Décarbonation pharmaceutique : va-t-elle faire grimper le prix des médicaments ?

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Décarbonation pharmaceutique : va-t-elle faire grimper le prix des médicaments ?

Publié le 19 mars 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Selon une récente étude d'Iqvia présentée le 18 mars 2025, la question de l'impact de la décarbonation sur le prix des médicaments se pose avec acuité. Alors que la Direction générale des entreprises met en place une méthode d'évaluation de l'empreinte carbone des médicaments, des interrogations émergent sur les conséquences financières pour les patients et le système de santé.

« Le changement climatique touche tout, y compris le système de soins. Le pouvoir politique s’est naturellement emparé de cet enjeu », a souligné Delphine Houzelot, senior principal market access chez Iqvia, lors de cette présentation.

La grande question : qui paiera pour la transition écologique ?

La question centrale que pose cette étude est claire : les efforts de décarbonation vont-ils entraîner une hausse des prix des médicaments ? Delphine Houzelot a directement abordé ce point épineux : « Un médicament doté d’une meilleure empreinte carbone va-t-il devoir être payé plus cher ? Aujourd’hui, cette notion ne rentre pas dans les règles de fixation des prix des médicaments. Le seul critère pris en compte concerne l’amélioration clinique et non une amélioration écologique. »

Au cœur de cette réflexion se dessine un paradoxe : comment valoriser financièrement un process vertueux qui, bien qu’essentiel pour la pérennité planétaire, demeure invisible dans l’équation thérapeutique ?

Un calcul d’empreinte carbone sans impact immédiat sur les prix

La Direction générale des entreprises a mis en place une méthode d’évaluation précise de l’empreinte carbone des médicaments. « C’est un document extrêmement important d’une centaine de pages. Il permet aux industriels de calculer l’empreinte carbone de chacune de ces thérapeutiques », a expliqué Delphine Houzelot.

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Pour l’instant, les experts d’Iqvia sont formels : cette évaluation n’a pas d’incidence directe sur la tarification. « Les critères de fixation des prix des médicaments ne tiennent pas compte de l’empreinte carbone », a précisé Delphine Houzelot. Et d’ajouter : « La loi de finances 2025 n’impose rien mais l’évolution pourrait être rapide. D’ici 2026-2027 la donne pourrait être tout autre. »

Production locale : un premier pas vers la valorisation environnementale ?

Si l’empreinte carbone n’est pas encore un critère officiel de tarification, la LFSS 2025 introduit pourtant une évolution significative : le critère industriel, autrefois optionnel dans les négociations de prix, devient désormais obligatoire. « Ce critère existait mais il était optionnel. Aujourd’hui, via la loi de finances, normalement il va devenir obligatoire, c’est-à-dire que le Comité économique des produits de santé (CEPS) va devoir tenir compte dans le cadre de la négociation de prix des implantations des sites de production », a précisé Delphine Houzelot.

Cette disposition, bien que subtile, marque une première reconnaissance officielle de l’importance de la fabrication locale. Selon l’experte d’Iqvia, l’approche présente un double avantage : faciliter l’accès aux médicaments sur le territoire national tout en réduisant l’empreinte carbone liée au transport international.

Un contexte de contraintes budgétaires qui complique l’équation

Cette réflexion sur la valorisation des efforts environnementaux intervient néanmoins dans un contexte budgétaire tendu. Delphine Houzelot a rappelé « le milliard d’euros de baisse de prix attendu ».

Un dilemme entre impératifs écologiques et maîtrise des coûts

Si le secteur pharmaceutique doit désormais adapter ses pratiques au changement climatique, cette adaption risque d’entraîner des pertes économiques et humaines importantes. Il doit aussi faire face à des contraintes budgétaires et des règles actuelles de tarification ne valorisant pas, à ce stade, financièrement les efforts écologiques.

Une évolution probable mais incertaine

Dès lors, une question s’impose alors avec force : faut-il faire payer au patient, à travers le prix des médicaments, le coût de la transition écologique ? Ou cette responsabilité incombe-t-elle à l’industrie elle-même, comme un investissement nécessaire dans sa propre pérennité ? Entre ces deux pôles se joue peut-être un nouveau contrat social où la valeur d’un médicament ne se mesurerait plus uniquement à son efficacité, mais aussi à son empreinte sur le monde.

Changement climatique et maladies émergentes

Selon l’étude d’Iqvia, le réchauffement climatique modifie la carte des maladies infectieuses. Delphine Houzelot alerte sur « une évolution des maladies, une modification des vecteurs de transfert des maladies, une augmentation du paludisme, de la dengue, du chikungunya, avec aussi des modifications de leur implantation et de leur localisation, puisqu’on voit arriver maintenant, y compris en Europe, certains moustiques porteurs de ces pathologies ». Cette évolution représente un double défi : faire face à ces nouvelles pathologies tout en gérant les « perturbations des chaînes d’approvisionnement » et « tous les systèmes d’approvisionnement lors d’événements climatiques graves » qui seront « aussi touchés ».