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ENCORE 20 MOIS POUR SE METTRE AUX NORMES

Publié le 21 septembre 2013
Par Marie Luginsland
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Le 1er janvier 2015, chaque officine, comme tous les établissements recevant du public (ERP), devra être accessible aux personnes à mobilité réduite. L’application de la loi requiert, dans tous les cas de figure, de remettre en question son espace.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (loi n° 2005-102) exprime le principe « d’accès à tout pour tous ». Toutes les entreprises recevant du public sont donc concernées par de nouvelles normes. Sont-elles facilement transposables ? Certaines oui, comme la création d’une place de stationnement réservée lorsque l’officine dispose d’un parking privé, la pose d’une tablette au comptoir ou encore la facilité de circulation entre les gondoles. L’application de la loi se corse lorsqu’il s’agit d’aménager le local d’orthopédie, la cabine réservée aux entretiens, les toilettes ou de faciliter l’accès extérieur. « Dans les centres-villes anciens, nombre d’officines sont accessibles par des marches. C’est un obstacle que l’on ne peut pas systématiquement surmonter par des plans inclinés en raison de l’étroitesse des trottoirs », arguë Jean-Pierre Demeyere, dirigeant de JCD Agencement.

Peu de titulaires réalisent spontanément des travaux

Si l’on voit parfois certains professionnels de santé résoudre ces casse-tête en transférant leur cabinet, l’opération peut être délicate pour l’officine. Et quand la configuration des lieux ne s’y prête pas, c’est le syndic de copropriété qui s’en mêle… Une situation à laquelle est confrontée une pharmacienne de Vincennes, freinée dans ses travaux d’aménagement. « A cause du syndic de mon immeuble, je dois envisager l’accès à mon local d’entretien thérapeutique par l’arrière de mon officine. » Les officinaux s’avouent donc souvent découragés par l’ampleur de la tâche. « Les normes sont contraignantes et souvent excessives. Nous avons l’impression que rien n’est fait pour préserver l’économie locale. »

A ce jour, rares sont les pharmaciens qui entament spontanément des travaux de mise en conformité. La plupart sont effectués lors d’une réhabilitation, d’un agencement ou d’un transfert. La création d’une cabine d’entretien pharmaceutique est alors souvent le biais idéal, pour les agenceurs et les architectes, de rappeler aux pharmaciens leurs futures obligations. « C’est la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité qui est chargée de donner un avis sur l’accessibilité des lieux », rappelle Bernard Deniel, directeur de Media6 Pharmacie. Il arrive qu’à l’issue d’une demande dérogatoire, les professionnels de l’agencement obtiennent l’aval de la commission. « Ce fut le cas pour un local d’orthopédie situé à l’étage d’une pharmacie pour lequel l’accès par ascenseur était impossible. Nous avons convaincu la commission que le pharmacien accompagnait son patient. Cela a été finalement accepté. »

Trouver des solutions in situ

Parmi leur clientèle, les titulaires ne dénombrent en général que trois à cinq patients en fauteuil roulant. Les installations qui leur sont adaptées ne doivent donc pas faire obstacle aux autres patients valides. Du reste, certaines personnes âgées préfèrent monter deux à trois marches plutôt qu’un plan incliné sans main courante. « Une pente supérieure à 5 % peut poser plus de problème qu’elle n’apporte d’amélioration », relève Jean-Pierre Demeyere. Pour permettre à ses patients handicapés de franchir la marche du seuil de leur officine, Anne Vène, titulaire à Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), a recouru à un plan inclinable en tôle d’acier laqué rétractable et amovible. Une solution proposée pour une échelle de prix allant de 1 500 à 3 000 euros. « C’est très pratique. Toute l’équipe a pris l’habitude de l’installer et de la démonter », précise Anne Vène.

En ce qui concerne la circulation entre les rayons, chaque officine doit trouver ses solutions in situ. L’agrandissement de la surface de vente peut aussi être l’occasion de sortir les toilettes du back-office. Samuel Le Pottier, titulaire à Bréal-sous-Montfort (Ille-et-Vilaine), a ainsi fait construire de nouvelles toilettes avec sanibroyeur. « Elles étaient auparavant situées dans le back-office et il fallait y accéder par des marches. Aujourd’hui, je peux me permettre d’y consacrer 2 mètres carrés, dans une officine de 150 mètres carrés au sol. Mais le pourrais-je si je n’avais que 100 mètres carrés »

Un retour sur investissement

Les titulaires qui ont rendu leur pharmacie plus accessible aux handicapés ne le regrettent pas. La plupart se félicitent d’avoir une officine plus ergonomique, plus facile à vivre. Par exemple, les plans inclinés font le bonheur des personnes munies de poussettes. Samuel Le Pottier note par ailleurs que les toilettes de son officine, située à côté d’un cabinet médical, sont régulièrement visitées par des familles avec des enfants en bas âge. « Il en résulte, au final, plus de confort pour l’ensemble des patients », affirme-t-il. En cinq ans d’installation, ce titulaire n’a d’ailleurs jamais eu la demande de l’usage des toilettes pour une personne handicapée.

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Et si les mises en conformité augmentaient l’image service de l’officine ? A tout le moins cela consolera les pharmaciens confrontés aux difficultés techniques et aux coûts de la nouvelle réglementation.

Quelles dérogations ?

La commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité (CCDSA) est chargée d’émettre un avis sur les demandes d’autorisation ou de dérogation. Elle procède aussi à la visite des ERP au regard des règles d’accessibilité aux personnes handicapées. C’est ensuite la mairie ou le préfet qui décide.

Trois motifs de dérogation sont prévus par la loi

• Impossibilité technique liée à l’environnement ou à la structure du bâtiment.

• Préservation du patrimoine architectural.

• Disproportion manifeste entre la mise en accessibilité et ses conséquences.

Sanctions

Le refus de délivrer une prestation, fourniture d’un bien ou d’un service du seul fait du handicap du patient est passible d’une amende maximale de 75 000 € et de 5 ans d’emprisonnement.

Le non-respect des obligations d’accessibilité (à l’échéance du 1/1/2015) est passible d’une amende de 45 000 € et de 6 mois d’emprisonnement en cas de récidive. Le recours pénal peut être engagé par toute personne et par toute association de personnes handicapées déclarée depuis au moins cinq ans.

7 ESPACES À AMÉNAGER

Le décret de la loi du 11/2/2005 liste les nouvelles normes pour rendre accessible les ERP (établissements recevant du public) aux personnes à mobilité réduite. Toute construction, création ou modification d’une officine doit être désormais en conformité avec ses dispositions.

1. L’accès

• Plan incliné de 5 % au maximum.

• Palier de repos en haut et en bas de chaque plan incliné et de part et d’autre de la porte automatique.

• Visualisation des portes vitrées entre 110 et 160 cm de hauteur et d’une largeur de 5 cm.

2. La dispensation

Une tablette de comptoir d’une dimension de 60 x 40 cm et à une hauteur de 70 à 80 cm.

3. Le local de matériel médical

Il doit être accessible et permettre l’essayage du matériel proposé.

4. La vente

• Le cheminement entre les rayons doit être d’une largeur minimum de 90 cm.

• La signalétique doit être adaptée, visible, lisible et compréhensible.

• Le contraste entre les couleurs doit être respecté.

5. Les toilettes

Elles doivent permettre une rotation sur 1,50 m (espace de manoeuvre) avec une largeur de porte de 90 cm au minimum.

6. La cabine d’entretien pharmaceutique

L’accessibilité doit répondre aux mêmes normes que les toilettes (rotation et porte).

7. Le service de garde

La sonnette et le guichet doivent être accessibles.