- Accueil ›
- Business ›
- Economie ›
- Stratégie et Gestion ›
- Les nouvelles missions dans une petite officine, c’est possible !
Les nouvelles missions dans une petite officine, c’est possible !
Les petites officines n’ont pas seulement besoin que l’on se penche à leur chevet sur le plan économique. Il faut aussi les aider à trouver des solutions et revoir leur organisation interne pour pouvoir répondre aux nouvelles missions. Deux problématiques étroitement intriquées.
On ne prête qu’aux riches. « Depuis quelques années, le tissu officinal se distend à ses 2 extrêmes. Les petites officines, en particulier de zones rurales, sans possibilité de stratégies de groupe ou de regroupement, souffrent de plus en plus sur le plan économique, alors que les mégapharmacies, qui se font des guerres commerciales, soutenues par des fonds d’investissement, sont les mieux armées pour accomplir les nouvelles missions et ont plus de facilités à tirer profit de ces avancées », a fait remarquer Claude Le Pen, économiste de la santé et professeur à l’université Paris Dauphine, lors de la première édition des Amphis de l’officine, organisée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) le 18 juin, à la Maison des pharmaciens, à Paris. Ce n’est donc pas uniquement pour des raisons économiques, mais aussi pour embarquer toutes les officines dans les nouvelles missions que Philippe Besset, président de la FSPF, défend devant le gouvernement la mise en place de modèles économiques différenciés en fonction des tailles et des localisations des officines. Cela passerait notamment par la mise en place d’une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) « structure » aidant à maintenir un niveau de revenus acceptable pour les titulaires concernés. Dans le même ordre d’idées, le groupement comptable CGP propose, lui, la mise en place d’un forfait journalier (selon le modèle de l’indemnité de garde). Avec, dans les 2 cas, le même objectif de soutenir de manière spécifique les petites pharmacies situées en zones de sous-densité médicale et leur présence.
En effet, la taille de l’officine, qui conditionne les moyens et la capacité humaine alloués aux entretiens pharmaceutiques et aux bilans partagés de médication (BPM), joue pour beaucoup. Si un second modèle économique était envisagé, sinon étudié, il faudrait commencer par établir des cartes de territoire de santé. Mais cette approche au plus près du terrain paraît difficilement réalisable à l’échelle de la convention nationale pharmaceutique selon Paule Kujas, adjointe au département des produits de santé à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), présente à ces premiers Amphis de l’officine. « L’Assurance maladie n’a qu’une vision macroéconomique des officines, alors que les agences régionales de santé (ARS) ont cette flexibilité régionale grâce à une vision beaucoup plus fine du maillage des officines », argumente-t-elle. Et d’ajouter : « Il faut néanmoins réconcilier les politiques publiques nationales afin que toutes les pharmacies puissent proposer des services identiques aux patients, quelles que soient leur taille et leur localisation, qu’il s’agisse de monopharmacies [un seul titulaire] isolées ou de mégapharmacies. »
Des succursales à la rescousse
Pour maintenir le maillage territorial, éviter la création de déserts pharmaceutiques et permettre aux petites officines rurales de proposer les nouveaux services d’accompagnement des patients, Joël Lecoeur, expert-comptable et président du groupement CGP, suggère d’adapter les outils juridiques de l’officine. « Les textes sur les modèles d’exploitation des pharmacies n’évoluent pas assez vite par rapport à l’évolution de l’économie et du métier », constate-t-il. Les services étant des éléments très chronophages qui renvoient à des problèmes de temps, d’espace et de taille, il est impératif, selon lui, de faire évoluer les structures vers des entités plus importantes. Soit par le regroupement classique, soit par une évolution des schémas juridiques et financiers plus adaptée aux mutations en cours.
