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Consommer sans abus… de biens sociaux
Le cas : Comme beaucoup d’officinaux, Jean-Luc P. a cru préférable d’exploiter son affaire, non pas en nom personnel, mais d’utiliser le cadre d’une EURL dont il est le gérant et l’associé unique. Son épouse le quitte. Il ne l’admet pas, la harcèle et, rongé par une curiosité morbide, la fait surveiller et suivre par un détective privé. Jusque-là, rien d’anormal, ce sont des choses qui peuvent arriver à tout un chacun.
Hélas !, le détective est payé avec le chéquier de l’entreprise. L’épouse, excédée, porte plainte. Notre chef d’entreprise se retrouve condamné du chef d’abus de biens sociaux par la cour d’appel de Pau à dix-huit mois d’emprisonnement et à 15 000 francs d’amende, outre des dommages et intérêts à son épouse. La chambre criminelle de la Cour de cassation confirme la décision en ce qui concerne le grief d’abus de biens sociaux.
Confondre la caisse de l’entreprise individuelle et celle de l’entrepreneur (celle de l’officine et celle du titulaire en ce qui nous concerne) n’est peut-être pas le signe d’une bonne gestion, et peut avoir des conséquences fiscales, mais ce n’est pas un délit pénal passible de peine d’amende et d’emprisonnement*.
Mais lorsque la décision a été prise de créer une société, fût-ce une EURL, une telle confusion n’est plus possible. Elle est rigoureusement prohibée. L’usage d’un bien de la nouvelle personne morale à des fins personnelles suffit à constituer l’infraction d’abus de biens. Ce peut être, par exemple, l’utilisation d’une voiture, l’emploi d’une femme de ménage, le salaire fictif d’un enfant.
Le délit d’abus de biens, tel que défini par la loi du 24 juillet 1966, vise toutes les sociétés de capitaux. Peu importe que l’objet de ces sociétés soit civil, comme dans le cas des sociétés d’exercice libéral. Elles sont également concernées. Dirigeants de SARL, EURL, SELARL, EULARL, SELAFA, SELCA et SELAS, si vous êtes jaloux, ou si vous êtes dans l’obligation d’utiliser un détective pour surveiller votre épouse (ou votre maîtresse), utilisez votre chéquier personnel !
* Art. L. 241-3 et L. 242-6 du Code de commerce.
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