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LES LABOS À L’ÉPREUVE DE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES
Dans un contexte de crise économique, l’industrie pharmaceutique doit faire face à une baisse des prix des médicaments et au développement du générique. Tout en trouvant de la croissance.
Davantage encore que le projet de loi de la réforme du médicament, le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) pour 2012 porte un coup dur au médicament : 770 millions d’euros d’économies devront être réalisés. Outre la baisse des prix des médicaments sous brevet, ces mesures d’austérité touchent le générique et les produits à service médical rendu insuffisant (SMRI), menacés de déremboursement. Bien que ces mesures soient qualifiées d’opportunistes par les industriels (voir interview de Christian Lajoux, président du Leem, p. 56), en opposition aux structures plus pérennes comme le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) qui s’est prononcé en 2009 pour la recherche et la production en France, elles ne jettent pas moins des zones d’ombre sur l’avenir du médicament, notamment en ce qui concerne sa prise en charge.
L’ÉVALUATION MÉDICO-ÉCONOMIQUE FAIT SA LOI
Cette politique de restriction intervient dans un climat général d’austérité, voire de crise européenne. En septembre dernier, Roche a ainsi déclaré qu’il se refusait à livrer les hôpitaux grecs qui n’honoraient pas leurs factures depuis près de quatre ans. Et le groupe suisse menace d’étendre cette décision à l’Espagne, au Portugal et à l’Italie.
Plus au nord, Boehringer Ingelheim et Lilly ont décidé de ne pas commercialiser Trajenta (linagliptine) en Allemagne en raison des prix trop bas pratiqués. Cette décision n’est pas anodine car les prix fixés en Allemagne servent de référence à près de 80 autres pays ! Dans ce pays qui passait jusqu’alors pour être l’eldorado de l’industrie pharmaceutique, depuis le 1er janvier la nouvelle loi sur le médicament (AMNOG) prévoit désormais que le prix du médicament est assujetti au bout d’un an à son ASMR.
Le développement de l’évaluation médicoéconomique est une tendance marquée sur l’ensemble de l’Europe. La maîtrise des coûts caractérisée par une pression sur les prix se généralise au générique. Bien que ce marché démontre une dynamique supérieure à la moyenne du marché pharmaceutique avec une progression des ventes de 12 à 15 % sur la période 2010-2012 à 3,7 et 4,1 milliards en valeur en 2012*, il sera soumis à une baisse des prix comme l’ensemble des autres produits. A l’instar de la France, la majorité des pays européens, bien qu’incitant eux-mêmes à la substitution, exercent des pressions de différentes manières : baisses régulières des prix en France, tarif référencé en Grande-Bretagne, appels d’offres directs avec les caisses d’assurances maladie en Allemagne. Ces mesures entraînent une concentration du marché ou une diversification. A moins de se lancer dans les génériques de marque qui peuvent sur certains marchés justifier un prix plus élevé, les fabricants restent tentés d’abandonner le générique en Europe. Car, sur le Vieux Continent, comme le déclarait dans la presse le patron d’Acino, laboratoire suisse, « le gain annuel réalisé sur certains traitements anticholestérol est inférieur au prix d’un capuccino chez Starbucks ! ».
Résultat, la fabrication des génériques répond elle aussi à des logiques de délocalisation. Après l’Europe de l’Est, l’ensemble des génériqueurs investit dans les pays émergents où se concentrera, selon IMS Health, un cinquième du marché mondial pharmaceutique dès 2015 (contre 13 % pour les cinq grands pays européens). Des territoires pleins de promesses, quand on songe qu’Abbott a réalisé dans les marchés émergents un bond de 23 % à 1,6 milliard d’euros au dernier trimestre. AstraZeneca a ainsi annoncé, mi-octobre, la construction d’une usine en Chine pour 147 millions d’euros, le plus grand investissement que le groupe anglo-suédois ait jamais réalisé dans un site de production.
* Etude Eurostaf de juin 2010.
Christian Lajoux, PRESIDENT DU LEEM« Des mesures opportunistes »
La crise financière a-t-elle accéléré le mouvement de fusions-acquisitions ?
La logique d’acquisition n’est plus aujourd’hui la même qu’il y a encore quelques années. Alors qu’il s’agissait autrefois de gagner des parts de marché, les entreprises cherchent aujourd’hui à acquérir des programmes de recherche.
Au-delà de ces fusions-acquisitions, les structures du marché se sont-elles complexifiées ?
Autrefois, la loi du « tout ou rien » régnait. Aujourd’hui, nous assistons à un redéploiement des forces où les grands groupes coopèrent entre eux mais aussi avec la recherche académique. La France en est une bonne illustration. Mais ce qui a surtout changé les règles du jeu est l’évolution de la connaissance scientifique et technique qui conduit les groupes à redéfinir leur politique d’innovation et de recherche.
Cela signe-t-il la fin des blockbusters ?
Les blockbusters ont servi à satisfaire un besoin à une époque où les médicaments étaient insuffisants. Aujourd’hui, grâce aux biomarqueurs et et à la génomique, nous avons fait de tels progrès que nous sommes capables de proposer un médicament sur mesure à chaque patient. Par ailleurs, dès 2012, un marché de près de un milliard et demi d’euros de médicaments va être génériqué et le mouvement se poursuivra d’année en année, forçant les groupes à redessiner leur politique de recherche.
Le contexte législatif est-il propice à cette mutation ?
D’un côté, nous avons fait un énorme bond en avant avec le Conseil stratégique des industries de santé qui a structuré les grands axes de développement des biotechnologies de la santé en améliorant les partenariats de recherche entre secteur public et privé dans la recherche biomédicale. Cette évolution a éveillé un immense espoir. Tout comme le crédit d’impôt recherche et le processus d’autonomisation des universités. D’un autre côté, malheureusement, des mesures, que je qualifierais d’opportunistes et qui ne sont que des mesures de moyen terme, comme le PLFSS et la partie de la loi sur la sécurité du médicament concernant la visite médicale, créent un climat de défiance et d’insécurité au sein de notre industrie, alors même que nous étions en train d’élaborer notre projet d’avenir.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE LUGINSLAND
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