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LA SITUATION DEVIENT PRÉOCCUPANTE
Jusqu’en 2011, la marge et la rentabilité, dopées par le générique, progressaient bien en dépit d’une évolution du chiffre d’affaires poussive. En 2012, ces deux ratios décrochent avec la stagnation de l’activité et les frais de personnel dont la croissance reste modeste mais suffisante pour réduire la marge de manœuvre financière du pharmacien.
Sans être foncièrement mauvais, et plutôt dans la même veine que les années précédentes, les résultats de l’étude annuelle de KPMG portant sur 493 bilans d’officines clôturés sur l’année 2012 réservent néanmoins des surprises. La première est celle de contraster quelque peu avec les statistiques du cabinet Normeco dont l’analyse porte sur une période différente (voir Le Moniteur n° 2974).
Concernant, l’évolution du chiffre d’affaires (HT) moyen de l’officine, de seulement + 0,17 % à 1,624 M€ en 2012, est une demi-surprise. C’est le résultat- craint par les pharmaciens et malheureusement advenu – de la poursuite des politiques de pression sur les prix et de réduction des prescriptions. C’est malgré tout la plus faible évolution de ces quatre dernières années de rigueur (voir tableaux pp. 35). Mais elle n’est pas alarmante car le chiffre d’affaires n’est plus un indicateur d’activité de l’officine. « Il doit dorénavant être interprété avec précaution compte tenu de l’évolution de la structure de prix et de produits dans la pharmacie », prévient Joël Vellozi, expert-comptable et responsable de la 21e édition de l’étude KPMG.
Les disparités entre officines se poursuivent
Cette quasi-stagnation de l’activité était prévisible aussi en raison de l’augmentation de la délivrance de génériques à prix plus faible par rapport aux princeps, particulièrement depuis la mi-2012 suite à la nouvelle convention pharmaceutique et à la relance de l’accord « tiers payant contre génériques ». « Une hausse de la substitution de 10 points, c’est – 2 % d’évolution du CA correspondant, toutes ventes égales par ailleurs », signale Joël Vellozi. Les effets conjugués de ces deux événements professionnels avec la politique de maîtrise des dépenses de santé concourent à faire baisser le chiffre d’affaires à TVA 2,1 % de 0,8 %, ce qui est en phase avec la baisse des dépenses de médicaments remboursées de la Caisse nationale d’assurance maladie (environ – 1 %).
C’est en fait les disparités entre les officines, en se creusant, qui inquiètent KPMG. « C’est comme dans une étape de montagne, le peloton s’étire », illustre de manière imagée Patrick Bordas, expert-comptable et responsable du réseau « professions de santé » de KPMG. C’est le premier fait saillant de l’étude 2012 : la récession gagne du terrain. 52,9 % des officines de l’échantillon enregistrent une évolution négative du chiffre d’affaires et, pour un quart d’entre elles, le recul est d’au moins 3,7 %. Et 10 % accusent même une baisse de plus de 6,5 %. En revanche, l’effet de taille reste une constante : plus le chiffre d’affaires est important, plus il évolue favorablement. Ainsi, les pharmacies de chiffre d’affaires supérieur à 2,2 M€ progressent de 1,4 % pendant que les plus petites, de CA inférieur à 1,1 M€, reculent de 1,3 %. Les pharmacies commerciales que l’on peut souvent corréler à une taille importante affichent une hausse de 2,9 %.
Avec une progression de 12,4 points du taux de substitution depuis le début de la convention pharmaceutique et des objectifs atteints sur les génériques, et compte tenu des taux de croissance de chiffre d’affaires enregistrés sur les activités à TVA 5,5 % et 7 % (+ 2,8 %) et à TVA 19,60 % (+ 4,8 %), on pouvait s’attendre à ce que l’évolution de la marge (après remises et coopérations commerciales) soit bonne, voire meilleure qu’en 2011. Il n’en est rien ! La marge moyenne HT en valeur ne progresse que de 1,3 % en 2012 à 480,5 k€, soit deux fois moins qu’en 2011 (+ 2,6 %). C’est toutefois légèrement plus que le chiffre d’affaires, d’où un taux de marge moyen de l’officine en hausse, passant de 29,3 % à 29,7 %. « Cette progression s’explique uniquement par une hausse du taux de marge sur les médicaments remboursables de 0,4 point à 28,7 % grâce au générique », précise Joël Vellozzi. Au-delà de cette faible progression inférieure à l’inflation, c’est une nouvelle fois les écarts enregistrés entre les officines qui sont préoccupants. En 2012, près de la moitié d’entre elles ont connu une évolution négative de leur marge en valeur contre environ un tiers l’année précédente. « En matière de taux de marge, les dispersions sont également significatives puisque 10 % de notre échantillon a un taux de marge inférieur à 26,8 %, alors que 10 % en a un supérieur à 32,5 % », signale l’expert-comptable.