Depuis quelques années, le groupement CGP propose qu’une société d’exercice libéral (SEL) puisse détenir 2 ou 3 fonds sur un périmètre restreint défini par l’ARS. « Cette proposition permettrait d’avoir un effet de levier financier important et de faire des économies de gestion par mutualisation des charges d’exploitation, avec une seule entité juridique, un seul expert-comptable, etc. , expose Joël Lecoeur. Elle permettrait d’éviter la fermeture d’officines, plus particulièrement dans les zones rurales, mais aussi dans les déserts médicaux, de maintenir un maillage territorial de proximité, de faciliter par la suite les regroupements, de même que l’intégration en douceur des jeunes en mal d’installation. »
Jouer la mutualisation des services
Dans un modèle avec une pharmacie principale et des points de vente secondaires en zones sous-denses, situés dans des bourgs de 700 ou 800 habitants, « le pharmacien exploitant aura les moyens d’avoir du personnel qualifié en nombre suffisant, des adjoints qui pourront partager leur temps de travail sur les différentes filiales, se rendre une ou deux demi-journées par semaine dans chaque officine, pour proposer et réaliser des entretiens pharmaceutiques. On peut également envisager que chaque officine ait la responsabilité d’un service en fonction de ses particularismes, par exemple que l’une d’elles prépare les doses administrées pour le compte de l’ensemble des officines de ce mini-réseau », illustre Joël Lecoeur.
Seulement voilà, ce discours ne trouve pas écho auprès des instances professionnelles. La FSPF est opposée au fait que des pharmacies détiennent des succursales, considérant qu’elles ne doivent pas servir de levier de transition vers des structures importantes et accélérer la concentration naturelle du réseau. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) y est plus favorable à une condition. « La présence d’un établissement dit secondaire se justifie dans une seule indication, pour éviter la fermeture d’une officine créant un désert pharmaceutique », précise Gilles Bonnefond, président de l’USPO.
Compter sur l’aide de son groupement
Pour la FSPF, la solution n’est pas du côté des modèles juridiques. « Les plus petites officines doivent s’appuyer sur les groupements qui, de leur côté, doivent s’y intéresser et leur proposer des offres particulières », prêche Philippe Besset, ajoutant que « la mutualisation des services doit être contractuelle, avec des prestataires et des systèmes experts pour le recouvrement bancaire ou le tiers payant. » Pour pouvoir s’investir dans les nouvelles missions, Gilles Bonnefond conseille aux petites officines de « déléguer, se réorganiser pour que leurs titulaires soient plus disponibles pour les patients. Leur groupement peut également les accompagner dans le changement. Mais cela n’est pas servi sur un plateau, le pharmacien doit aussi faire l’effort de restructurer son temps de travail. »
Sur ce point, la transformation numérique peut servir d’atout dans leur jeu. Une autre martingale ? « Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) vont permettre aux petites pharmacies rurales de continuer à exister. Celles-ci vont mettre de la fluidité dans le parcours de soins et éviter au pharmacien de courir derrière les ordonnances, et donc de ne plus être dépendant d’un prescripteur qui a quitté le village. Avec les entretiens et les BPM, la petite officine aura vite fait de récupérer 10 000 € de marge, ces facteurs de croissance permettront d’équilibrer une embauche », assure le président de l’USPO. Se rendre disponible pour gagner plus et sans forcément travailler plus en somme.
Source : bilans de 327 officines clientes du groupement CGP.
À RETENIR
• Ressources humaines insuffisantes, isolement, problème de place et de temps, les petites officines rencontrent des difficultés dans la mise en place des nouvelles missions au gain de marge pourtant non négligeable dans leur profil d’activité.
• Le groupement d’experts-comptables CGP propose un modèle où une pharmacie principale peut détenir des postes avancés de proximité.
• Groupements et prestataires doivent être mieux utilisés pour libérer du temps.
• Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont censées être un atout dans la fluidification des parcours de soins.
REPÈRES
RÉSULTATS DES BILANS CLÔTURÉS EXCLUSIVEMENT AU 31 DÉCEMBRE 2018 PAR CGP
PAR FRANÇOIS POUZAUD
- L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
- « Non, monsieur Leclerc, les pharmaciens ne sont pas des nuls ! »
- [VIDÉO] Médicaments : on vous livre cette idée…
- Sante.fr : l’outil de référence pour faire connaître ses services aux patients
- Campagnes publicitaires de médicaments OTC et des produits de parapharmacie
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
