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LES PHARMACIES SAUVENT LEUR RENTABILITÉ

Publié le 8 septembre 2012
Par Francois Pouzaud
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En dépit d’un chiffre d’affaires atone, les pharmacies ne s’en sortent pas trop mal. Les statistiques du cabinet d’audit et d’expertise comptable Fiducial montrent qu’en 2011 elles sont parvenues à maintenir leurs résultats grâce à la coopération commerciale et au prix d’une gestion rigoureuse.

Près d’une pharmacie sur deux voit son activité baisser

Avec une progression de 0,74 % en 2011, la plus faible depuis dix ans, l’économie de l’officine incontestablement s’aggrave. D’après les statistiques 2011 de Fiducial qui a mené une étude statistique sur 532 officines, le nombre de pharmacies dont l’activité régresse est en hausse. « 47,3 % des officines de notre échantillon voient leur chiffre d’affaires baisser en 2011 de 3,39 %. En 2010, elles n’étaient que 43 %. Ce simple chiffre explique sans aucun doute pourquoi, sur les cinq dernières années, le nombre de pharmacies ayant déposé le bilan a été multiplié par trois en France », signale Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise.

Les officines urbaines accusent le coup

Au fil des ans, un fossé se creuse entre les pharmacies. Les plus vulnérables ? Les officines urbaines, de quartier et de centre-ville, dont le chiffre d’affaires ne progresse respectivement que de 0,34 % et 0,18 %. Un peu mieux loties, les pharmacies rurales (+ 0,99 %) sont néanmoins très fragilisées. « Ces officines qui jouissent d’une clientèle fidèle peuvent voir leur activité anéantie du fait du départ en retraite des prescripteurs », alerte Philippe Becker. Seules celles situées dans les centres commerciaux sortent du lot, avec une hausse de 2,10 % de leur activité. Pas vraiment surprenant : leur grande taille (avec un CA moyen de 2,142 millions d’euros en 2011 contre 1,475 million d’euros pour la moyenne des officines) améliore leurs résultats.

Les pharmacies en association ont de meilleurs résultats

Les officines exploitées en association, d’une taille moyenne plus importante par nature, ont une évolution du chiffre d’affaires plus forte (+ 0,94 %) que celles exploitées en nom propre (+ 0,58 %). Elles affichent un excédent brut d’exploitation (EBE) de 12,64 % (contre 10,53 % pour les officines individuelles) et un résultat net de 11,72 % (contre 9,38 %).

Les plus petites structures pénalisées par les coûts fixes

L’étude de Fiducial fait ressortir un écart du taux de rentabilité nette de 1,72 % entre les officines dont le chiffre d’affaires est inférieur à 750 000 d’euros et la pharmacie « standard » (CA de 1,5 M€).

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La marge commerciale parvient à se maintenir

« L’évolution de la marge, en pourcentage du chiffre d’affaires, se stabilise doucement depuis 2008. Elle est passée de 27,85 % à 27,83 % entre 2010 et 2011 », remarque Philippe Becker. Mais, compte tenu de la stagnation de l’activité, la marge en valeur absolue est quasi nulle (+ 0,07 %), affichant une valeur moyenne de 410 571 euros (contre 410 260 en 2010).

Une coopération commerciale en forte hausse

Une fois encore, la coopération commerciale, indissociable de la politique d’achats des génériques, joue les sauveurs. En valeur absolue, le montant s’élève à 29 000 euros contre 19 000 euros l’an passé, soit une progression de plus de 52 %. « Ce montant représente 1,9 % du chiffre d’affaires HT », précise l’expert-comptable.

La rentabilité s’améliore légèrement

« Faute de croissance, les pharmaciens misent sur l’amélioration de la maîtrise de leurs charges d’exploitation », note Philippe Becker. Ainsi, l’EBE, qui mesure la rentabilité brute de l’officine, passe de 11,38 % à 11,48 % du chiffre d’affaires HT. De même, le résultat net s’améliore légèrement, avec un taux de 10,43 %, contre 10,19 % en 2010. « Le surplus de profit généré par la vente des génériques a manifestement bloqué une dégradation lente, mais inexorable, de la rentabilité », commente Philippe Becker. Les pharmaciens ont l’œil rivé sur la trésorerie, qui reste tendue pour un peu plus d’une pharmacie sur trois. En effet, en 2011, 39 % des officines connaissent un découvert de trésorerie (contre 40 % en 2010). Mais le montant du découvert diminue légèrement (7 134 euros contre 7 195 en 2010).

Pour s’en sortir, les titulaires savent donc qu’il faut faire le dos rond. C’est pourquoi, notamment, 35 % des pharmacies n’ont réalisé aucun investissement. Celui-ci est d’ailleurs en nette diminution, passant de 16 220 à 10 368 euros entre 2010 et 2011. Le prix d’une maîtrise des coûts… en attendant des jours meilleurs.

« J’ai conquis 15 % de nouveaux clients »

« Je me suis installé au plus mauvais moment », reconnaît Jules-David Kahapip, qui a repris la Pharmacie du Village anglais à Pontault-Combault (Seine-et-Marne) en 2009. Le titulaire est confronté à une concurrence féroce puisqu’il est situé à proximité d’un hypermarché Leclerc et d’une pharmacie discount de 1 000 mètres carrés. Or, il affiche une belle envolée de son chiffre d’affaires, auparavant en chute libre. Comment ? « Comme les personnes âgées constituent 50 % de la clientèle, j’ai créé un espace d’orthopédie et de matériel médical. J’ai aussi ouvert un rayon bébé, apprécié par ma clientèle, dont les grands-parents qui s’occupent de leurs petits-enfants. » Dans cette officine qui réalise un chiffre d’affaires de 1,3 million d’euros en 2011, Jules-David Kahapip a capté 15 % de nouveaux clients. Son secret ? « Je suis présent en permanence au comptoir depuis 2009, même lorsque mon adjointe est là. » Pour prendre le pouls de ses patients, il fait aussi mener trois fois par an une étude avec client mystère. « Pour rester compétitif, je négocie de bonnes conditions d’achat et je rogne sur la marge, dont le taux n’excède pas 27 % »