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COMMENT RECENTRER SON OFFRE

Publié le 3 mars 2012
Par Marie Luginsland
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Un transfert, des travaux ou la volonté d’optimiser le rayon parapharmacie amènent fréquemment les pharmaciens à faire le grand ménage dans leurs descentes et gondoles de produits. Quels sont les bénéfices de ce toilettage ? Comment s’y prendre ? Paroles de spécialistes et de pharmaciens.

Recentrer son offre, c’est avant tout positionner son officine. « Au lieu de disperser ses achats sur un trop grand nombre de gammes, le pharmacien doit se concentrer sur des marques prioritaires. En repensant son offre, il peut gagner de la place, proposer des prix attractifs et préserver sa trésorerie », conseille Joëlle Hermouet, consultante et formatrice en merchandising et stratégie commerciale (Forma Plus).

Alléger un stock coûteux pour gagner en trésorerie

Le recentrage de l’offre de parapharmacie, parmi les 3 800 référencements qui existent, est un outil de gestion pour l’officine. Car les produits dits « incontournables » peuvent sommeiller au bas d’une descente et immobiliser le stock de l’officine. « Si le stock de médicaments remboursés se renouvelle tous les quinze jours et celui des médicaments conseil tous les 45 jours, celui des produits de parapharmacie reste, en moyenne, six mois en rayon. Il était important de déterminer s’ils méritaient cette immobilisation », raconte Vincent Dumenil, titulaire à Pont-de-Chéruy (Isère), qui vient de réagencer son rayon parapharmacie.

Pour Philippe Levy, consultant et président de Neopharma, cabinet conseil en pharmacie, « les pharmaciens ont pendant trop longtemps géré leur stock en fonction de volumes générateurs de remises. Or, si les ventes ne suivent pas, l’importance des stocks engendrera des problèmes de trésorerie inévitables ». Il n’est pas rare, selon lui, que les pharmacies entrent dans cette « spirale infernale du “volume contre remise” ». Mieux vaut enrayer cet engrenage en élaguant ses rayons. « Il est fréquent que, dans la même pharmacie, la marge dégagée par 300 références en médication familiale soit équivalente, voire supérieure, à celle de l’ensemble des gammes de dermocosmétique », note Joëlle Hermouet. Pour la consultante, le libre accès offre une opportunité de développement du rayon de médication familiale, imposant de repenser l’agencement de la parapharmacie : « Le pharmacien va devoir faire des choix : quelle place accorder à la médication familiale ? où l’implanter ? quel rayon faudra-t-il réduire pour lui consacrer plus de place ? »

S’interrogeant sur son espace en libre accès, Vincent Dumenil reconnaît : « J’aurais pu conserver toutes les gammes, mais j’ai souhaité réserver plus de place aux produits d’hygiène, très recherchés par nos patients. Pour faire concurrence aux grandes et moyennes surfaces, j’ai notamment développé un rayon buccodentaire et élargi, sur trois linéaires d’un mètre chacun, le rayon de laits infantiles à cinq marques au lieu de trois afin de développer les prix d’appel. De même, je consacre aux compléments alimentaires trois linéaires et deux gondoles aux produits de micronutrition. »

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Trier et faire une étude de rentabilité

La suppression de certains linéaires n’infléchit pas systématiquement les ventes. « Le pharmacien peut réaliser une étude de rentabilité de chaque gamme au sein des différents rayons de parapharmacie », recommande Joëlle Hermouet. Chiffre d’affaires, marge brute, tendances du marché…, tous les éléments doivent être passés au crible. « Je me suis appuyé sur les études de marché de la société IMS pour connaître l’évolution des segments de marché des produits, mais aussi sur des chiffres de l’INSEE pour mieux connaître ma clientèle », se souvient un pharmacien. Philippe Levy recommande de ne pas avoir d’états d’âme pour sacrifier une référence : « La durée de vie d’un produit se réduit de plus en plus. Il faut donner une “chance” de trois mois à un produit et, à l’issue de ce délai, le brader car tout produit qui dort coûte 2,5 % de son prix chaque mois en raison de l’immobilisation des stocks. » Adepte de la rotation, Philippe Levy préconise de sortir un tiers des marques chaque année.

