Maillage territorial : pourquoi les fermetures d’officines vont-elles s’accélérer ?

Maillage territorial : pourquoi les fermetures d’officines vont-elles s’accélérer ?

Publié le 5 juin 2024
Par Christelle Pangrazzi
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Marine Lombard est directrice du développement du bureau d’études prospectivistes La Longue Vue. Entre fermetures et restructurations, elle dresse le portrait de la pharmacie de demain.

Combien de fermetures d’officines dénombrez-vous depuis le début de l’année ?

Au 1er janvier 2024, nous dénombrions 20 537 officines. Depuis le 30 mai elles sont 20 419. 118 officines ont donc fermé leurs portes depuis le début de l’année. Il est aujourd’hui difficile de prédire précisément le nombre d’officines qui fermeront d’ici la fin 2024. Mais il est déjà possible d’établir une accélération des fermetures dans les mois à venir.

Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Pour des raisons de rentabilité économique, les jeunes acquéreurs ne veulent plus d’officines affichant un chiffre d’affaires (CA) inférieur à 2 millions. Cela pose évidemment un problème puisque presqu’un tiers des officines du parc français ont un CA entre 1,5 million et 2 millions. Parallèlement, les banques sont réfractaires à financer des projets d’achat de ce type de pharmacies. Résultat, toutes ces pharmacies, longtemps ventre mou du maillage officinal, ne sont plus attractives. Et ne sont pas reprises, même au prix symbolique d’un euro.

Les pharmacies de village sont-elles les plus touchées ?

Oui. L’économie des officines de village tangue parce que les services économiques ferment dans leur ensemble. Le dernier rempart avant le désert véritable est la santé. Or il y a de moins en moins de médecins. Même si ce phénomène touche essentiellement les zones rurales, il est en train de gagner les bourgs et les villes. L’enjeu ne se limite pas à la simple fermeture d’officines en milieu rurale. En clair, toute une partie de la population n’aura plus accès à des services de santé.

Quel pourrait être l’impact pour le maillage officinal de la vente en ligne ?

Il s’agit d’une potentielle mesure très anxiogène pour les pharmaciens. Cette démarche pose plusieurs questions : quel est le bien-fondé de cette vente en ligne ? Quel est l’apport de soin par rapport par rapport aux conseils prodigués par une pharmacie ? Il s’agit indéniablement d’une forme d’industrialisation consumériste du médicament dont l’ensemble de la population pourrait pâtir à terme.

Cette annonce peut-elle freiner les acquisitions ?

Pour l’instant, il ne s’agit pas d’un sujet de frein. En revanche, les jeunes pharmaciens songent dès leurs achats d’officine à la question de la diversification en s’interrogeant sur la possibilité pour eux aussi de vendre en ligne. Ils se demandent jusqu’à quel point se diversifier pour adhérer à cette lame de fond sans être dépassés. Ils sont dans une réflexion sur la surface à exploiter pour offrir un maximum de services.

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Cette question de surface est-elle au cœur de la problématique du maillage ?

En effet, il y a changement de paradigme : l’ère est au regroupement et à l’agrandissement. L’idée est d’offrir davantage de profondeur de rayon et de services. Finalement, Internet n’est que l’un des leviers. Les officines plus petites ne peuvent faire face à cette évolution-là. La pharmacie de demain est donc vraiment en train de changer de visage.