Marques de distributeurs en officine : elles séduisent toujours plus 

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Marques de distributeurs en officine : elles séduisent toujours plus 

Publié le 13 mars 2025
Par Elisabeth Duverney-Prêt
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En un an, les MDD ont vu leur chiffre d’affaires progresser de près de 13 %, malgré un trafic quasi stable dans les pharmacies. Majoritairement développés par les groupements, ces produits ont su gagner en qualité ces dernières années, tout en maintenant un prix particulièrement attractif.

On estime que les marques de distributeur (MDD) sont vendues 30 à 40 % moins cher que les produits équivalents des marques nationales. De quoi attirer et fidéliser des clients à la recherche de solutions abordables, et dégager une marge intéressante pour le pharmacien. Cependant, les MDD ne représentent que 3 à 5 % du chiffre d’affaires (CA) de la parapharmacie, et seulement 0,53 % du CA total de la vente libre en officine. Un chiffre qui a de quoi étonner, mais qu’il faut pourtant relativiser : « Nous ne comptabilisons pas les potentielles ventes directes sur Internet et nous travaillons sur un panel qui ne génère pas suffisamment de volumes. Nous n’avons probablement pas tous les chiffres », souligne Antoine Collet, directeur des panels au bureau d’études Iqvia. Les groupements ont en effet une offre très diversifiée et les pharmaciens sont – presque – seuls maîtres à bord pour décider de référencer tel ou tel produit. Difficile, donc, de mesurer la part réelle des MDD en pharmacie, qui, quoi qu’il en soit, reste loin derrière celle des MDD de la grande distribution. Mais leur histoire est bien plus jeune : les grandes surfaces se sont lancées dans les années 1970, quarante ans plus tôt que les groupements de pharmacie !

Tendance : à la hausse !

L’important réside, semble-t-il, dans la forte tendance à la hausse qui interpelle les spécialistes : « Cette année, le marché de la vente libre en officine n’a progressé que de 3 % en un an, contre 13 % pour les MDD », analyse Antoine Collet. « Les groupements se sont orientés vers des segments moteurs de la parapharmacie, notamment la dermocosmétique et les compléments alimentaires, qui ont enregistré respectivement une hausse de 18,19 % et de 22,87 % du chiffre d’affaires. À date, seuls deux des principaux groupements ont décidé de ne pas proposer de MDD », ajoute Alain Berthaud, président du cabinet Labo Pharma Conseils. Preuve qu’il y a désormais un réel intérêt économique à s’engouffrer sur ce marché.

Internet et les réseaux sociaux

La législation ne permet pas de solliciter commercialement la clientèle des pharmacies. Pour attirer les clients-patients, les groupements proposent des reportages sur des sujets de santé qui intéressent ces derniers et répondent à leurs interrogations. Ils développent également leur plan marketing sur les réseaux sociaux : leurs pages (Instagram, Facebook, etc.) relayent les animations du moment dans leurs officines adhérentes. Certains vont même plus loin et font appel à des influenceurs pour répandre la bonne parole sur leurs produits MDD.

Le top 6 des MDD

Sur l’ensemble des groupements, 78 % disposent actuellement, en marque propre ou en MDD, d’une gamme de compléments alimentaires et 67 % de produits dermocosmétiques. Suivent les accessoires (pour 61 % des groupements), les dispositifs médicaux en vente libre (61 %), le matériel de maintien à domicile (50 %) et les tests d’automesures (50 %) (chiffres Les Échos Études). Saisissant les meilleurs segments à privilégier, les groupements ont peu à peu adapté leur offre, quitte à stopper la production de certains produits boudés par les clients : « Nous avons désormais suffisamment de recul pour savoir quel produit lancer. L’idée est de proposer des MDDà forte rotation, qui passent peu de temps sur l’étagère puisqu’ils sont très demandés. Pour exemple, le gel douche est l’un de nos produits phares », explique Géraldine Crombez, responsable marques propres au sein du groupement Santalis (Astera). Et de poursuivre : « Aujourd’hui, nos offres hygiène et dermocosmétique représentent 4 % du marché des produits de ce segment dans nos officines. Dans deux ans, nous devrions atteindre les 10 %. Les clients achètent, réachètent, font monter les réassorts et finalement, le poids de notre MDD prend de plus en plus d’ampleur. »

