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Les aspects réglementaires de la substitution
La réglementation a évolué année après année pour faciliter le développement des génériques. Quels que soient les règles et les outils mis en place, le droit de substitution reste un enjeu d’exercice professionnel.
Parmi les mesures emblématiques adoptées pour soutenir la consommation des médicaments génériques, le dispositif « tiers payant contre générique » est entré en vigueur en juillet 2012. Il s’applique à l’ensemble du territoire et à tous les assurés, quel que soit leur régime d’affiliation.
Tiers payant contre générique
Le pharmacien s’engage à réserver le tiers payant aux seuls assurés acceptant la substitution par un médicament générique ou pour lesquels le médecin prescripteur a porté une mention « non substituable » (NS) justifiée sur l’ordonnance, conformément aux règles en vigueur.
En cas de refus par l’assuré de la substitution, outre le fait que ce dernier doit dans ce cas régler le montant du ou des médicaments d’origine concernés, son pharmacien est tenu d’établir une feuille de soins papier pour les médicaments ayant fait l’objet d’un refus de substitution. L’assuré l’adresse, accompagnée du double de l’ordonnance, à sa caisse d’assurance maladie pour se faire rembourser.
Le remboursement sera décalé mais aussi, selon les cas, minoré. Le tiers payant est autorisé, même en cas de refus de substitution, si le médicament d’origine est sous tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) ou si son prix est inférieur ou égal au prix du médicament générique.
En revanche, le dispositif « tiers payant contre générique » n’est pas étendu aux cas où le prix du médicament princeps est identique à celui du générique. Autrement dit, même lors d’alignement des prix, seule la substitution ouvre droit au tiers payant, préservant ainsi en partie l’attractivité des génériques.
En résumé, le patient peut bénéficier de la dispense d’avance des frais dans les cas suivants : lorsque la mention « NS » est portée et justifiée sur l’ordonnance ; si le groupe générique concerné est sous TFR ; si le prix du médicament générique est supérieur ou égal au prix du médicament d’origine.
L’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 s’articule avec l’accord « tiers payant contre générique ».
La règle ne change pas : le tiers payant s’applique uniquement si le patient accepte le générique. Cependant :
– si le groupe est sous TFR, le tiers payant s’applique aussi pour le médicament de référence ;
– s’il existe un médicament générique dont le prix est supérieur ou égal à celui du médicament de référence, il s’applique là aussi pour le médicament de référence ;
– si le prescripteur (ou le pharmacien) a indiqué sur l’ordonnance une mention non substituable justifiée, le tiers payant est possible pour le médicament de référence.
Ainsi, par exemple, pour les médicaments à marge thérapeutique étroite figurant dans l’annexe de l’arrêté du 12 novembre 2019 précisant les situations médicales dans lesquelles peut être exclue la substitution à la spécialité prescrite d’une spécialité du même groupe générique, et en cas de mention « NS » sur l’ordonnance ou de rattrapage du pharmacien si nécessaire, le patient bénéficie du tiers payant.
Les exclus de la substitution
En premier lieu, le banni le plus ancien du Répertoire des génériques, le paracétamol, a tenu la vedette lors du premier confinement (par crainte de rupture, la délivrance de cette molécule a été restreinte), ce qui explique en grande partie la stabilité dans le nombre d’unités de génériques vendues en 2020 et, de manière générale, une pénétration du marché français par les génériques de 40 % inférieure à celles de nos voisins européens.
Le paracétamol est une molécule dont le brevet est tombé depuis longtemps dans le domaine public. Dès lors, les dispositions de droit commun concernant les médicaments génériques doivent pouvoir lui être appliquées. Cela n’a pas été effectué jusqu’à présent du fait de l’impossibilité d’identifier un médicament princeps. La raison est aussi politique : menaces de fermetures d’usines, délocalisation de la production… ont convaincu les pouvoirs publics de renoncer à l’inscription du paracétamol au Répertoire des génériques.
Autre sujet en suspens qui fâche. Le registre des groupes hybrides a été promulgué au Journal officiel du 20 novembre 2019, mais la substitution au sein de ce « Répertoire bis » des génériques qui accueille des médicaments tels que des sprays inhalés, les spécialités d’origine végétale et minérale, Copaxone* (glatiramère)… n’est pas encore acquise pour les pharmaciens. Il manque un arrêté pour la mettre en œuvre, qui doit définir les situations dans lesquelles la substitution du pharmacien peut être effectuée au sein d’un groupe.
Ce registre des « hybrides » présente les spécialités par dénomination commune internationale (DCI), nom, dosage, forme pharmaceutique, nom du titulaire et exploitant et nature des différences constatées avec la référence, notamment en matière de posologie.
