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COMMENT DEVENIR UN PRO DE LA GESTION
Face aux évolutions de l’officine, la formation initiale scientifique ne suffit plus. Pour gérer une pharmacie, il faut savoir construire un tableau de bord, établir un budget prévisionnel, calculer le panier moyen ou les produits les plus performants. Le passage par une formation diplômante, comme un MBA ou un master, représente alors le nec plus ultra pour devenir un modèle de pharmacien gestionnaire. Qu’offrent-elles ? Combien coûtent-elles ? Revue de détail.
Au monde des molécules, les étudiants en pharmacie doivent nécessairement additionner, aujourd’hui, des modules en comptabilité, gestion, finances, marketing et management. « Les étudiants constataient que leurs études étaient essentiellement scientifiques. Ils ne découvraient le volet gestion de leur métier qu’une fois dans la vie active », tient à préciser Olivier Bourdon, le responsable du diplôme interuniversitaire entre Paris-V et Paris-XI sur la gestion entrepreneuriale de l’officine, créé il y a cinq ans. Avant de suivre un MBA à l’école de management de Strasbourg, Sabine Zenglein, pharmacienne, ne savait pas faire un tableau de bord. Un an plus tard, elle est devenue incollable sur les ratios à utiliser pour doper la performance de son officine, la lecture d’un bilan comptable ou la réalisation d’un plan prévisionnel à cinq ans. A raison de trois jours de cours par semaine, le rythme est dense. « C’est un rythme qui permet de bien s’approprier les enseignements et de prendre de la hauteur », apprécie-t-elle. Seule ombre au tableau ? La difficulté à se faire remplacer. Heureusement, la pharmacienne a pu compter sur son adjointe tout au long de son cursus.
Une remise à niveau nécessaire
Si les étudiants sont souvent les premiers destinataires de ces formations en gestion, elles attirent aussi des adjoints porteurs d’un projet de rachat, des pharmaciens entre deux installations ou encore des titulaires soucieux d’optimiser le mode de fonctionnement de leur officine. « Les profils des pharmaciens intéressés par ces formations en gestion sont très variés, relève Céline Demougeot, responsable du diplôme universitaire (DU) « Gestion et économie de l’officine » à l’université de Franche-Comté. Il y a ceux qui ont déjà une idée derrière la tête et ont déjà pris des contacts pour leur projet d’installation et les pharmaciens qui veulent d’abord connaître les points critiques de l’installation, avant de préparer leur projet. » C’est pourquoi ces diplômes universitaires (DU) destinés aux pharmaciens d’officine se multiplient et se comptent aujourd’hui – au moins – sur les dix doigts de la main. Par exemple, à l’université Claude-Bernard de Lyon, un DU spécifique aux pharmaciens et aux étudiants de sixième année vient de voir le jour, baptisé « Gestion entrepreneuriale et gestion de l’officine ». A l’université d’Aix-Marseille, le DU « Management et développement de l’officine », qui s’adressait initialement aux étudiants de cinquième année, s’ouvre maintenant aux pharmaciens en exercice. « Ce sont des pharmaciens en attente d’embauche et des titulaires souhaitant se remettre à niveau. Condensé sur un mois, ce cursus leur permet de s’absenter pour une période définie et de se faire remplacer. Ce DU permet aussi à des pharmaciens de l’industrie de revenir vers l’officine », note Frédérique Grimaldi, responsable de la formation.
