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Jusqu’ici tout va bien

Publié le 3 décembre 2022
Par Francois Pouzaud
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Comme le chiffre d’affaires, la marge brute de l’officine a performé en 2021, tant en valeur absolue qu’en pourcentage. La hausse de rémunération sur les missions covid-19 balaie l’impact négatif des médicaments chers sur le taux de marge.

Croisons les doigts. Jusqu’ici, « toutes les officines, quels que soient leur niveau de chiffre d’affaires (CA) et leur emplacement géographique, ont vu leur marge évoluer en valeur », glisse Joël Lecoeur, expert-comptable du cabinet LLA et président de CGP. Les tests antigéniques gonflent la marge des officines investies dans le dépistage du Covid-19. « Les tests antigéniques contribuent à hauteur des deux tiers de l’évolution en valeur de la marge brute globale », précise-t-il. En 2021, la marge brute globale a évolué de 8 % en moyenne, passant de 602 800 € en 2020 à 651 100 € en 2021. En l’absence de cette activité, « elle aurait progressé en valeur d’environ 20 000 € », complète l’expert-comptable. Dans les statistiques de Fiducial, « sa croissance est également exponentielle, allant de 517 000 € en 2020 à 565 000 € en 2021, soit une évolution de + 9,28 %, le taux de marge gagnant 0,79 point, puisqu’il était de 30,94 % en 2020 et de 31,73 % en 2021, alors que la tendance de ce ratio était baissière jusqu’à ce que 2021 arrive pour inverser celle-ci », remarque Philippe Becker, consultant pour le département pharmacie de Fiducial. Chez KPMG, la croissance est même à deux chiffres (+ 12,60 %). « La marge en valeur progresse beaucoup plus vite que le CA, les nouvelles missions liées au Covid-19 dopant cette évolution », rapporte Emmanuel Leroy, expert-comptable associé, leader national santé de KPMG.

De quoi alimenter un excédent brut d’exploitation (EBE) qui évolue significativement de 33?200 € à 279 100 € en moyenne (13,47 % du CA HT, source : CGP). « Hors tests, il aurait progressé d’environ 5 000 € », signale Joël Lecoeur.

Alors que la rentabilité des officines augmentait « bon an mal an » d’un peu plus que l’inflation depuis des années, « en 2021, elle a bondi de 22 %, et alors même que les frais de personnel ont augmenté de 6,51 % avec le recours au CDD, aux primes et heures supplémentaires, observe Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA. En 2022, toujours grâce aux tests de début d’année, elle devrait se maintenir. »

Une érosion préoccupante

Néanmoins, la baisse d’intensité des activités « Covid-19 » est palpable depuis l’été 2022. Dans un contexte de retour à la normale de l’activité, une question prédomine : l’assise financière des officines grâce à une trésorerie en hausse sera-t-elle en mesure de supporter l’augmentation de la masse salariale de manière durable ?

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En 2022, les effets érosifs des médicaments chers (toujours en forte croissance) sur le taux de marge semblent reprendre le dessus. « La baisse du taux de marge est assez spectaculaire, autour de 25 % », s’inquiète Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés. Cette érosion est d’autant plus préoccupante qu’elle représente une fragilité supplémentaire, d’abord pour les petites officines dont l’activité est traditionnellement fondée sur la délivrance d’ordonnances, mais aussi pour celles qui ont profité et profitent à plein de l’activité liée au Covid-19, face à un possible fléchissement de l’épidémie et à un nouveau rebond de l’inflation.

CONTRIBUTEURS

PHILIPPE BECKER

(Fiducial)

OLIVIER DELÉTOILLE

(AdequA)

JOËL LECOEUR

(CGP)

EMMANUEL LEROY

(KPMG)

MICHEL WATRELOS

(Conseils et Auditeurs Associés)

L’analyse

Rien que sur le premier trimestre 2022, la manne « Covid-19 » représente une rémunération pour l’officine de 924 M€ contre 208 M€ sur le premier trimestre 2021. Sur six mois, sa part reste importante dans la marge globale. Sa progression par rapport à 2021 est spectaculaire. Les honoraires contribuent à hauteur de 60 % de la marge sur le médicament remboursable et à près de 30 % de la marge brute globale, toutes activités confondues.

L’analyse

De 2000 à 2021, l’évolution du taux de marge brute a suivi une sinusoïde assez régulière (baisse de 2000 à 2007, remontée jusqu’en 2017 et rechute en 2018 jusqu’en 2020). Cette courbe se casse en 2021 et la tendance s’inverse de manière brutale. Il va sans dire que les missions et activités liées à la lutte contre la pandémie expliquent ce sursaut impressionnant, de 31,2 % en 2020 à 32,2 % en 2021 (+ 1 point).