Croissance insuffisante de la rentabilité
C’est le fait majeur à retenir : dans ce contexte de stagnation du chiffre d’affaires, l’apport du générique ne parvient plus à dégager des marges supplémentaires satisfaisantes au regard de l’évolution des frais généraux. « Sur les 78 % de l’activité constitués par les ventes de médicaments remboursables, le gain de marge n’est que de 2 200 € en moyenne », fait remarquer Joël Vellozzi.
Même si les charges externes n’ont pratiquement pas évolué en un an et bien que l’augmentation des frais de personnel soit limitée (+ 1,7 %), la rentabilité de l’officine moyenne trinque. « Du fait de la progression plus importante des charges de personnel par rapport à celle du chiffre d’affaires et surtout de la marge, il y a une perte de rentabilité », poursuit Joël Vellozzi. La performance commerciale et de gestion (PCG*), qui est pour KPMG l’indicateur financier le plus pertinent de mesure de la rentabilité, évolue faiblement en 2012 (+ 1,1 % en moyenne à 233,3 k€). Cette progression est en net retrait par rapport à 2011 (+ 3,8 %) et 2010 (+ 5,1 %), alors qu’au cours de ces deux dernières années, il n’y avait pas non plus de quoi pavoiser sur la croissance du chiffre d’affaires moyen (+ 0,8 % en 2011, + 1,4 % en 2010). La valeur médiane de la PCG, qui scinde l’échantillon en deux moitiés se répartissant de part et d’autre de cette valeur, est égale à 0, ce qui signifie que la PCG d’une officine sur deux régresse en valeur. Et pour 25 % des officines, la chute est supérieure à 8,4 %. A titre de comparaison, la part d’officines à évolution négative n’était que de 35 % en 2011. « Cette nette inflexion de l’évolution des résultats des officines nous interpelle et pose un problème majeur, livre Patrick Bordas. Sans perspective d’évolution, elles sont contraintes à des efforts de gestion et d’adaptation très importants. » Au prix d’une gestion rigoureuse (optimisation des achats, réduction des prélèvements personnels, absence d’embauches, licenciements, etc.), leurs titulaires parviennent à joindre les deux bouts. « Cependant, la nécessité de pérenniser leur activité risque de les entraîner vers une maîtrise trop importante de leurs moyens et notamment vers une compression accrue des charges de personnel », met-il en garde. Et de constater : « Depuis plusieurs années, les effectifs salariés des officines sont stables voire en régression. »
Au moment d’aborder les nouvelles missions et de démarrer de nouveaux challenges, ces tendances ne vont-elles pas à rebours des orientations souhaitées ? Alors que les syndicats et assurance maladie entament juste les négociations sur la rémunération mixte, KPMG espère qu’elles permettront de fixer des honoraires de dispensation en cohérence avec les nouvelles missions du pharmacien et d’assurer aux officines des marges de manœuvre financières raisonnables.
PCG * : Ce ratio est la résultante de l’activité commerciale (CA généré et marges dégagées), du poids des charges externes et frais de personnel (salaires, charges sociales et patronales).
Pour le calculer : PCG (% du CA) = [(Marge commerciale – charges externes – impôts et taxes – frais de personnel)/ CA HT] × 100.
Les structures financières restent saines
Si les résultats économiques peinent, la trésorerie s’améliore, en hausse de 9,3 k€ à 71,5 k€. 2012 est marquée par une dégradation légère du fonds de roulement, mais compensée par un meilleur excédent de financement du cycle d’exploitation. Ce bonus provient de l’allongement du crédit fournisseurs de 4 jours obtenu par le pharmacien, alors que dans le même temps, le crédit clients et le ratio rotation des stocks n’ont presque pas bougé. L’an dernier, seulement 12 % des officines étudiées ont présenté une trésorerie négative au moment de l’arrêté des comptes, soit une proportion un peu moindre qu’en 2011.
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