Des formations axées sur le terrain
En dépit de leurs statuts différents, ces formations se rejoignent sur leur contenu, centré sur les fondamentaux de la gestion : comptabilité, finance, marketing, management opérationnel et stratégique, gestion des équipes… Une formation complète qui permet d’avoir une vision transversale de l’entreprise. La plupart d’entre elles gardent un lien très étroit avec le terrain. En effet, les enseignements sont dispensés par des praticiens, comme des experts comptables, juristes, directeurs de ressources humaines, responsables de groupements… L’objectif ? Former des entrepreneurs aguerris. Ainsi, la mission affichée du master d’HEC entrepreneurs, qui n’est pas spécifique à l’officine, n’est pas seulement « de se former à des compétences, il faut également avoir de l’appétence pour l’entreprise », précise Gervais Johanet, directeur adjoint d’HEC Entrepreneurs. C’est pourquoi cette formation repose sur des cas réels de création, redressement et reprise d’entreprise, analysés par les étudiants par groupe de trois. Ils passeront aussi plus de 400 heures sur le terrain à la résolution de ce cas d’entreprise en allant voir des administrateurs judiciaires, juges, dirigeants d’entreprise, syndicats…
Au-delà de cas d’entreprise, ces formations permettent aux officinaux, souvent absorbés par la vie quotidienne de leur officine, de prendre du recul sur leur pratique professionnelle. « Nous les amenons, grâce à des études de cas pratiques, à analyser la jurisprudence, à savoir lire un arrêté de cour d’appel ou une lettre d’avocat, à savoir travailler avec un comptable, dans le but de poser les bonnes questions et d’être critique », promet Olivier Bourdon. Le formateur constate d’ailleurs, à chaque fois, que « les pharmaciens profitent de la formation pour effectuer une expertise de leur situation, qu’ils analysent avec le regard des autres. »
En effet, quelle que soit la formation, l’officine et le projet professionnel de l’étudiant sont placés au cœur de l’enseignement. C’est par exemple l’objectif du DU de gestion entrepreneuriale et de l’officine qui vient de s’ouvrir à Lyon, à l’université Claude-Bernard. Les enseignements d’économie générale de l’entreprise, d’optimisation financière et fiscale de l’officine, de management des équipes officinales et de marketing officinal, dispensés par des universitaires et des praticiens, sont orientées résolument sur la pratique professionnelle. Comme le précise Valérie Sinaryan, responsable du DU, « le mémoire de fin d’année doit être fondé sur le projet professionnel du stagiaire ». La pertinence de ce projet constitue d’ailleurs le principal critère de sélection des candidats.
Des échanges entre anciens étudiants
Le MBA constitue le niveau le plus élevé, sélectif et coûteux des formations en gestion et management. En France, seuls deux MBA sont proposés aux pharmaciens. C’est le cas, par exemple, de l’Executive MBA de l’école supérieure de commerce de Montpellier, intitulé « International Health Marketing », dont l’objectif affiché est de donner des outils pour développer l’officine et la rentabiliser en définissant une stratégie de financement, de marketing et de distribution. « Les étudiants cherchent à être accompagnés dans leur projet d’entreprise », précise Catherine Marlier, responsable de la formation.
Les pharmaciens d’officine qui ont suivi ces formations au long cours ne le regrettent pas. Après son EMBA suivi à Strasbourg, Clémence Jacques a vu son chiffre d’affaires suivre une jolie courbe de progression. « Je gère mon officine différemment et je manage de façon plus participative en impliquant davantage mes collaborateurs », raconte la pharmacienne. Et elle n’hésite plus aujourd’hui à engager des travaux, dont le montage financier l’effrayait auparavant. Autre effet collatéral positif : les étudiants continuent d’échanger sur leurs pratiques professionnelles. A l’EMBA de l’Ecole de management de Strasbourg, un forum a même été créé pour favoriser l’échange entre les anciens étudiants. Et faire perdurer cette émulation pendant de longs mois.
DIDIER MAAREK,
TITULAIRE À BOULOGNE (HAUTS-DE-SEINE), A SUIVI LE MBA DE STRASBOURG« 30 % de progression pour mon groupement »
Le montage d’un business plan n’a désormais plus de secrets pour lui. Depuis qu’il avait quitté les bancs de la faculté de pharmacie, Didier Maarek rêvait de suivre un MBA. A l’Ecole de management de Strasbourg, il a suivi cette formation de troisième cycle afin de définir une stratégie d’entreprise pour son officine et son groupement, Pharmadom. Celui-ci a vu son chiffre d’affaires s’envoler de 30 % grâce aux méthodes de gestion apprises lors de l’executive MBA. Pour son officine, les progrès concrets sont encore timides. « Sur une officine mature, les conséquences sont moins rapides », confesse-t-il.
