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Le métier qui fait recette

Publié le 8 octobre 2003
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Nouvelle voie émergente au sein des laboratoires : la fonction d’économiste de la santé. Rien d’étonnant : les études d’évaluation sur la qualité de vie ou l’impact en chiffres d’un médicament sont devenues des armes pour faire valoir l’intérêt des thérapeutiques.

Deux voies s’offrent aux pharmaciens qui souhaitent un poste d’économiste de la santé : celle de la recherche et/ou de l’enseignement (les moins nombreux) et celle de pharmacoéconomiste dans l’industrie pharmaceutique », explique Philippe Ullman, secrétaire général du Collège des économistes de la santé* et maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers.

Economiste de la santé ? Le champ d’investigation de cet expert en biostatistiques et en épidémiologie est particulièrement large : « Il peut aussi bien évaluer des médicaments et dispositifs médicaux, des stratégies de soin ou de prévention, que des pratiques professionnelles : en fait, tout ce qui touche à l’optimisation de l’utilisation des ressources sur le marché des soins », précise Benoît Allenet, enseignant-chercheur depuis cinq ans. Auparavant, il aura travaillé dix ans comme chargé de recherche dans une équipe associée au CNRS, l’une des rares équipes française de recherche en économie de la santé, à Lille, sur des modèles épidémiologiques, des analyses de coût de la pathologie, des analyses de rendement, le médicament étant un domaine d’application, mais pas le seul, de ses études. Désormais rattaché à une équipe de pharmacie hospitalière, Benoît Allenet travaille sur le thème de l’évaluation des pratiques des acteurs de santé. Le domaine d’application touche aux pratiques concernant le circuit du médicament (de la prescription à la dispensation) et, notamment, celles en termes d’éducation thérapeutique.

Mais son rôle, regrette-t-il, reste encore insuffisamment reconnu dans la recherche et dans l’enseignement : « Chaque fois que l’on passe un échelon, on découvre un nouvel obstacle. On peut comparer notre profession à une course de fond : on passe beaucoup de temps, pour un niveau de rémunération, Ò loin d’atteindre celui de l’industrie pharmaceutique ou même d’un pharmacien hospitalier. »

Un enjeu pour l’industrie.

C’est en revanche au sein de l’industrie pharmaceutique que le rôle du pharmacoéconomiste est de plus en plus valorisé. Au même titre que les études cliniques, la pharmacoéconomie est devenue une nouvelle arme pour convaincre autorités publiques, médecins et patients de l’utilité d’une thérapeutique.

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L’économiste de la santé aura ainsi en charge deux types d’études : des études de pharmacoéconomie stricto sensu (études d’évaluation de la qualité de vie, de la satisfaction des médecins et/ou des patients, impacts autres que cliniques d’un traitement, etc.), mais aussi des études de coût qui, intégrées dans le dossier relatif au prix du médicament, serviront lors de l’enregistrement ou la réinscription d’un produit.

« La pharmacoéconomie n’est ni de la clinique, ni du marketing mais se situe à la jonction, c’est là son grand intérêt, détaille Eric Myon, responsable adjoint des programmes pharmacoéconomiques et qualité de vie chez Pierre Fabre. C’est un nouvel éclairage de la pathologie et de sa prise en charge. Nous avons la rigueur scientifique avec une souplesse et une réactivité plus grande qu’en clinique. » Et la possibilité d’étendre les études à tous les aspects qui touchent de près ou de loin le médicament.

L’industrie offre également une grande possibilité d’évolution : selon les laboratoires, l’organisation peut être différente mais, d’une façon générale, le pharmacoéconomiste commencera comme chef de projet junior, puis chef de projet puis deviendra l’équivalent du chef de gamme et du chef d’axe thérapeutique.

* Collège des économistes de la santé. Tél. : 01 43 45 75 65. Site Internet : http://perso.wanadoo.fr/ces/.

« On compte un millier de pharmacoéconomistes en France »

« Le Moniteur » : Quels sont les débouchés pour un pharmacien ayant suivi une formation en pharmacoéconomie ?

Charles Taieb : Aujourd’hui on peut considérer que chaque groupe de l’industrie pharmaceutique possède son propre département de pharmaco-économie qui peut être ou pas directement associé au pricing [étude du prix, NdlR], mais les institutions (DGS, ANAES, Afssaps, Commission de la transparence), les prestataires (Rees, Cemka, CLP Santé, Lewing Group, etc.) recrutent également dans ce domaine.

Avez-vous des chiffres quant au nombre de postes de pharmacoéconomistes en France et combien sont occupés par des pharmaciens ?

C’est très difficile à dire, mais on peut raisonnablement évaluer leur nombre à un peu plus d’un millier. La répartition entre médecins, pharmaciens ou économistes varie de façon importante selon le type de poste : les économistes seront largement présents dans les unités de recherche universitaire ou les institutions, alors que les pharmaciens (ou les médecins) seront plus nombreux dans l’industrie pharmaceutique.

Quelles sont les meilleures formations pour devenir responsable des études pharmacoéconomiques dans un labo ?

On peut conseiller, entre autres, les DESS « Marketing santé et société » (1), et « Economie et gestion des services de santé » (2) ou encore le DESS « Gestion des activités sanitaires et sociales »(3).

Quels conseils donneriez-vous à un jeune diplômé intéressé par ce secteur ?

Il ne doit pas hésiter à faire son stage de fin d’étude dans un service de pharmacoéconomie. Par exemple, chaque année notre propre département chez Pierre Fabre recrute deux stagiaires pharmaciens. Par ailleurs, il peut également faire parvenir son CV à l’association CrééS (4) qui regroupe les pharmacoéconomistes d’une soixantaine de laboratoires et de prestataires.

Propos recueillis par Aude Allaire

(1) Institut des Cordeliers (Paris VIe), contact : Nelly Molina au 01 43 25 95 74.

(2) Université Paris-IX/Dauphine, contact : Caroline Grisard au 01 44 05 44 46.

(3) Université de Bordeaux-II (pharmacie), université de Bordeaux-IV (économie), contact : Mme Petitjean au 05 57 57 11 99.

(4) CrééS : 8, villa Heitz, 94120 Fontenay-sous-Bois.