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La conscience, une affaire personnelle du titulaire

Publié le 25 novembre 2017 | modifié le 28 décembre 2024
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le pharmacien peut-il constituer son stock en fonction de ses convictions personnelles ? C’est à cette question que la chambre de discipline de l’Ordre des pharmaciens a dû répondre le 24 juillet dernier.

LES FAITS

Madame X. se présente à l’officine de Monsieur P. avec une ordonnance d’un médecin gynécologue lui prescrivant un stérilet. Monsieur P. lui indique qu’il ne détient aucun dispositif intra-utérin en stock. Il estime que le stérilet a un effet abortif et non contraceptif. Ce caractère abortif est contraire à ses opinions personnelles. C’est pourquoi, il ne référence pas de stérilet et de dispositif intra-utérin dans son officine. Il indique à Madame X. qu’elle peut obtenir sa prescription dans une pharmacie située dans une commune voisine.

LE DÉBAT

Monsieur P. estime qu’en qualité de pharmacien titulaire, il a la faculté de choisir les produits qu’il commercialise dans son officine, à condition que le patient puisse obtenir le produit dans un autre circuit de délivrance. L’article L5134-1 du code de la santé publique dispose qu’une patiente peut obtenir la délivrance d’un stérilet auprès des centres de planification ou d’éducation familiale. Il estime donc que le pharmacien d’officine ne dispose pas d’un monopole sur ce produit. Enfin, il souligne qu’en qualité de professionnel de santé, il dispose d’une clause de conscience lui permettant de refuser de délivrer des produits contraires à ses opinions religieuses ou morales, comme le prévoit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Le 11 février 2016, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens décide de sanctionner Monsieur P. Ses pairs estiment qu’il a violé l’obligation disciplinaire de conseil (article R4235-2) et les règles de l’acte de dispensation (article R4235-48). Ils rappellent à Monsieur P. que le dispositif intra-utérin dispose d’une autorisation de mise sur le marché en qualité de contraceptif, et qu’à ce titre, il devait le proposer à la vente. Il écope d’une interdiction temporaire d’une semaine. Un pourvoi est formé.

LA DÉCISION

Le 24 juillet 2017, la chambre de discipline de l’Ordre des pharmaciens refuse de réformer la décision d’interdiction d’une semaine. Les pairs de Monsieur P. rappellent fermement qu’un pharmacien ne saurait faire prévaloir et imposer ses convictions morales ou religieuses pour justifier le refus de détenir en stock et de vendre des dispositifs ou médicaments contraceptifs. Cette argumentation n’est que la reprise de l’arrêt rendu le 2 octobre 2011 par la Cour européenne des droits de l’homme. 

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  • Conseil national de l’Ordre des pharmaciens AD3952 (24 juillet 2017).