Vincent Dumenil a défini une politique de gamme avec l’aide d’une consultante externe pour « réduire ou abandonner certaines gammes (notamment le bio qui n’a jamais marché) dont les rotations étaient trop faibles ». Le titulaire n’a pas hésité à opérer des coupes, y compris parmi les marques les plus réputées : « Nous avons réduit les mises en avant sur des gammes surexposées. Ainsi, les marques Avène et La Roche-Posay font l’objet d’une seule descente, au lieu de deux, mais sur une plus grande largeur. Nous avons aussi constaté que certaines gammes n’étaient pas assez exploitées et nous avons travaillé les prix sur les produits leaders. »

Des choix doivent donc s’imposer au sein même des gammes. Certaines, stables, seront conservées pour permettre aux clients de garder leurs repères. Cependant, au sein de gammes jugées incontournables, il existe des produits similaires. « Pour une pharmacie moyenne, je préconise une quinzaine de gammes au maximum, mais faut-il pour autant quinze descentes ?», s’interroge Philippe Levy. Le consultant propose de dédoubler les produits qui se vendent bien dans la descente de la marque d’une part, et dans les rayons thématiques comme l’hydratation d’autre part. Afficher des pictogrammes dans l’espace de vente achèvera de donner de la cohérence à cette démarche.

Se mettre régulièrement en question

Relooké, le rayon de parapharmacie ne reposera jamais en paix. Il doit faire l’objet d’un examen approfondi, chaque année, afin d’en analyser les ventes. Joëlle Hermouet estime qu’il faut allouer une semaine par an à cette redéfinition rationnelle de l’assortiment et de l’organisation de l’espace. « Cela nécessite des chiffres de vente analysés afin de décider d’une nouvelle implantation », conseille la consultante.

Tous ces efforts sont le plus souvent récompensés par une nette progression du chiffre d’affaires. Ainsi, après l’élagage des marques inutiles, Vincent Dumenil a augmenté la fréquentation de ses rayons de parapharmacie de 25 % en un an, alors que la croissance du CA de la parapharmacie affiche une progression à deux chiffres. Le nouveau merchandising et les nouvelles offres redynamisent aussi l’équipe. Formés, les collaborateurs ont le plaisir de s’impliquer dans la vente des produits sélectionnés par l’officine.

Quant au produit que l’officine n’a plus en rayon, il lui suffit de le commander à son grossiste, si le client le souhaite.

TÉMOIGNAGE

« J’ai une clientèle jeune que je ne ciblais pas avant »

PHILIPPE FARRERO, TITULAIRE À BRETTEVILLE-SUR-ODON (CALVADOS)

Philippe Farrero a profité d’un transfert pour tripler sa zone de libre accès et recentrer son offre de parapharmacie. Pour mieux connaître sa zone de chalandise et le profil de sa clientèle potentielle, il a mené une étude de géomarketing. Les résultats lui ont permis d’ajuster ses gammes. « J’ai une clientèle jeune que je ne ciblais pas avant. J’ai donc élargi mes gammes bébé et junior à l’intention des jeunes mamans », explique Philippe Farrero. Il a également entrepris de proposer à sa clientèle senior une offre plus diversifiée. « Certes, je la voyais tous les mois lors du renouvellement du traitement, mais je n’avais pas forcément pris en compte l’objectif que constitue le conseil associé. Désormais, je lui réserve des linéaires en compléments alimentaires et patchs antidouleurs, pour l’arthrose par exemple. » Philippe Ferrero a implanté, au total, six nouvelles gammes. Parallèlement, le titulaire s’appuie sur un consultant pour trier ses gammes, produit par produit. « N’importe quel logiciel peut me donner la marge que je dégage mais, seul, j’aurais hésité à supprimer des gammes de forte notoriété. J’ai pu enlever trois gammes qui prenaient la place de trois descentes. »