Financiarisation, maillage, monopole : l’Assurance maladie, meilleure alliée des pharmaciens ?

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Financiarisation, maillage, monopole : l’Assurance maladie, meilleure alliée des pharmaciens ?

Publié le 12 mars 2024
Par Magali Clausener
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Lors du débat du Moniteur des pharmacies consacré aux négociations conventionnelles actuelles, organisé le 9 mars 2024 lors du salon PharmagoraPlus, les sujets de la financiarisation et du maillage territorial ont été abordés. Pour l’Assurance maladie, il n’est pas question de laisser le réseau officinal aux mains de financiers ou de détricoter le maillage territorial.

Depuis plusieurs mois, les syndicats pharmaceutiques s’inquiètent des rumeurs de dérégulation du secteur et d’une éventuelle ouverture du capital des officines. Des sujets qui devaient évidement être abordés lors du débat « Rémunération officinale : un avenant conventionnel à l’économie », réunissant Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et l’organisation des soins de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et Lysa Da Silva, présidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf).

Une catastrophe pour la santé

Une certitude : confrontée au phénomène avec la biologie médicale, l’Assurance maladie n’est pas du tout favorable à la financiarisation du secteur de la santé. « On est en train de voir des tendances qui ne portent pas tellement sur l’entrée au capital, mais sur l’endettement avec des interventions de gros investisseurs. Le fait d’avoir des fonds qui viennent en appui des officines, ce n’est pas un problème en soi, a expliqué Marguerite Cazeneuve. Ce qui est extrêmement problématique pour nous, c’est d’avoir des acteurs qui rentrent et qui sont dans une logique de valorisation à court terme, c’est-à-dire qui achètent du capital pour pouvoir le revendre à deux ans, trois ans, quatre ans, en faisant une bascule financière. Pour le système de santé, c’est catastrophique. »

« Le risque c’est que le financier prenne le pas sur l’indépendance professionnelle. Le pharmacien doit rester maître du jeu dans sa pharmacie », a rebondi Pierre-Olivier Variot. Pour Marguerite Cazeneuve, il faut en fait arriver « à doser ce qui relève de l’investissement externe nécessaire, que ce soit par de l’endettement ou une entrée au capital, de ce qui relève d’une logique spéculative ou pas ». Et d’ajouter : « Ensuite, comment protège-t-on- et ça c’est impératif – l’indépendance des pharmaciens et l’indépendance des professionnels ».

Vers une ouverture du capital ?

Philippe Besset a ainsi rappelé que l’ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées « ne pose pas de difficulté pour la pharmacie d’officine parce qu’elle renvoie à un décret d’application profession par profession et que ce décret d’application pour l’officine va bien ». D’autant que « le deal » avec le ministère est qu’il n’y ait pas de modification du décret pour l’officine. Pour autant, « on peut modifier complètement la réglementation du capital et des liens de l’officine sans passer par le parlement, car c’est un décret qui protège le dispositif actuel », a souligné le président de la FSPF. Celui-ci, avec le président de l’USPO, est également inquiet des travaux entrepris par le député Marc Ferracci. En marge du débat, Philippe Besset a expliqué que le groupe de députés, emmené par Marc Ferracci, réfléchit à une loi Macron 2 sur les professions réglementées. « Est-ce qu’ils vont faire un mémo, un écrit pour inviter le gouvernement à réfléchir ou bien une proposition de loi ? On n’en sait rien », a-t-il confié.

« L’Assurance maladie, le ministère et la Direction de la sécurité sociale sont convaincus de l’importance du pharmacien d’officine et de la préservation du monopole. Il faut faire la preuve du modèle qui existe. Les pharmaciens ont des arguments pour défendre le monopole pharmaceutique car leurs missions ont évolué. Ce n’est pas juste du corporatisme. Ce sera différent dans les discussions qui vont avoir lieu », a commenté Marguerite Cazeneuve. Et d’affirmer : « Je le dis aux professionnels de santé libéraux : l’Assurance maladie est votre meilleure alliée ».

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Pas touche au maillage

Quant au maillage territorial, Marguerite Cazeneuve a été catégorique : « C’est absolument essentiel. Je pense qu’il n’y a pas de débat ». L’Assurance maladie est d’ailleurs prête à mettre la main à la poche pour préserver le maillage officinal « quel qu’en soit le coût » ou presque selon Marguerite Cazeneuve. « C’est non négociable, on ne laissera pas des officines fermer dans des zones désertifiées ; on a besoin de cette offre de soins. On mettra les moyens pour soutenir ces officines », a-t-elle insisté, sans toutefois confirmer l’aide envisagée par la Cnam de 20 000 € pour les officines en difficulté dans des territoires fragiles. « On calibrera les choses pour que le réseau officinal ne soit pas menacé », a-t-elle seulement glissé.