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MISSIONS ET SERVICES : L’HEURE DES CHOIX

Publié le 25 juin 2022
Par Matthieu Vandendriessche
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Sélectionner les missions que vous allez développer et planifier leur mise en œuvre. Evaluer leur rentabilité, organiser et mobiliser votre équipe. Des experts de l’officine vous aident à cocher toutes les cases de ce déploiement.

L’avènement des missions officinales amorce une révolution culturelle. « On passe d’un pharmacien debout qui pose des questions fermées à un pharmacien assis qui mène un entretien à questions ouvertes avec le patient », relève Jean-Christophe Lauzeral. Selon ce consultant et docteur en pharmacie, les titulaires d’officine avaient il y a peu – et ont encore pour certains – les achats pour principale préoccupation. Cette époque s’éloigne dans le rétroviseur. Des pharmaciens proches de la retraite et un peu dépassés par les évolutions décident de céder leur activité. « Nous allons vivre une période record en nombre de transactions. Au cours des trois prochaines années, 30 % des officines vont changer de main », souligne Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO).

Quelles missions choisir ?

Les missions dévolues aux officines vont donc s’imposer progressivement. Premières questions à se poser : quelles sont mes capacités pour les mettre en œuvre ? Les locaux de l’officine sont-ils adaptés ? La pénurie de personnel est criante mais il faut tenir le coup, encourage Laurent Filoche. « Notre image auprès du grand public est considérablement renforcée. Davantage de pharmaciens voudront exercer un métier revalorisé. Nous sommes le professionnel de santé de premier recours, ce qu’était le médecin généraliste il y a une trentaine d’années », affirme-t-il. Pour se lancer, il faut faire avec l’équipe dont on dispose, renchérit Anne-Laure Jacob, adjointe à Hoerdt (Bas-Rhin) et auteure d’un mémoire sur les nouveaux services*. Partez d’une page blanche, passez en revue les services et identifiez ceux qui sont réalisables. « Il faut bien sûr considérer la présence de patients éligibles ainsi que de médecins et d’infirmiers dans son environnement. L’opportunité de s’impliquer, par exemple dans la vaccination, en dépendra. » L’adjointe recommande de mettre en place les missions les unes après les autres en laissant en moyenne six mois entre chaque lancement : « Ne voyez pas trop grand, déployez l’éventail progressivement en fonction de vos capacités. » Jean-Christophe Lauzeral propose de commencer par les plus accessibles. « Ne partez pas sur des entretiens longs et des protocoles complexes, conseille-t-il. Les entretiens consacrés aux anticoagulants oraux sont une bonne porte d’entrée pour en réaliser d’autres. C’est gratifiant de voir que la démarche est appréciée des patients et cela donne envie d’aller vers des entretiens plus complexes. » Le choix d’une mission est discuté lors d’une réunion d’équipe qui se tient généralement tous les mois pendant une heure en dehors des horaires d’ouverture. « L’intégration d’une nouvelle prestation est mûrement réfléchie et préparée en impliquant toute l’équipe, pointe Anne-Laure Jacob. Le service suivant n’est instauré que si le premier est parfaitement maîtrisé. »

Est-ce rentable ?

« Les services s’adressent à toutes les officines. Certains pharmaciens pourront s’impliquer, d’autres voudront le faire mais ne le pourront pas. Ce n’est ni une spécialisation ni une différenciation, c’est un nouveau métier », plaide Alain Grollaud, président de Federgy, collectif représentant 12 groupements et enseignes de pharmacie. Chaque officine y voit son intérêt économique. « Faites le calcul du coût horaire d’un collaborateur et mettez-le en regard de ce que vous rapporte ce service. Il faut un intérêt économique avec une marge qui est au moins celle sur le médicament », estime Laurent Filoche. Pour Jean-Christophe Lauzeral, « considérer que les services ne sont pas assez rémunérés, c’est un fantasme. C’est vrai qu’en s’engageant dans l’éducation thérapeutique du patient, on n’a rien à vendre. Mais devenir le pharmacien clinicien de son bourg, c’est aussi un plan marketing : c’est être reconnu par la population et par les médecins ».

Comment s’organiser ?

La clé, c’est d’abord d’apprendre à déléguer. Ce qui devient indispensable dès que l’équipe compte quatre ou cinq membres. « On développe selon l’appétence de chacun dans un projet d’équipe partagé. Il faut que tout le monde puisse pratiquer, que cela ne soit pas confié à une seule personne », rappelle Laurent Filoche. Une fois fixées les attributions, Anne-Laure Jacob préconise d’établir un plan d’action sur un an et une organisation précise de chaque nouvelle prestation. Une planification des tâches (plages horaires précises, collaborateurs attribués) est mise en place en les intégrant dans le fonctionnement au quotidien. Un responsable ou un binôme est désigné. « Le titulaire fait régulièrement le point avec lui pour évaluer les résultats, par exemple en s’aidant du logiciel de gestion officinale (LGO). Qu’ils soient bons ou mauvais, ces résultats sont partagés avec l’équipe. » Et discutés : doit-on faire prendre des rendez-vous ? Ouvre-t-on la vaccination à une nouvelle catégorie de population ? « Il est valorisant d’avoir participé à une initiative et à son succès. Cela aura aussi pour avantage de renforcer les liens dans l’équipe », conclut Laurent Filoche.

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* « Les services rémunérés à l’officine », mémoire pour le diplôme universitaire management de l’officine, Anne-Laure Schneider-Jacob, mai 2018.

DU BON USAGE DES RÉUNIONS

Dans son mémoire, l’adjointe Anne-Laure Jacob préconise que le titulaire et éventuellement ses adjoints définissent le projet 15 jours à un mois avant une première réunion. Le projet y est annoncé, les responsables sont définis, le planning et les formations à réaliser sont programmés. Après un mois de mise en place, une réunion recueille « à chaud » impressions de l’équipe et propositions de réajustements. Lorsque trois mois se sont écoulés depuis le lancement, une autre réunion présente un bilan plus complet avec résultats chiffrés et avis des patients. S’ensuit la décision de continuer, d’améliorer ou même d’abandonner.

UNE COMMUNICATION INDISPENSABLE

« Le patient ne prêtera attention à l’information que si elle est régulièrement répétée dans l’espace de vente et sur des supports et localisations différents pour déclencher un intérêt », rappelle l’adjointe Anne-Laure Jacob. L’officine peut aussi avoir recours à une newsletter régulière (une à deux fois par mois), un site vitrine avec possibilité de prise de rendez-vous et une présence sur les réseaux sociaux (où les tarifs n’apparaîtront pas). Le nouveau code de déontologie devrait permettre aux officines d’afficher les services sur leurs façades. C’est la moindre des choses pour Alain Grollaud, président de Federgy : « Comment voulez-vous mettre en place une politique de prévention et de dépistage si vous ne le faites pas savoir ? »