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L’officine ne fait pas d’impairs et passe

Publié le 4 décembre 2021
Par Matthieu Vandendriessche
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En première ligne dans la lutte contre le Covid-19, la profession assume son rôle et prend la lumière. Mais elle ne prend pas de pause. Pendant la crise, le métier poursuit ses évolutions et de nouvelles prérogatives se dessinent.

DES SUJETS FÉDÉRATEURS…

→ Une nouvelle convention nationale pharmaceutique doit voir le jour en 2022. Les négociations entre syndicats de pharmaciens titulaires et Assurance maladie s’ouvrent le 10 novembre. Six groupes de travail sont constitués, traitant notamment de la rémunération, de la prévention, du numérique et des enjeux écologiques. En parallèle, jusqu’au 15 décembre, un site participatif avec questionnaire et boîte à idées est mis en ligne par l’Assurance maladie à destination des pharmaciens. Dispensation à domicile et dépistage du cancer colorectal sont des sujets avancés dès le 11 février. La création d’un entretien pharmaceutique sur le sevrage tabagique est également sur la table des négociations. De façon concomitante, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 22 octobre, autorise cette prise en charge à titre expérimental pour une durée de deux ans et dans trois régions.

→ L’Ordre national des pharmaciens détaille le 8 avril, lors d’une conférence en ligne, le contenu de son site Démarche qualité à l’officine (DQO, demarchequaliteofficine.fr) aux côtés des principaux représentants de la profession. Le 13 septembre, dans la perspective des élections présidentielles, l’instance ouvre la plateforme Horizon Pharma. Accessible jusqu’au 31 octobre, elle permet de contribuer à l’élaboration de propositions sur le parcours de soins et les politiques sanitaires.

→ Le 13 janvier, les partenaires sociaux de l’officine négocient une augmentation du point. Pour la première fois, celle-ci va s’appliquer en même temps dans toutes les pharmacies, qu’elles soient ou non syndiquées. L’arrêté d’extension de l’accord sur les salaires est publié au Journal officiel du 4 juin.

→ Faute d’une notification du ministère des Solidarités et de la Santé, la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas su imposer les spécificités du droit français dans le contentieux opposant l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) et l’Association française des pharmacies en ligne (Afpel) à la société d’e-commerce d’origine néerlandaise Shop Apotheke. Saisie sur ce dossier, la cour d’appel de Paris se prononce le 18 septembre : l’interdiction aux officines de faire de la publicité ne s’applique pas aux pharmacies en ligne étrangères livrant en France. Le 12 octobre, une grande partie des représentants de la profession signent un courrier commun pour alerter à nouveau le ministère des Solidarités et de la Santé. Le 18 octobre, un spot de l’application mobile de DocMorris est lancé à la télévision, notamment sur TF1 et M6. Sa diffusion doit durer deux mois. Le gouvernement notifiera finalement en novembre.

→ En avril, la société Tessan annonce qu’elle expérimente une cabine de téléconsultation dans deux magasins Monoprix, au sein de leur espace « La santé au quotidien ». Les pharmaciens peuvent compter sur le soutien de l’Ordre national des médecins. Le 20 avril, celui-ci demande au gouvernement de réagir pour « protéger l’acte médical et les patients ». La parapharmacie E.Leclerc de Gien (Loiret), qui a installé une borne de téléconsultation de la société Medadom depuis octobre 2020, annonce le retrait de son initiative le 11 mai.

→ Une nouvelle intersyndicale est lancée le 8 septembre. Les libéraux de santé représentent 11 syndicats des professions de santé libéraux, dont la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

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… MAIS AUSSI DES DIVERGENCES

→ Les élections aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) pharmaciens se tiennent du 31 mars au 7 avril. La FSPF recueille 58,96 % des voix, contre 41,04 % pour l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le 18 mai, ce syndicat se dote d’un nouveau bureau. Succédant à Gilles Bonnefond, Pierre-Olivier Variot est élu pour trois ans à la présidence de l’USPO. Ce pharmacien titulaire à Plombières-lès-Dijon (Côte-d’Or) en était jusqu’ici vice-président.

→ Le 8 janvier, la FSPF annonce qu’elle a obtenu gain de cause dans la procédure engagée devant le Conseil d’Etat pour contester l’avenant n° 19 à la convention pharmaceutique. Signé par l’USPO, ce dernier fait baisser le montant de l’honoraire pour ordonnance complexe. L’Assurance maladie devra donc verser 300 € en moyenne à chaque officine.

