjoint. Celui-ci connaît déjà l’officine, ses collaborateurs, son environnement, et peut avoir une vision sur ce qu’il pourrait développer davantage – un rayon en particulier, un service de livraison, des accompagnements thérapeutiques…
Une opération tout bénéfice
Dans ce schéma, le pharmacien titulaire fait coup double. Il donne une dimension confraternelle à la transmission, qui n’en reste pas moins une opération financière et patrimoniale. Celle-ci relève alors d’un pacte « gagnant-gagnant » : l’engagement du titulaire rassure l’adjoint, qui, novice en management, en organisation et gestion de l’entreprise, peut être en proie à des doutes, en plus de ne disposer que d’apports financiers limités.
Un bon point pour faire germer l’idée de s’installer est que, depuis 2014, le chef d’entreprise est tenu d’informer au préalable ses salariés de son projet de cession. Voilà qui peut susciter des vocations.
La participation de l’adjoint au capital a également ouvert de nouvelles perspectives pour la direction d’équipe et l’intégration des jeunes diplômés. Elle applique le même modèle économique que d’autres professions libérales, comme les experts-comptables, les avocats ou les vétérinaires, par la cession partielle et progressive du capital. Le pharmacien adjoint, salarié au départ, évolue vers un statut d’associé professionnel interne (API).
Une transmission et des évolutions
L’intégration au capital de l’adjoint lui est présentée comme un projet d’entreprise à part entière, avec des objectifs bien définis. Elle constitue un moyen d’ancrer son intérêt pour la reprise de l’officine. Cela constitue une étape déterminante dans son parcours professionnel. L’adjoint est reconnu à sa juste valeur par son employeur, il perçoit des dividendes et peut entrevoir son installation lorsque le « patron » prendra sa retraite.
L’association avec un adjoint peut également être l’occasion d’envisager une cession partielle ou totale à une nouvelle société d’exercice libéral (SEL), tandis que l’apport de fonds peut permettre de réaliser des travaux ou de mettre en place un transfert ou un regroupement.
D’ailleurs, depuis une dizaine d’années, les pharmaciens titulaires choisissent davantage de mener leur entreprise en association. En 2023, près des trois quarts des officines (72,5 %) étaient exploitées en SEL, selon les données démographiques de l’Ordre national des pharmaciens. La plupart des cessions d’officine concernent donc des SEL, avec 54 % de sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) et 39 % de sociétés d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS).
Une fiscalité avantageuse
Le nombre de cessions d’officines a augmenté de 43,2 % entre 2015 et 2021, du fait des nombreux départs à la retraite dans cette période. Il est vrai que cette situation démographique s’accompagne de conditions fiscales favorables : l’exonération des plus-values professionnelles d’impôt sur le revenu (IR) en cas de départ en retraite est un élément porteur pour la cession totale de l’entreprise.
Pour en bénéficier, le cédant doit être un entrepreneur individuel ou le dirigeant d’une société de personnes relevant de l’IR. La cession totale de l’officine se traduit par la vente du fonds de commerce (pharmacien en entreprise individuelle) ou des parts sociales ou actions (pharmacien exploitant en société). Elle s’effectue également de façon progressive.
La prise de participation de l’adjoint au capital de l’officine s’effectue par l’intermédiaire d’une cession de parts sociales du titulaire à son profit ou d’une augmentation de capital au sein de la SEL. Cette seconde option est privilégiée : l’adjoint peut s’impliquer davantage dans le projet d’entreprise présenté. L’augmentation du capital se traduit par un investissement dans l’outil de travail avec, par exemple, des travaux d’agencement au bénéfice de cabines de confidentialité. Ce schéma permet aussi de rembourser une partie de la dette (emprunts, compte courant d’associés, etc.) si des investissements n’ont pas lieu d’être.
Processus progressif
Depuis la parution au Journal officiel d’un décret entré en vigueur le 23 mars 2017, un pharmacien adjoint peut prendre des participations directes ou indirectes au capital d’une ou de plusieurs officines. Ceci afin de préparer la transmission de la pharmacie. Le décret de 2017 limite la participation de l’adjoint à hauteur de 10 % du capital social de l’officine dans laquelle il exerce. Il perçoit ainsi des dividendes en plus de son salaire mensuel.
Pour rappel, les revenus des associés sont liés à une rémunération pour le travail effectué et aux dividendes versés par la société, en proportion de leur apport au capital de l’entreprise. L’intégration de l’adjoint à hauteur de 10 % est une première étape. Dans le cadre d’une association, la participation du pharmacien repreneur sera supérieure à 10 %. Le titulaire pourra ainsi transmettre l’officine de façon progressive à son associé, qui deviendra son successeur.
Le titulaire peut aussi choisir d’ouvrir le capital de l’officine dans le but délibéré de lui transmettre les rênes. Dans ce cas, l’adjoint peut devenir cotitulaire en prenant peu à peu des parts de la société, jusqu’à détenir la moitié du capital, ce qui rend les pharmaciens égalitaires sur ce plan. L’ex-adjoint sera titulaire exploitant de l’officine en reprenant la majorité du capital, l’ex-titulaire passant alors investisseur minoritaire s’il fait le choix de se réinstaller dans une autre officine. Et l’ex-adjoint deviendra seul titulaire lorsqu’il détiendra l’intégralité des parts.
Le décret de 2017 autorise une société de participations financières de professions libérales (SPF-PL) de pharmaciens à détenir la majorité du capital et des droits de vote d’une SEL, à la condition qu’un ou que plusieurs pharmaciens titulaires de l’officine exploitée en SEL en détiennent la majorité du capital et des droits de vote.