Même son de cloche du côté de Pharmacie Lafayette qui affiche 650 références MDD dont les ventes représentent 3 % du chiffre d’affaires de la parapharmacie – un CA en forte augmentation. Il en va de même chez Giphar, dont « le poids de la MDD est de 5 % environ, avec certains segments qui atteignent jusqu’à 15 % de parts de marché, à l’instar de nos compléments alimentaires », souligne Carole Romanet, responsable du pôle marques propres chez Giphar.

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Compléments alimentaires

Les compléments alimentaires sont principalement commercialisés en pharmacie et représentent 50 % des ventes en France. Le marché est dirigé par la catégorie sommeil qui représente 35,5 % de parts de marché. Parmi les autres segments clés figurent les références pour le tonus et la vitalité (12,4 % de PDM) et celles rattachées à la sphère des gammes capillaires (11,5 % de PDM – chiffres Gers data). En 2024, ce marché a été marqué par une demande croissante, alimentée par une population de plus en plus soucieuse de son bien-être et de sa santé. Les gummies enregistrent la plus forte hausse avec une croissance de 47 % par rapport à 2023.

L’atout santé au naturel

Mais comment les groupements arrivent-ils peu à peu à gagner des parts de marché face à de véritables blockbusters ? Nombreux sont ceux qui ont fait le choix des produits naturels, en proposant des cosmétiques contenant au minimum 95 % d’ingrédients d’origine naturelle, labélisés bio ou non. « Les ventes de cosmétiques en grande distribution patinent, tout comme celles des produits bio, face à un pouvoir d’achat contraint. Les groupements ont su se positionner en précurseurs en matière d’écoresponsabilité et se sont engagés sur le terrain de la naturalité à petits prix », analyse Benoît Samarcq, directeur d’études chez Xerfi. « Du côté des clients, on constate une prise de conscience de l’impact quotidien sur la santé de certains cosmétiques contenant des perturbateurs endocriniens, ainsi que de l’impact environnemental de leur production. Cela suscite un véritable essor des cosmétiques naturels et biologiques ainsi qu’un mode de consommation plus minimaliste », ajoute Céline Margery, pharmacienne et autrice d’une thèse sur l’essor des cosmétiques naturels et bio en pharmacie d’officine.

Chez Giphar, « le tournant Cosmos Organic a été pris il y a deux ans. Le premier produit labellisé était un gel douche. Il nous a semblé évident qu’il fallait aller sur des formules avec un fort pourcentage d’ingrédients d’origine naturelle. Sur notre gamme visage, 100 % des produits sont certifiés Cosmos et les deux tiers de notre gamme dermocosmétique sont certifiés bio », précise Carole Romanet. Le groupement Pharmactiv propose quant à lui une gamme bio complète et « travaille sur des packagings biosourcés : le sucre de canne concerne 10 % de nos produits, de même que le plastique recyclé », souligne Jonathan Yampolsky, responsable de la MDD. Chez Pharmabest, la gamme Pharmascience affiche des formulations 100 % bio. De quoi finir de convaincre des clients déjà demandeurs.