Enfin, les brevets peuvent empêcher un laboratoire fabriquant des médicaments génériques d’utiliser la forme galénique, la méthode de fabrication, etc., alors qu’il peut déjà exploiter la molécule tombée dans le domaine public. Cela explique que le médicament générique puisse présenter des différences avec le médicament d’origine quant à la forme galénique, la composition en excipients, l’aspect, etc., avec pour inconvénient le risque de compromettre la bonne observance du traitement par le patient. Tout comme la commercialisation de médicaments génériques à des dosages différents de ceux du princeps en raison de la composition de leurs sels (exemple : périndopril).
Prescription en DCI
Pour franchir un nouveau palier dans le développement des génériques en France, l’Assurance maladie a cherché à plusieurs reprises à inciter les médecins à prescrire en dénomination commune internationale (DCI). On retiendra quelques étapes importantes (options du « médecin référent » en 1997, accord conventionnel du 5 juin 2002 et loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009) avant que la prescription en DCI ne devienne une obligation le 1er janvier 2015.
Les exceptions du dispositif « tiers payant contre générique »
Il ne s’applique pas pour certains médicaments à marge thérapeutique étroite : les antiépileptiques (lamotrigine, lévétiracétam, topiramate et valproate de sodium, etc.) et une hormone thyroïdienne (lévothyroxine). Ces molécules ont été exclues du dispositif au vu de la recommandation d’encadrement de la substitution de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cependant, aucune preuve n’a été apportée à ce jour sur l’existence d’un risque à substituer ces molécules par des spécialités génériques.
En plus de ces médicaments à marge thérapeutique étroite, deux autres molécules ont été exclues du dispositif « tiers payant contre générique ». C’est le cas d’un traitement substitutif aux opiacés (buprénorphine) et d’un immunosuppresseur (mycophénolate mofétil, en raison de la sévérité de la pathologie traitée, mais aussi des très faibles rotations du produit).
Les nouveaux NS
L’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 encadre plus strictement le recours à la mention « non substituable ». Depuis le 1er janvier 2020, le prescripteur est tenu de justifier toute mention « NS » par l’une des situations médicales précisées par un arrêté publié au Journal officiel du 19 novembre 2019. Il fixe les trois seules situations médicales dans lesquelles le prescripteur pourra exclure la substitution générique, et ce depuis le 1er janvier 2020 :
– la prescription de médicaments à marge thérapeutique étroite (MTE) pour assurer la stabilité de la dispensation, lorsque le patient est effectivement stabilisé avec un médicament ;
– la prescription chez l’enfant de moins de 6 ans (EFG), lorsqu’aucun médicament générique n’a une forme galénique adaptée et que le médicament de référence disponible permet cette administration ;
– la prescription pour un patient présentant une contre-indication formelle et démontrée à un excipient à effet notoire (CIF) présent dans tous les médicaments génériques disponibles, lorsque le médicament de référence correspondant ne comporte pas cet excipient.
Des listes de médicaments (molécules) éligibles à la mention « non substituable MTE » et de médicaments princeps (hors TFR) éligibles à la mention « non substituable CIF » ont été établies. Dans ces cas de « NS » justifiés, les patients sont remboursés sur la base du prix du médicament non générique. En l’absence de justification d’un « nouveau NS », le remboursement par l’Assurance maladie est fondé sur le prix du médicament générique le plus cher et se fait hors tiers payant pour cette ligne de médicament.
Attention ! La mention « non substituable » seule sur l’ordonnance ne suffit plus à autoriser l’application du dispositif « tiers payant » afin de ne pas effectuer l’avance des frais en pharmacie. Les acronymes « MTE », « EFG » et « CIF », autorisés pour certaines situations médicales particulières exposées plus haut, doivent être indiqués par le prescripteur sur l’ordonnance en plus de la mention « NS ».
Exemples : si un patient est allergique à un excipient à effet notoire, un médecin peut être amené à considérer que ce patient a une contre-indication formelle à cet excipient à effet notoire. L’allergie doit être justifiée. Lorsque toutes les spécialités génériques contiennent cet excipient, mais pas la spécialité de référence, le pharmacien dispensera la spécialité de référence sur mention du médecin sur l’ordonnance. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque le patient ne présente pas de risque de survenue d’effets liés à ces excipients à effet notoire, le médecin ne s’opposera pas à la substitution par le pharmacien au sein du groupe générique.
La présence de ces excipients à effets notoires est signalée dans la base de données publique des médicaments et dans le Répertoire des génériques pour toutes les spécialités (génériques et médicaments de référence) qui en contiennent.
S’agissant des médicaments « à marge thérapeutique étroite », si le patient est traité et stable et afin d’assurer la stabilité de la dispensation, le pharmacien peut dispenser la spécialité médicalement adaptée au patient même en l’absence de la mention « NS » sur l’ordonnance, et le patient sera remboursé sur la base du prix de ce médicament. Dans ce cas et uniquement dans ce cas, le pharmacien inscrit lui-même la mention sur l’ordonnance.
