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L’ouverture du… feu
L’avenir des holdings de pharmacies est toujours suspendu aux décrets d’application de la loi MURCEF. En attendant, les divisions resurgissent entre l’Ordre et les groupements, comme en 1990 au moment de la discussion sur les SEL. Lors du débat organisé par Le Moniteur, Jean-Luc Audhoui, membre du conseil central A, a en effet déclaré ne pas trouver sain de « se marier avec des professions de prescripteurs et d’appartenir à quelqu’un qui génère l’activité du pharmacien ». En revanche, il n’est pas opposé à l’entrée dans le capital de libéraux n’exerçant pas dans le domaine de la santé car cela ne constitue pas une menace pour l’indépendance professionnelle du pharmacien.
Ces grossistes qui avancent visages masqués
Pour Joseph-Philippe Benwaïche, président de Plus Pharmacie, il faut au contraire donner à la pharmacie les possibilités d’ouvrir totalement son capital. « Va-t-on continuer à avoir des lois qui briment les pharmaciens français quand d’autres pharmaciens et groupes en Europe disposent d’autres moyens ? C’est partir avec un handicap. Qu’on le veuille ou non, nous serons contraints demain d’exercer de façon européenne et il y aura des chaînes de pharmacies dans notre pays. Car, même si la pharmacie souffre, elle reste un secteur de profit qui intéresse beaucoup de monde. » Et le président de Plus Pharmacie de faire allusion directement aux grossistes qui avancent sur ce sujet visages masqués, et qui aujourd’hui créent leurs propres groupements de pharmacies. « Les lobbyings sont puissants, il n’y a rien de plus facile à changer qu’un décret, poursuit-il. N’attendons pas de subir avant de réagir ! »
Hubert Mathieu, notaire (cabinet Tabellion et Partners), a également insisté sur la nécessité de « renouveler les structures de l’officine et de les faire évoluer ». Selon lui, deux solutions aujourd’hui se présentent pour maintenir le tissu pharmaceutique et le nombre actuel des officines : intervenir sur la rentabilité des petites officines qui sont à la dérive, ou constituer des réseaux qui permettront de les conserver comme point de vente. Quant aux menaces que font peser les chaînes sur l’indépendance professionnelle du pharmacien, Hubert Mathieu pose une question de fond : « Aujourd’hui, l’indépendance pour un pharmacien, est-ce rester propriétaire de sa pharmacie ou pouvoir exercer pleinement sa profession ? » Pour sa part, c’est cette seconde définition qui doit prévaloir. Si les mentalités n’évoluent pas dans ce sens et si la profession ne s’ouvre pas vers d’autres formes d’exercice, il ne donne pas cher des pharmaciens : « Les jeunes ne pourront plus s’installer et la profession sera condamnée. »
Faut-il revoir le statut des pharmaciens assistants ?
Jean-Luc Audhoui ne croit pas à l’arrivée des pharmacies type Boots dans notre pays, et ne voit pas non plus « l’intérêt pour un investisseur de prendre 99 % du capital d’un établissement pharmaceutique dans lequel le pharmacien en exercice détient 1 % des parts et 51 % des droits de vote ». C’est le fait nouveau introduit par la loi MURCEF : « Depuis le 12 décembre 2001, l’exploitant peut être minoritaire dans le capital à condition de conserver la majorité en droits de vote, en d’autres termes le pouvoir de décision et de gestion de l’entreprise », précise Hubert Mathieu. Pour Olivier Delétoille, expert-comptable, directeur associé de KPMG Entreprises, « un schéma dissociant pouvoir et moyens financiers apparaît difficilement viable ».
Une autre possibilité d’ouverture du capital a été évoquée par Jean-Luc Audhoui, justement pour résoudre le problème préoccupant des jeunes qui aujourd’hui ne s’installent plus. Il suggère donc que les pharmaciens assistants puissent prendre des participations financières dans les holdings de pharmacies. Problème : la loi ne les considère pas comme des professionnels libéraux, ils ne peuvent donc rentrer dans le système. Pourtant, « chez les avocats, les salariés sont considérés comme des professionnels libéraux. Il nous appartient de nous interroger sur le statut éventuellement libéral de la profession de pharmacien adjoint », poursuit-il.
Joseph-Philippe Benwaïche va même plus loin et propose d’inclure les préparateurs. Mais, comme le fait remarquer Jean-Luc Audhoui, ces derniers ne sont inscrits à aucun ordre professionnel. Quoi qu’il en soit, cela suppose que les instances professionnelles en fassent la demande et que l’on amende la loi. Dans ces conditions, la liste des associés possibles définis par la loi sur les SEL serait une « liste a minima » pour les holdings.