Le conseil avant tout

Les MDD, même stratégiquement positionnées dans l’officine et portées par des PLV (publicités sur le lieu de vente) colorées et attirantes, n’ont pu décoller ces dernières années qu’avec le travail de conseil fourni par les pharmaciens. « Les patients ne sont pas toujours informés des derniers actifs ou des produits les plus efficaces pour traiter certaines affections. C’est là que le rôle du pharmacien est essentiel : il apporte une réponse rapide, de confiance et efficace », souligne Margaux Bertrand, cofondatrice du laboratoire 3B Pharma. Les groupements l’ont bien compris et proposent à leurs pharmaciens adhérents des formations destinées à leur détailler les différents composants de leur MDD. « Nous organisons régulièrement des temps forts autour d’une gamme particulière pour former notre force de vente avec des cas de comptoir et des tests de produits. Cela les aide à bâtir un argumentaire commercial et contribue à booster les ventes en sell-in (pharmaciens) et en sell-out (consommateurs) », explique Amel Magmagui, directrice marketing de Pharmactiv.

Et pour motiver les officinaux, l’argument financier fait mouche. « Les MDD permettent aux adhérents des groupements d’avoir un taux de marge généré moyen supérieur à 50 % », souligne Alain Berthaud, de Labo Pharma Conseils. « Les conditions commerciales sont par ailleurs très intéressantes puisqu’il n’y a pas d’engagement sur le long terme, à l’inverse des labos où il faut un engagement ferme et pour lesquels les conditions se durcissent. Il n’y a pas non plus de frais logistiques, ni de frais de port », ajoute Géraldine Crombez, du groupement Santalis (Astera).

Levier financier à deux vitesses

C’est donc un véritable levier financier clé en main que proposent les groupements. Mais certains pharmaciens, convaincus de l’importance de se différencier un peu plus, se sont eux-mêmes lancés dans l’aventure d’une marque propre. Car travailler seul est parfois plus rémunérateur et plus valorisant. Xavier Schneider, titulaire de la pharmacie cantonale de Truchtersheim, et adhérent au groupement Giropharm, propose ainsi, depuis dix ans, des produits à la marque de son officine. « Nous avions envie de nous différencier, de créer un projet d’entreprise fédérateur, et de développer des produits de qualité à des prix moindres que ceux des marques plus connues. Nous avons fait appel à une société spécialisée qui nous a aidés à mettre en place ce beau projet. Nous proposons à présent plus d’une centaine de produits à notre marque. La dermocosmétique est l’une des plus grandes réussites auprès de nos clients. C’est même la troisième gamme dermo la plus vendue dans notre pharmacie », affirme-t-il. « Bien évidemment, cela a nécessité un gros investissement initial. Il a aussi fallu dégager du temps pour la gestion mais désormais, notre marque propre génère une marge bien supérieure à celle des MDD de notre groupement. Pour autant, nous avons fait le choix de proposer les deux gammes car elles se complètent. »

L’investissement initial est d’ailleurs souvent un frein pour les pharmaciens désireux de se lancer. Certains laboratoires l’ont bien compris, à l’image de 3B Pharma : « Notre société est née de la volonté de Fabien Bruno, pharmacien, qui souhaitait lancer sa marque propre sur une gamme d’abord limitée. C’est pour cela que nous travaillons avec des pharmaciens qui veulent créer leur marque, même pour 12 produits. Cela permet de se lancer tout en décidant soi-même des règles du jeu : il y a énormément de sollicitations de tous côtés avec les nouveautés des labos : des challenges, des animations, etc. Pour sa marque propre, le pharmacien a une véritable liberté d’action. Sa motivation est décuplée car ces produits représentent sa pharmacie. Ils sont en tout point uniques, et c’est ce qui fait leur force », pointe Lucile Battail, pharmacienne et responsable de l’innovation et de la qualité au sein de 3B Pharma.

Merchandising

D’abord proposées seulement sur des corners ou en tête de gondole, les MDD des groupements ont peu à peu rejoint les linéaires des produits concernés. Objectif : donner toute leur place aux produits MDD à côté de ceux des grandes marques, et montrer davantage la différence de prix entre les uns et les autres. Le premier achat d’impulsion provoqué, la fidélisation du client passe ensuite par des promotions, des mises en avant de produits de saison et des animations ciblées.