→ A l’été 2020, le Conseil d’Etat avait jugé illégal le refus du Comité économique des produits de santé d’octroyer la marge spécifique sur les grands conditionnements. L’Etat devait revoir son mode de calcul et compenser le manque à gagner. Cela n’a pas été fait et la FSPF revient à la charge. Finalement, le ministère des Solidarités et de la Santé décide de supprimer la marge spécifique de tous les grands conditionnements à partir du 15 octobre. L’USPO regrette cette issue, tandis que la FSPF espère une réintroduction du dossier dans les négociations conventionnelles.

DURANT LA CRISE, LES MISSIONS S’ÉTOFFENT

→ Le 8 janvier, l’Assurance maladie met à disposition un guide pratique pour mener les entretiens pharmaceutiques avec les patients sous anticancéreux oraux. A partir de début avril, ils peuvent être facturés à l’Assurance maladie.

→ La campagne de vaccination 2020-2021 contre la grippe saisonnière est prolongée jusqu’au 28 février. La date de lancement de la campagne 2021-2022 initialement prévue le 26 octobre est avancée au 18 octobre pour les résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et au 22 octobre pour les personnes ciblées par les recommandations. La campagne prendra fin le 31 janvier 2022. A partir du 23 novembre, les pharmaciens sont autorisés à vacciner toutes les personnes majeures et plus seulement celles ciblées par les recommandations vaccinales. Cette extension est inscrite dans la durée par un arrêté en date du 6 novembre. Par ailleurs, dans un avis publié le 22 octobre, la Haute Autorité de santé (HAS) se prononce en faveur de la vaccination contre la grippe saisonnière par les préparateurs. L’arrêté qui l’autorise en pharmacie jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire est publié au Journal officiel du 4 novembre.

→ Un décret publié au Journal officiel du 14 janvier définit les conditions dans lesquelles les pharmaciens d’officine peuvent délivrer des médicaments à prescription médicale obligatoire sans ordonnance dans le cadre de la dispensation protocolisée. La liste des molécules antibiotiques concernées (dans la cystite de la femme de 16 à 65 ans et l’angine des patients de 6 à 45 ans) paraît au Journal officiel du 11 mai.

→ Le décret est publié au Journal officiel du 28 mai : à partir du 31 mai, le pharmacien correspondant, désigné par le patient à l’Assurance maladie, peut renouveler périodiquement tout ou partie des traitements prescrits et ajuster si besoin leur posologie. Cela s’effectue dans le cadre d’un exercice coordonné.

→ Après la publication, le 3 juin, de l’arrêté définissant les activités de télésoin et du décret relatif à la télésanté, les pharmaciens sont autorisés, comme 17 professions d’auxiliaires médicaux, à pratiquer le télésoin pour certains actes. Cette activité était possible depuis le printemps 2020 à titre dérogatoire.

→ Le 1er juillet, les pharmaciens sont autorisés à reprendre les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) de dépistage des angines bactériennes, suspendus en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Un algorithme décisionnel est mis en place pour cette prise en charge, ainsi qu’une procédure d’assurance qualité.

→ Un arrêté du 15 septembre porte inscription du système de boucle semi-fermée DBLG1 de la société Diabeloop sur la liste des produits et prestations remboursables avec prise d’effet au 29 septembre. Ce système associe pompe à insuline et terminal de commande qui opère un algorithme de contrôle de la glycémie. Le pharmacien peut être rémunéré pour son implication dans le suivi et l’information du patient.

→ A partir du 1er janvier 2022, les officines vont réaliser la collecte des déchets issus des équipements électriques ou électroniques associés à des dispositifs médicaux perforants. Cela concerne la catégorie des capteurs de glucose en continu et des pompes patch à insuline. Un décret paru au Journal officiel du 12 septembre précise les modalités de gestion de ces déchets.

→ Toujours à partir du 1er janvier, le PLFSS pour 2022 prévoit la mise en place de la dispensation de médicaments à l’unité. Des projets de textes réglementaires confirment qu’elle sera limitée à certains antibactériens. Les modalités particulières de conditionnement, d’étiquetage, d’information du patient et de traçabilité doivent encore être précisées.

→ Le 8 avril, une nouvelle concertation s’est ouverte, à la demande du ministre des Solidarités et de la Santé, sur la substitution en officine des médicaments biologiques par des biosimilaires. La convention médicale signée le 30 juillet établit une liste de six spécialités qui doivent rester interchangeables : Enbrel, Humira, Forsteo, Gonal-F, Lovenox et Novorapid. Le PLFSS pour 2022 adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 22 octobre confirme la constitution de deux listes distinctes : les médicaments interchangeables par le médecin et substituables par le pharmacien.