Un bon placement ?
L ‘ouverture du capital des officines et la constitution de holdings sont un « moyen pour les titulaires de placer de l’argent en faisant une bonne affaire et en aidant les jeunes qui reprennent ou créent une pharmacie », estime Hubert Mathieu, qui intervenait également dans une conférence en marge du débat du Moniteur consacré à la loi MURCEF. Bonne affaire au plan fiscal : les holdings et les SEL sont des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) et donc moins taxées que les entreprises individuelles. Avec un gros bémol cependant : le poids très supérieur de taxation lors de la revente dans le cas de l’IS. De plus, les taux peuvent très bien changer (on parle notamment d’un possible passage de 26 à 35 % de la taxation des plus-values). Autre souci : racheter une entreprise soumise à l’IS n’est pas forcément raisonnable aux plans fiscal et social sachant que la déductibilité des intérêts de l’emprunt n’est pas assurée. Pour les déduire, il faudrait que la holding ait 95 % des droits de vote de l’officine dont elle achète ainsi les parts, or la loi prévoit que ses droits de vote soient limités à 49 %, même si elle possède 100 % des parts de la pharmacie ! Reste que la revente de son propre fonds « peu à peu » pourrait s’avérer plus intéressante qu’une revente du fonds « d’un bloc » dans dix ans, alors que 4 000 pharmaciens seront partis à la retraite, d’où une possible diminution de la valeur des fonds par baisse de la demande. D’autant plus si, comme le pense Hubert Mathieu, les banquiers changent d’attitude dans le financement des pharmacies : « Depuis les années 80, les banquiers ont donné la possibilité de financer les pharmacies sur douze ans. Demain, il suffira, avec la loi MURCEF, que les banquiers décident de financer les pharmacies sur huit ans pour que les prix des fonds s’effondrent. » – F.S.
Profession libérale, l’exception française
Les intérêts de l’emprunt contracté pour acquérir des parts sociales des futures sociétés de participations financières (SPF) de pharmacies seront-ils déductibles ou non ? De cette réponse découlera le comportement des uns et des autres. « Nous avons interrogé l’administration fiscale, nous attendons », a annoncé Claude Japhet, président de l’UNPF, sollicité comme les autres représentants des instances professionnelles pour réfléchir sur le décret d’application qui dira quelle profession libérale peut (ou pas) détenir des parts de SPF. Mais au fait, qu’est-ce qu’un professionnel libéral ? C’est tout d’abord une notion qui n’existe qu’en France ! Concernant les pharmaciens, « il s’agit des personnes inscrites à la section A de l’Ordre », affirme Jean-Jacques Zambrowski, professeur en économie de la santé à Paris-V. Mais « certains avocats salariés ont, eux, le statut de libéral », souligne maître Schlub. « Pour le ministère, il s’agit des professionnels qui engagent par leur acte professionnel leur responsabilité pénale », précise Jean-Louis Craignou, de l’Ordre. Mais d’autres professions non libérales le font aussi… Reste que les représentants de l’officine devront se prononcer tôt ou tard sur ce fameux décret. « Soit on en sortira un texte susceptible de protéger la déontologie et de se prémunir de l’extérieur, soit on se sabordera à quinze ans, affirme maître Manry. N’importe quel Carrefour peut faire notre travail aussi bien que nous, libéraux. La seule chose qui nous préserve, c’est le respect de la déontologie. »
Gilles Brault-Scaillet, du Collectif des groupements, se pose moins de questions : « Tous les groupements voient dans cette loi – que l’on n’attendait pas – une opportunité extraordinaire. Le pôle santé-beauté-forme sera le premier budget des familles en 2010. Or, dans le contexte européen, 23 000 pharmacies isolées n’ont pas d’avenir. Quelqu’un qui a le nez dans le guidon tous les jours n’a pas les moyens d’être compétent. » Quant à l’indépendance de l’exploitant, « la loi ne dira jamais qui sont les bailleurs de fonds des pharmaciens qui achèteront les parts de la holding », glisse Jean-Jacques Zambrowski. Or qui contrôle la société ? Les porteurs de parts ou les bailleurs de fonds ? Mais aujourd’hui même, « un pharmacien surendetté auprès de son grossiste ou de son banquier est-il vraiment indépendant ?», conclut-il. – F.S.
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