Lexique
MBA
Le Master of business administration (MBA), né aux Etats-Unis, est un diplôme international d’études supérieures du plus haut niveau dans le domaine de la gestion et du management des entreprises. Il est articulé autour de plusieurs thèmes, comme l’économie, le marketing, la comptabilité, l’organisation, le management… En France, il dure entre neuf et seize mois. Cette formation de haut niveau était, à l’origine, destinée aux cadres pour booster une carrière.
DU
Le diplôme universitaire (DU) est un diplôme d’université. Il correspond à un domaine restreint. La plupart des DU durent de un à trois mois, le cursus pouvant être étalé sur les week-ends ou une partie de la semaine pendant deux ou trois ans.
MASTER
C’est un diplôme national et un grade de l’enseignement supérieur, validant la cinquième année d’études après le baccalauréat. Il est délivré par de nombreuses formations de l’enseignement supérieur, comme les écoles de commerce ou les universités.
PHILIPPE PASDELOUP,
TITULAIRE À BOURGES (CHER), A SUIVI LE MASTER DE LA RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE, À LIMOGES« J’ai amélioré mes techniques de vente »
« Grâce à cette formation, j’ai pu mieux comprendre le métier de la répartition, et, par voie de conséquence, mieux choisir mes partenaires », raconte Philippe Pasdeloup, installé à Bourges. Le jeune titulaire, adhérent d’Alphega, est un cas d’exception car ce diplôme n’est pas destiné à la formation d’officinaux. Peu importe : ce master lui a permis de se doter de compétences supplémentaires, comme une meilleure politique d’achat et des techniques de vente plus performantes.
Financement : la répartition mise sur la formation
Le FIF-PL, le Fonds interprofessionnel de formation des professions libérales, dont relèvent les pharmaciens titulaires, et l’OPCA-PL, compétent pour les salariés des pharmacies d’officine, sont les organismes collecteurs chargés des plans de formation et des DIF (Droit individuel à la formation). Ces organismes interviennent le plus souvent pour des formations courtes, au vu des budgets alloués. Pour le titulaire souhaitant suivre une formation plus longue – master ou MBA – d’autres solutions existent. Il peut passer les frais de formation en frais généraux, demander un prêt bancaire – des prêts à taux zéro existent pour ces formations comme pour celle d’HEC – ou même en parler à son répartiteur. L’OCP soutient, en effet, les titulaires qui souhaitent suivre un EMBA. Le répartiteur finance, chaque année, à hauteur de 25 %, les frais d’inscriptions de cinq titulaires. Mieux : dans l’EMBA à Strasbourg, le répartiteur a même un rôle actif : « Dans le cursus, nous intervenons sur le géomarketing et le marketing stratégique de l’officine. »
MARIE-FRANCE ROSSIGNOL,
TITULAIRE À ILLKIRCH (BAS-RHIN), A SUIVI LE MBA DE STRASBOURG« Je commande mieux et plus juste »
« Négociation, merchandising… J’en ai pris plein la figure », avoue Marie-France Rossignol, titulaire installée avec son mari à Illkirch, dans la banlieue de Strasbourg, depuis douze ans. La pharmacienne a appris très vite qu’elle devait valoriser ses points forts, notamment l’éducation thérapeutique. Le MBA l’a également aidée à être une meilleure commerçante. Ce regard extérieur sur son officine lui a permis d’opérer un recentrage en profondeur. Résultat : la titulaire a changé de répartiteur et son chiffre d’affaires affiche une progression à deux chiffres. « Je commande mieux et plus juste », constate Marie-France Rossignol, qui a également revu son référencement. Du côté de l’équipe, la formation a permis à chacun de « renforcer son secteur de compétences à l’officine », raconte la titulaire, qui s’apprête à installer une deuxième cabine de confidentialité dans son officine.
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