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« La pharmacie doit davantage travailler sur l’achat plaisir »

Publié le 1 mars 2023
Par Peggy Cardin-Changizi
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Le cabinet de conseil Professional Beauty Consulting (P.B.C.) a été créé en juin 2022 par trois anciens salariés du groupe L’Oréal. Parmi eux, Laurent Dubois nous explique comment son expertise sur le marché de la beauté sert à mieux accompagner les fonds d’investissement dans leurs prises de participation dans le secteur. Il nous livre aussi ses conseils pour tirer pleinement profit de la croissance exponentielle de l’univers de la cosmétique.

PM Quel est l’objectif du cabinet de conseil Professional Beauty Consulting (P.B.C.) ?

LD Mes deux associés, Christophe Schmutz et Frédéric Espinosa, et moi-même sommes tous trois des ex-salariés du groupe L’Oréal. Aujourd’hui, sur le plan mondial, le marché de la beauté représente un chiffre d’affaires (CA) de 260 Mds€ hors services. Son poids a doublé ces dix dernières années et les prévisions de sa croissance sur les dix prochaines années sont identiques. Donc, il est logique que ce secteur dynamique intéresse de nombreux investisseurs. Mais, les fonds d’investissement manquent souvent d’expertise dans cet univers compliqué et très marketé et ne savent pas trop comment s’y prendre pour investir. C’est là que notre cabinet de conseil P.B.C. intervient, en leur présentant des marques de beauté à fort potentiel, parfois même avant qu’elles n’arrivent sur le marché.

PM Comment accompagner une jeune marque qui se lance ?

LD Une jeune marque est soit en recherche d’investisseurs pour lever des fonds, soit dans le souhait de s’associer à une autre marque pour bénéficier de synergies. Dans les deux cas, on fait une sélection en fonction du brief et on leur trouve des cibles, ou des partenaires financiers. Notre rôle consiste également à orienter la marque sur le choix du circuit de distribution : sélectif, luxe, pharmacie, circuit professionnel, etc.

PM Comment définir l’univers cosmétique en pharmacie ?

LD Il est certes moins large qu’en distribution sélective, mais il évolue avec un nombre croissant de nouveaux lancements. La pharmacie n’est plus le pré carré des très grandes marques. La marque américaine CeraVe, rachetée en 2017 par L’Oréal et qui s’est très vite développée dans les rayons des pharmacies françaises, en est un bon exemple. On pensait que le circuit de la pharmacie était peu perméable, mais c’est en train de changer !

PM Comment la pharmacie peut-elle se démarquer sur le marché de la beauté ?

LD En pharmacie, les marques sont liées au conseil et à la caution du pharmacien. Elles doivent donc être très sérieuses sur les ingrédients et la formulation. Ce qui ne les empêche pas d’être aussi ultra créatives dans leurs packagings, ou leur communication. Les DNVB [Digital Native Vertical Brand, marques lancées uniquement sur Internet à leur création, NdlR], par exemple, cherchent de plus en plus de relais dans les points de vente physiques. C’est donc tout naturellement qu’on les retrouve de plus en plus en officines.

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PM Le made in France, le bio, le zéro déchet, la clean beauty, etc., vous y croyez ?

LD Évidemment. Je mettrais le made in France à part, car c’est un positionnement. En revanche, le bio, le zéro déchet, la clean beauty, etc., sont des prérequis nécessaires, surtout en pharmacie. Après, peut-on renoncer à certaines molécules efficaces sous prétexte d’être clean beauty ? Sur des produits généralistes, je pense que oui ! Sur des sérums, par exemple, qui exigent plus de technicité, ce n’est pas toujours si facile. Quant aux produits bio, ils ont bien souvent encore des qualités d’usage inférieures aux produits plus traditionnels.

PM Pouvez-vous aider un pharmacien qui souhaite développer son rayon cosmétique ?

LD Notre cabinet n’intervient pas au niveau du point de vente. Mais nous pouvons conseiller des groupements qui souhaitent se différencier de la concurrence en référençant des marques un peu spécifiques.

PM Le retail reste-t-il un secteur clé pour les marques de cosmétique ?

LD Oui, et ce pour n’importe quel circuit de distribution : l’hypermarché, la parfumerie haut de gamme, le sélectif, la pharmacie, les salons de coiffure ou d’esthétique, etc. Le retail permet l’expérientiel, le testing, le déploiement d’un univers de marque. En parallèle, le digital, qui est devenu un relais de croissance incontournable pour beaucoup de marques de cosmétique, apporte de la rapidité et de la praticité dans l’acte d’achat. La pharmacie doit davantage travailler l’achat plaisir sur les produits de beauté vendus dans le point de vente. Par exemple, en créant une zone avec les coups de cœur du pharmacien. C’est aussi l’occasion de mettre en avant de jeunes marques disponibles uniquement en ligne, qui répondent aux standards du circuit officinal.

PM Comment les marques de cosmétique ont-elles intégré la notion de conseil en ligne ?

LD Beaucoup d’entre elles ont des leaders d’opinion. Les grands laboratoires distribués en pharmacie ont trouvé un mode opératoire avec des pharmaciens et des dermatologues prodiguant des conseils en ligne aux internautes, qui fonctionne plutôt bien. Mais tout le monde n’a pas les moyens ni la force de frappe des grands groupes. Du coup, les petites marques privilégient davantage les réseaux sociaux.

BIO EXPRESS

1988-1989

DESS Affaires internationales, Business Development à l’université Paris Dauphine-PSL.

1988-1990

Chef de produit chez Air Liquide à Copenhague.

2000

Directeur général France de Garnier et Gemey-Maybelline.

2007

Directeur général France de la division des produits professionnels du groupe L’Oréal.

2017-2022

Directeur général de la zone Europe de l’Ouest pour la division des produits professionnels chez L’Oréal.