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Holdings PréSELection

Publié le 13 février 2010
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Les décrets d’application de la loi Murcef – promulguée en 2001 ! – n’ont encore jamais paru, faute d’accord. Cette loi permettait la mise en oeuvre des holdings de pharmacies ou SPF-PL, sociétés de participation financière des professions libérales. Les ministères de la Santé et de l’Economie ont donné rendez-vous à la profession le 16 mars pour achever le projet de décret concerné à partir d’une proposition commune. L’Ordre, les trois syndicats et le Collectif des groupements se rencontreront donc le 18 février pour confronter leurs idées. L’enjeu est pluriel : maintenir le maillage territorial, redonner du souffle à l’économie officinale, faciliter la transmission et, qui sait, contrer l’ouverture du capital. Voici les projets de holdings que chacun défendra jeudi.

L’UNPF irait jusqu’à des participations dans 6 pharmacies

D’après le montage préconisé par l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), un pharmacien d’officine – titulaire ou adjoint – peut avoir des participations directes ou indirectes dans 6 pharmacies au maximum. Le syndicat n’a délibérément pas fixé le nombre d’officines qu’une SEL peut exploiter, se disant « ouvert sur le sujet ». Toutefois, il précise être « plutôt favorable à plusieurs officines ». L’UNPF indique également que « le point relatif à la détention des parts à titre majoritaire ou minoritaire dans les différentes sociétés reste à être discuté ».

L’USPO veut favoriser les jeunes

L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) pense qu’avec ce montage elle bloque toute participation croisée à 4 au maximum. « Cela évite également les chaînes dans lesquelles des pharmaciens peuvent investir dans des centaines d’officines. On ne pourrait alors plus empêcher l’arrivée des capitaux extérieurs », souligne Gilles Bonnefond, président délégué du syndicat. Avec un tel dispositif, il estime en outre répondre aux attentes de l’Europe. Et espère faire accéder les jeunes à la propriété : « Le ticket d’entrée s’est renchéri car les banques ont accru leurs exigences. Les aînés doivent jouer un rôle de passation plus souple et les SEL et SPF-PL le permettent beaucoup plus facilement. » Quant à l’intégration des adjoints au capital, « pourquoi pas ! » répond Gilles Bonnefond.

La FSPF plus restrictive

« A partir du moment où le ou les titulaires de l’officine sont majoritaires en capital et en droits de vote, je suis ouvert à toutes les constructions possibles », assure Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Le dispositif qu’il présentera demande par ailleurs de limiter le nombre de participations – directes uniquement – à 2 autres officines ou 2 autres SEL.

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Les succursales du CNGPO

Le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) propose, comme en Allemagne, qu’une SEL puisse détenir une pharmacie principale et trois pharmacies succursales. Ce système permettrait à un officinal d’être actionnaire dans un maximum de 6 pharmacies. Le capital sera réservé à la profession, « et nous souhaitons qu’une réflexion s’engage pour que nos confrères adjoints participent également », précise Pascal Louis, président du Collectif.

L’Ordre des pharmaciens se veut « consensuel »…

… et n’a donc pas prédéfini de montage. Seulement un principe : pas de capitaux extérieurs. Au-delà, Jean-Charles Tellier, président de la section A (titulaires), estime qu’il faut avant tout fixer un nombre maximal de participations directes ou indirectes pour l’officinal dans d’autres pharmacies. L’Ordre propose de le limiter à 6 mais se montre ouvert à la discussion. Le nombre de SEL dans lesquelles une SPF-PL peut détenir des parts est également « en discussion, mais nous pensons que nous pouvons aller au-delà d’une seule SEL ». Idem pour le nombre de pharmacies qu’une SEL peut exploiter. Rappelons que l’Ordre préconisait, en 2006, d’autoriser une SEL à exploiter 3 officines, ce qui reste aujourd’hui « une possibilité ». Enfin, l’Ordre souhaite ouvrir ces participations aux titulaires comme aux adjoints, voire aux pharmaciens anciennement inscrits, les retraités par exemple. « On peut craindre d’ouvrir la boîte de Pandore, mais il faut anticiper les choses pour ne pas les subir, déclare Jean-Charles Tellier. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour aboutir à un projet commun. Nous ne pouvons plus nous permettre de tergiverser, ayant déjà perdu beaucoup trop de temps. Nous le devons en outre à la profession. C’est notre ultime chance. »

Où en sont les biologistes ?

Les biologistes ont largement adopté le statut juridique de la SEL et sont donc autant concernés que les officinaux par le rapport Longuet et ses propositions sur l’ouverture du capital (voir Le Moniteur n° 2816). Au 1er janvier 2009, 2 619 sur 4 262 laboratoires de biologie médicale sont exploités par une SEL. Et l’on compte 1 214 SEL contre 661 en 2000. « Tant que les biologistes exerçant dans les laboratoires gardent la majorité du capital, cela nous convient, explique Jean Benoit, président du Syndicat des biologistes. Notre problème est la non-parution des décrets de la loi Murcef*. Aujourd’hui, des biologistes qui n’exercent pas dans les laboratoires peuvent en détenir des parts. C’est par cette brèche que se sont engouffrés des investisseurs comme Labco ou la Générale de santé. » Labco détiendrait ainsi environ 120 laboratoires en France. « Si les investisseurs extérieurs restent minoritaires, ils seront moins intéressés par l’acquisition de laboratoires », insiste Jean Benoit.

L’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale précise pour sa part que les professionnels de santé autorisés à prescrire des examens de biologie médicale, les fournisseurs, distributeurs et fabricants de dispositif médical ou de diagnostic in vitro sont exclus du capital de toute société exploitant des laboratoires de biologie médicale. Il en est de même pour les entreprises d’assurances et de capitalisation, et les organismes de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoire ou facultative. Une limitation qui est justement l’un des « verrous » proposés par Brigitte Longuet. Magali Clausener

* Des décrets spécifiques à chaque profession peuvent interdire la détention de parts à des catégories de personnes qui pourraient mettre en péril l’indépendance de ses membres