Les cas particuliers
Dans certaines situations, la substitution nécessite des précautions particulières. C’est le cas des spécialités à marge thérapeutique étroite pour lesquelles tout changement de traitement doit être réalisé avec précaution, il existe des recommandations d’encadrement de la substitution de l’ANSM. Il est donc d’autant plus important pour les prescripteurs de penser aux médicaments génériques lors de l’initiation du traitement. Ensuite, le renouvellement de celui-ci avec la spécialité générique prescrite initialement évite une éventuelle déstabilisation du patient occasionnée par un changement de médicament en cours de traitement (passage d’un générique vers un autre générique ou vers un princeps).
Autres situations pouvant déroger à la substitution du pharmacien : dans le cas des personnes âgées (de plus de 75 ans) ou polymédiquées, pour lesquelles le changement de forme galénique peut engendrer un risque de confusion, une vigilance particulière sur la stabilité du traitement dispensé est nécessaire. Cette mesure concerne un certain nombre de molécules utilisées dans le traitement des pathologies chroniques : diabète de type 2, hypercholestérolémie, hypertension artérielle (HTA), insuffisance cardiaque chronique, etc.
Dans le cadre de la convention nationale pharmaceutique, les pharmaciens se sont engagés à assurer la stabilité de la dispensation des médicaments génériques utilisés dans le traitement de pathologies chroniques (délivrance de la même marque de médicament générique).
En cas d’urgence
Quand le pharmacien ne détient pas le médicament générique dans son officine, il a toujours la possibilité de le délivrer au maximum dans les 24 heures compte tenu de son approvisionnement quotidien par les grossistes. Lors de rupture d’approvisionnement nationale des médicaments génériques d’un médicament donné, les pharmaciens pourront délivrer le médicament non générique, et les patients seront remboursés sur la base du prix de ce médicament. Il est conseillé de faire mention de cette rupture sur l’ordonnance ou dans le logiciel de facturation au moment de la délivrance.
Alors, évidemment, il y a aussi cette journée particulière qu’est le samedi ! Un médicament non détenu en stock commandé le samedi après-midi, par exemple, ne pourra être livré sous 24 h (le dimanche) et donc au plus tôt le lundi, soit sous 48 h. Ce qui peut être trop tard dans l’intérêt de la santé du patient. Ce cas d’urgence (avec délivrance du princeps) peut être traité comme une rupture d’approvisionnement nationale et l’on appliquera, par tolérance et de manière ponctuelle, la même règle.
SUBSTITUTION ET BIOSIMILAIRES : LES RÈGLES À DATE ET À VENIR
A l’heure actuelle, la substitution par le pharmacien d’un médicament biologique de référence par un médicament biosimilaire n’est pas autorisée par la loi. Seul le prescripteur – le médecin – peut, en accord avec le patient, remplacer un médicament biologique par un autre figurant sur la liste de référence des groupes biologiques similaires. Un tel remplacement, dénommé « interchangeabilité », peut avoir lieu à tout moment du traitement ; il doit être raisonné et tenir compte de l’intérêt du patient. Il convient toutefois de respecter trois conditions : informer le patient et recueillir son accord ; assurer une surveillance clinique appropriée lors du traitement comme pour tout médicament biologique ; veiller à la traçabilité des produits prescrits (inscription dans le dossier patient) comme pour tout médicament biologique.
Concernant les futures règles de la substitution biosimilaire, un consensus au niveau du groupe de travail et des différentes parties prenantes se dégage : ce mouvement ne peut s’effectuer en appliquant les recettes du générique. Ainsi, l’Académie nationale de pharmacie recommande de restaurer l’autorisation de la substitution biosimilaire au seul stade de l’initiation du traitement, d’instituer un droit pour le médecin de prescrire les médicaments biologiques sous leur seule DCI, à condition que le pharmacien notifie le nom de la marque dispensée la première fois au patient.
Pour un collectif de 24 signataires (dont des laboratoires de médicaments biologiques de référence et associations de patients), la décision médicale partagée entre le médecin et le patient doit rester le cadre principal de cette substitution. Si les molécules relevant de la prescription initiale hospitalière doivent être maintenues dans le champ de l’interchangeabilité, ce collectif est favorable à l’évolution de la substitution pour certains biosimilaires définis par l’ANSM, après consultation des sociétés savantes et des associations de malades concernées. L’Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde (Andar) estime toutefois que la substitution est inenvisageable quand les médicaments biologiques font l’objet d’une prescription initiale hospitalière.
De son côté, l’association Générique même médicament (Gemme) propose d’autoriser les pharmaciens d’officine à délivrer un médicament biosimilaire à la place du médicament biologique de référence a minima en initiation de traitement, dans le cadre d’une approche coordonnée et encadrée du parcours de soins du patient impliquant à la fois les pharmaciens et les médecins prescripteurs. Tandis que la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies Fédergy plaide pour une substitution biosimilaire « pleine et entière ». Autant de propositions qui pourraient être débattues lors des prochaines échéances du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022.
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