PENDANT CE TEMPS

→ L’homéopathie est déremboursée depuis le 1er janvier.

→ Coup de pression sur la sérialisation. Un arrêté paru au Journal officiel du 27 février introduit officiellement la lutte contre la falsification des médicaments, normalement effective depuis le 9 février 2019, dans les bonnes pratiques de dispensation. Le 11 mai, le ministère des Solidarités et de la Santé table sur 100 % des officines appliquant cette obligation réglementaire d’ici fin 2021. Fin juillet, les agences régionales de santé (ARS) adressent un courrier aux pharmacies afin qu’elles mettent en œuvre sans délai la sérialisation. En septembre, seules 800 officines sont en conformité. Le 18 octobre survient un bug qui empêche de se connecter via la procédure manuelle à France MVO, organisme en charge de la gouvernance de la sérialisation. Le PLFSS pour 2022 prévoit des sanctions allant de 350 à 10 000 € pour les pharmaciens récalcitrants.

→ Le 17 mars, le Conseil d’Etat autorise finalement les pharmaciens vendant des médicaments en ligne à faire de la publicité en achetant des mots-clés sur les moteurs de recherche et à présenter leur offre dans des comparateurs de prix.

→ Les syndicats de titulaires l’annoncent le 27 avril : les règles fixant le nombre d’adjoints obligatoires tiendront compte, pour la déclaration du chiffre d’affaires de 2021, de l’activité globale en neutralisant la part des médicaments chers (prix fabricant hors taxes supérieur à 1 930 €).

→ Un nouveau fonds obligataire de 20 millions d’euros destiné à compléter l’apport des primo-accédants est créé par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP). Il sera opérationnel en juillet. Deux premiers fonds ont été lancés en février 2019 et octobre 2020. Ainsi, 132 dossiers d’acquisition ont été financés, pour un montant de 27,5 millions d’euros.

→ Les officinaux ne peuvent plus ouvrir de dossier médical partagé (DMP) à partir du 1er juillet. Cela prépare l’arrivée du service numérique Mon Espace santé, qui regroupe le DMP, un agenda de rendez-vous médicaux, une messagerie sécurisée et un catalogue d’applications santé. Il est expérimenté en juillet en Haute-Garonne, en Loire-Atlantique et dans la Somme auprès de 4 millions d’assurés. Le déploiement national est prévu à partir du 1er janvier 2022.

→ L’expérimentation du cannabis à usage médical débute le 26 mars. Elle doit inclure 3 000 patients pour une durée de 24 mois. Un appel à candidature pour les pharmaciens d’officine est lancé le 9 mars. Plus de 200 sont inscrits à l’expérimentation, se félicite l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) le 15 octobre. Fin novembre, 1 000 patients étaient inclus dans l’expérimentation.

→ Dans un jugement rendu le 5 mars, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) a annulé la limitation de posologie à 80 mg par jour des spécialités Baclocur (baclofène) 10 mg, 20 mg et 40 mg.

→ Pour faciliter l’accès à la prophylaxie préexposition au VIH (Prep), la primoprescription de Truvada et ses génériques est ouverte à tout médecin, y compris les généralistes, à compter du 1er juin.

→ Le 9 septembre, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, annonce que la contraception hormonale remboursable, ainsi que la contraception hormonale d’urgence seront totalement prises en charge pour toutes les femmes jusqu’à 25 ans. Cette mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

Les tendances démographiques

L’Ordre national des pharmaciens présente le 29 juin les chiffres clés de la démographie professionnelle au 1er janvier 2021. Les tendances sont semblables à celles de 2019. En 2020, 73 830 pharmaciens se sont inscrits à l’Ordre, dont 25 518 pharmaciens titulaires et 27 649 adjoints. La profession poursuit son renouvellement. 21 % des inscrits à l’Ordre sont âgés de moins de 35 ans et les nouveaux titulaires ont 36 ans en moyenne. Autre tendance qui se confirme : la féminisation de la profession. Les femmes constituent 68 % des effectifs, soit 55 % parmi les titulaires et 80 % parmi les adjoints. A noter également qu’il y a eu moins de fermetures d’officine en 2020 : 196 contre 219 l’année précédente. Plus de la moitié (55 %) de ces fermetures sont contraintes. Au total, 20 534 officines sont recensées en France. En moyenne, la distance avec l’officine la plus proche pour l’ensemble des communes françaises est de 3,8 km.