Dans ce cadre, un adjoint ne peut détenir de participation directe que dans la SEL de pharmaciens d’officine au sein de laquelle il exerce à titre exclusif. Mais il peut disposer de participations indirectes dans au maximum quatre SEL de pharmacies dans lesquelles il n’exerce pas.
Règlement intérieur et pacte d’associés
Quel que soit le montage retenu lors de l’intégration de l’adjoint au capital, la vigilance est de mise dans la rédaction des statuts. Ceux-ci sont complétés par un règlement intérieur et par un pacte d’associés.
• Le règlement intérieur organise le fonctionnement de l’entreprise et fixe les règles de travail. Il encadre : la gestion financière de la société, la répartition des tâches entre les associés, la gestion du temps de travail, les absences et congés, les modalités en cas de maladie, celles de remplacement et de garde, les rémunérations et assurances en cas de perte d’exploitation, les conditions de prise de décision et de gestion du personnel.
• Le pacte d’associés définit les relations entre associés, ainsi que l’organisation sur les plans capitalistique et stratégique : modalités et durée de l’association, fréquence des réunions, droit à l’information, rémunérations, comptes courants d’associés, cotisations sociales, dividendes, limitation des pouvoirs des associés, entrée ou sortie de la société.
Il faut donc prévoir les modalités de départ en cas de séparation ou d’exclusion de l’adjoint associé, de revente de parts entre associés ou d’arrivée de nouveaux associés. Dans ce cadre, le pacte d’associés fixe le prix de cession, un droit de préemption et d’inaliénabilité, la clause de non-concurrence, ainsi que les conditions de cession des parts à la rupture de la relation de travail – par exemple, en cas de démission ou de licenciement.
Une position pas toujours confortable
Grâce à la prise de participation dans la SEL, l’adjoint diversifie son patrimoine. Il bénéficie en général d’un rendement financier plus favorable qu’avec un placement bancaire. Mais tout n’est pas si simple.
D’un côté, l’adjoint est intéressé aux résultats de façon plus significative dans une association. De l’autre, il peut se trouver en butte à des divergences, son exercice relevant à la fois du droit du travail et du droit des sociétés. Une double casquette de salarié et d’associé, dont les intérêts peuvent diverger.
En tant qu’associé, l’adjoint participe aux assemblées générales. Il a donc connaissance de la rémunération de gérance du titulaire et des comptes annuels de l’officine.
Certaines situations peuvent aussi survenir. Lorsque l’adjoint n’est plus salarié de la SEL dans laquelle il détient des participations mais demeure adjoint dans une autre officine, il doit céder ses participations à l’un des associés restants ou à un nouvel associé agréé par ceux-ci. Il peut aussi se les faire racheter par la SEL elle-même, via une réduction du capital, au plus tard dans un délai d’un an. L’adjoint peut également conserver ses participations avec l’accord du titulaire, à condition de les apporter à une SPF-PL.
S’il achète sa propre pharmacie, l’ex-adjoint peut rester associé de la SEL, cette fois en tant que titulaire (sous réserve de respecter les limitations prévues dans les prises de participation et, le cas échéant, les clauses statutaires précisant les causes d’exclusion d’un associé) et continuer à détenir des participations directes, sans avoir à les loger dans une SPF-PL.
En cas de départ de l’adjoint salarié et associé à la suite d’un licenciement par le titulaire, ce dernier doit lui verser une prime de licenciement et lui rembourser son apport. Enfin, s’il ne souhaite pas partager l’exploitation de son officine avec son adjoint, le titulaire peut l’aider à acquérir une autre pharmacie, en entrant à son capital en tant qu’investisseur.
Une cession pas plus complexe
La participation financière de l’adjoint peut être un frein en cas de vente de l’officine à un tiers. Le repreneur est susceptible d’y voir un inconvénient. Pourtant, le risque de blocage n’est pas plus élevé que dans une association classique ou avec un investisseur. À une condition : que le pacte d’associés prévoie une clause d’entraînement.
Dans ce cas, si l’associé ou les associés détenant 51 % des titres composant le capital social ont accepté une offre de cession à un tiers, l’associé ou les associés minoritaires s’engagent à céder à l’acquéreur la totalité de leurs titres. Qui sont payés au même prix aux associés majoritaires et minoritaires. Mais, du fait d’un droit de préemption, les titres seront préalablement proposés aux associés déjà présents.
Le néo-retraité au secours du primo-accédant
Pour favoriser le départ en retraite du titulaire et faciliter la transmission générationnelle, un jeune diplômé ne disposant que d’un apport faible ou nul peut se faire aider par un vendeur qui part à la retraite. Et ce, de deux façons qu’il est loisible de conjuguer.
Première solution, un crédit vendeur, à rembourser in fine, à l’issue d’une période de sept ans. Seconde solution, une prise de participation du vendeur comme investisseur dans la nouvelle SEL de son acquéreur – au terme de trois, six ou dix ans, le pharmacien retraité pourra revendre ses parts à son associé. Le fait d’avoir capitalisé sur cette période grâce au remboursement de l’emprunt permet à l’acquéreur d’effectuer un rachat progressif.
Cette approche donne une opportunité au jeune pharmacien de bénéficier d’une autonomie financière au bout de ces trois, six ou dix ans, sans empêcher son réendettement. Elle lui permet de s’installer avec le soutien financier de son vendeur et d’apporter des garanties à la banque.
Quant au vendeur retraité, en restant investisseur, il réalise un placement intéressant, avec un rendement de deux fois la mise à six ans dans la majorité des cas, les trois premières années servant à rembourser les emprunts et à mesurer l’évolution de la pharmacie. Cette configuration peut éventuellement se réaliser avec l’appui d’un groupement, qui apporte alors sa caution au souhait de l’acquéreur et du vendeur retraité.
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