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Le monopole officinal dans tous ses états

Publié le 6 avril 2024
Par André Borg
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Quelles que soient les spécialités, remboursables ou non, prescrites ou non, le monopole officinal sur la distribution de ces médicaments est-il un bastion assiégé sur le point de céder ? Voici donc le troisième épisode de cette série consacrée à un vieux serpent de mer qui a récemment ressurgi.

 

Le monopole officinal français fait figure d’exception au sein de l’Union européenne. Ce modèle strict et étendu a toujours fait ses preuves sur le plan sanitaire et surtout depuis la pandémie du Covid-19. Son haut degré d’exigence en fait incontestablement le dispositif le plus sécuritaire, mais les pouvoirs publics n’ont cessé de vouloir réduire son périmètre. Dans le même temps, l’économie officinale s’essouffle et des moyens supplémentaires sont désormais nécessaires pour répondre aux défis actuels et futurs ainsi qu’à la concurrence. La finalité du modèle français a toujours été la protection de la santé publique et la préservation de l’indépendance du pharmacien. Poussée par les pouvoirs publics, l’officine tend inexorablement vers une pharmacie de services. Le pharmacien est enfin reconnu en tant que véritable acteur de la santé publique, doté de compétences étendues. Néanmoins, dans d’autres pays européens ou au Québec, des modèles de monopoles officinaux alternatifs, moins stricts, existent sans qu’ils n’aient provoqué de catastrophes sanitaires.

A quoi ressemblerait le futur modèle ?

 

A l’aune de l’extension des missions du pharmacien, il y a fort à parier que les pouvoirs publics autoriseront, en contrepartie, la vente des médicaments over the counter (OTC) hors officine. Dans cette hypothèse, une nouvelle section, P, en parapharmacie, pourrait être créée à l’Ordre national des pharmaciens, à l’instar de l’Italie. Mais l’exclusion de non-pharmaciens serait inflexiblement maintenue dans le circuit de distribution du médicament. Concernant le monopole de lieu, la vente pourrait être autorisée en parapharmacie et en grande distribution alimentaire (GSA), tandis que c’est moins probable dans les stations-service ou les commerces de tabac et presse, à l’image de la Norvège, par exemple. En outre, les règles de répartition territoriale des officines demeureraient inchangées. Quant au monopole du capital, le principe de l’indivisibilité a déjà fait l’objet de multiples et récurrentes entorses ces dernières années. Dès lors, son atteinte tendrait à se poursuivre, compte tenu des difficultés économiques rencontrées par les officines. Ainsi, il ne paraît pas inconcevable de voir progresser le taux de participation des adjoints et que de nouveaux professionnels faisant déjà partie de « la famille pharmaceutique », également inscrits à l’Ordre, tels que les biologistes, les grossistes ou les groupements etc., puissent entrer dans le capital des pharmacies. Nul doute que l’atteinte à la concurrence monopolistique va continuer à tâtonner dans les années à venir. Mais, comme l’énonçait Winston Churchill, « il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction ».

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