Economie : l’envolée artificielle du chiffre d’affaires

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Economie : l’envolée artificielle du chiffre d’affaires

Publié le 24 décembre 2024
Par Annabelle Alix
La flambée du chiffre d’affaires (CA) provoquée par les ventes des médicaments chers ne fléchit pas. Une donnée toutefois artificielle, tant elle ne reflète plus la santé des officines. La marge brute en valeur est désormais un meilleur outil de mesure.

Avec l’augmentation du poids des médicaments chers, le chiffre d’affaires (CA) des officines croît d’année en année. « Un phénomène observé en 2023, qui perdure en 2024 et se poursuivra en 2025 », assure Olivier Delétoille, expert-comptable chez AdéquA. « Nous avons été surpris par la part importante prise, dans les ventes, par les médicaments onéreux dont le prix fabricant hors taxes est supérieur à 1 930 € », confie Bertrand Cadillon, expert-comptable à la direction des relations extérieures et chargé du marché de la pharmacie chez Fiducial. Sur les 12 derniers mois, cette tranche de médicaments a représenté 5,6 milliards d’euros sur un CA total du réseau officinal qui s’est élevé à près de 46 milliards d’euros, selon les données du Gers Data. « L’augmentation du chiffre d’affaires généré par l’activité liée au médicament remboursable en 2023 était due au prix des médicaments chers, car, dans le même temps, les unités ont diminué, relève le cabinet KPMG. Cet effet prix est si marqué qu’il contrebalance même la substitution générique et les régulations, qui engendrent, depuis plusieurs années, un effet prix défavorable ». Selon le Gers Data, l’activité liée au remboursable progresse toujours en 2024, mais moins vite qu’en 2023 (+ 0,8 %). Elle représente 64 % du CA des officines. Parmi les causes de ce ralentissement, outre la baisse des prix liée aux régulations et à la perte de nombreux brevets, le Gers Data pointe aussi l’impact de « la sortie des produits de contraste, au 1er avril, qui induit une chute de 0,8 % du CA des officines ».

La marge brute en valeur, la juste mesure

Un CA en augmentation ne rime pas forcément avec marges en hausse. « 27 % de croissance du CA en quatre ans sur le réseau officinal, soit l’illusion d’une santé de fer », précise David Syr, directeur exécutif de Cegedim pharma et directeur général adjoint du Gers Data. En pratique, les médicaments chers font gonfler le CA, mais entraînent, dans le même temps, une chute du taux de marge, très faible sur ces produits, et même nul au-delà d’un prix fabricant hors taxes à 1 930 €. Le constat déjà opéré l’an dernier se renforce. « Le CA, qui servait, jusque-là, à estimer la valeur de l’officine, notamment pour fixer le prix de revente, devient un indicateur beaucoup moins pertinent », affirme Bertrand Cadillon. Plus le marché des médicaments chers et onéreux se développe à l’officine, plus la déconnexion entre taux de marge et CA s’opère.

La marge brute en valeur, quant à elle, progresse – bien qu’en proportions moindres – avec le développement de ce marché et l’augmentation du CA qui en découle. En 2023, elle connaît une baisse, mécanique, du fait de la disparition des activités liées au Covid-19 (- 6,5 %), selon le cabinet AdéquA. « Mais si l’on fait abstraction de ces dernières, elle est en hausse de 2,4 % », relève Olivier Delétoille. Si bien que les experts-comptables s’accordent à penser que la marge brute en valeur est désormais la bonne mesure de performance d’une officine.

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