Médicaments : mieux prescrire pour encore plus économiser

© Getty Images

Stratégie et Gestion Réservé aux abonnés

Médicaments : mieux prescrire pour encore plus économiser

Publié le 28 novembre 2023
Par Véronique Hunsinger
Mettre en favori

La pertinence des prescriptions est l’un des thèmes abordés par l’Assurance maladie auprès des médecins libéraux dans le cadre des négociations conventionnelles. Un sujet qui concerne aussi les pharmaciens. D’autant que la qualité de la prise en charge médicamenteuse devrait aussi figurer dans la lettre de cadrage pour l’avenant que la profession doit négocier.

Ce n’est probablement ni un hasard ni juste pour faire plaisir à la profession que le ministre de la Santé et de la Prévention a accepté d’accélérer le calendrier. Jeudi 23 novembre, Aurélien Rousseau a indiqué devant les députés qu’il allait signer « dans les prochains jours » la lettre de cadrage pour un nouvel avenant à la convention pharmaceutique, afin que les discussions avec l’Assurance maladie puissent se tenir parallèlement à celle des médecins libéraux. Leur point commun ? Le médicament sur lequel les pouvoirs publics espèrent pouvoir faire de nouvelles économies. En effet, dès la deuxième réunion thématique avec les syndicats de médecins libéraux, jeudi dernier, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a présenté un PowerPoint sur le sujet sous l’angle de « qualité-pertinence des soins ». Cinq classes thérapeutiques ont été examinées : les antibiotiques, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), les antidiabétiques, les analgésiques et les benzodiazépines.

Une consommation trop élevée

Pour les antibiotiques, la France se classait toujours en 2021 au cinquième rang en Europe de la consommation avec 21,5 doses définies journalières, soit 31 % de plus que la moyenne de l’Union européenne. Depuis 2012, les prescriptions marquaient une tendance à la baisse, accentuée même par la crise Covid, sauf chez les enfants de moins de 4 ans chez qui la consommation repart à la hausse depuis 2021. Ainsi, les petits Français ont consommé plus de cinq fois plus d’antibiotiques que les petits Hollandais.

Une autre spécificité hexagonale reste le volume de ventes d’analgésiques (tous paliers et tous dosages) qui sont parmi les plus élevées d’Europe, derrière l’Espagne. Pour l’exposition au paracétamol et à l’aspirine, la France est à la première place en dose définie journalière. Autre sujet qui figure de longue date dans les objectifs de maîtrise médicalisée de l’Assurance maladie : les IPP consommés par 16 millions d’assurés en 2019, un usage qui serait injustifié dans la moitié des cas si on se réfère à la fiche de bon usage de la Haute autorité de santé (HAS). « Les IPP sont prescrits inutilement dans 80 % des cas en prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS [anti-inflammatoires non stéroïdiens, Ndlr] chez des patients non à risque de complications », a insisté la Cnam auprès des médecins de ville.

Alerte sur Ozempic et Entresto

Si les antidiabétiques sont examinés à la loupe depuis plusieurs années, une molécule fait aujourd’hui particulièrement l’objet de l’attention. C’est Ozempic dont l’usage détourné à visée amaigrissante commence à se déployer en France, dans des proportions certes bien moindres qu’aux Etats-Unis mais toute de même en progression. Ainsi, l’Assurance maladie estime le mésusage à 1,4 % des prescriptions en août 2023, soit un doublement en quinze mois. Par ailleurs, « le nombre de prescripteurs libéraux à l’origine de ces prescriptions s’élève à près de 2 700 entre septembre 2022 et août 2023, ce nombre s’élevait à 1 260 un an auparavant dont 75 % des médecins généralistes », précise-t-elle. Dans l’insuffisance cardiaque, un mésusage aurait également été mis en évidence pour Entresto (sacubiril/valsartan). Un tiers des patients serait traité en l’absence de traitement préalable par inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou sartan, autrement dit en dehors de l’indication thérapeutique remboursable (ITR), plus réduite que l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Enfin, l’Assurance maladie a insisté, comme à l’accoutumée, sur les benzodiazépines. Alors que la consommation était en diminution constante, la crise sanitaire a renversé la tendance. Entre mars 2020 et avril 2021, 3,4 millions de délivrances d’anxiolytiques et 1,4 million de délivrances d’hypnotiques avaient été constatées en plus de ce qui était attendu. Le sujet est d’autant plus scruté que ces molécules participent à la polymédication des personnes âgées. Les médecins traitants ont actuellement 45 % de leur patientèle en polymédication avec 81 boîtes en moyenne par an pour un montant de 773 euros remboursés.

Publicité

Autant de données à avoir en tête aujourd’hui pour les syndicats officinaux. « Dans les deux négociations qui vont se tenir en parallèle, les médecins et les pharmaciens auront comme pont l’observance et la qualité de la prise en charge médicamenteuse », a souligné Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), lors du dernier point hebdomadaire du syndicat le 24 novembre. Le 28 novembre, la fédération se réunit en assemblée générale pour décider des suites à donner à la mobilisation destinée à faire pression sur les prochaines discussions avec la Cnam.