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CHERCHENT L’ÉQUILIBRE
CRISE SANITAIRE AIDANT, LES GROUPEMENTS VONT-ILS SE METTRE MASSIVEMENT AUX SERVICES AU PATIENT ? À EN CROIRE LE PEU D’ENTHOUSIASME DES ADHÉRENTS, L’OFFRE MANQUE ENCORE D’ATTRACTIVITÉ. EN CONSÉQUENCE, LES RÉSEAUX INVESTISSENT POUR RÉINVENTER LEUR MODÈLE ÉCONOMIQUE… ET CONVAINCRE LES TITULAIRES.
Bien avant la pandémie du Covid-19, l’évolution de la rémunération du pharmacien d’officine vers les honoraires avait déjà donné toute légitimité aux groupements d’accompagner leurs adhérents vers de nouvelles missions. « Un groupement a la capacité de mutualiser ses moyens pour apporter, par exemple, la téléconsultation, la livraison à domicile… Et qui mieux que lui peut apporter un service au patient via une interprofessionnalité numérique, pour laquelle les pharmaciens d’officine toucheront des rémunérations sur objectifs de santé publique (Rosp) ? Si des solutions existent déjà, elles ne sont pas encore assez ancrées dans les mœurs », constate Alain Grollaud, président de la Chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie (Federgy).
Le boom des services numériques
L’année 2020 a fait évoluer les mentalités. « Avant de nous rejoindre, les titulaires nous interrogent toujours sur les conditions commerciales. Aujourd’hui, ils nous demandent en plus quels services nous proposons, par exemple quels sont les outils digitaux pour la gestion de l’officine et à destination des patients. Et depuis peu, on nous interroge même sur la prise de rendez-vous en ligne », observe Laurence Dubois, directrice marketing et services de PharmaVie (Phoenix Pharma). Avec les nouvelles règles sanitaires, ces services digitaux sont perçus comme nécessaires par les titulaires. Mais est-ce suffisant pour rendre un réseau attractif ? « Pour un groupement, c’est important de proposer un site internet, une application, un système de prise de rendez-vous en ligne, y compris pour déclencher automatiquement un second rendez-vous… Mais ce n’est pas ce qui motivera un pharmacien à rejoindre tel ou tel autre réseau. Le service est un enjeu à partir du moment où il est différenciant et apporte une rentabilité économique à la pharmacie », avertit d’emblée Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO).
Premier objectif : convaincre les adhérents
« En France, il n’y a que 780 pharmacies qui disposent d’un site marchand. Chez I-Pharm, cela fait déjà plus de cinq ans que nos pharmacies sont connectées. L’année dernière, avec l’explosion des ventes sur Internet, nous avons communiqué, trois mois durant, sur la pharmacie digitale. Un plan de communication qui a fait évoluer la perception de nos adhérents, ainsi que celle de nos prospects, sur les services digitaux à proposer en pharmacie », affirme Philippe Viratelle, directeur des opérations au sein du groupement. Afin d’éviter un manque d’adhésion des titulaires et pour créer la préférence des patients, Univers Pharmacie, initialement centré sur les prix bas, s’est structuré avec méthode. D’abord, le groupement a créé des services selon trois critères : « Avoir un sens métier, répondre à un vrai besoin et être intuitif pour qu’ils ne prennent pas trop de temps aux équipes », détaille son président Daniel Buchinger. Ainsi, plusieurs initiatives sont nées : un système automatisé d’étiquette à poser sur les boîtes de médicament (avec le nom du patient, du princeps, de la posologie, pour que la personne se repère), une solution de suivi des ordonnances (pour avertir le patient lorsqu’un renouvellement approche), ainsi qu’un service de télésoin, notamment utilisé pour les bilans partagés de médication (BPM). Ensuite, Univers Pharmacie s’est donné les moyens de convaincre. Il fait appel à des coachs qui, chaque mois, rendent visite aux adhérents dans le but de « créer l’usage des services », explique Daniel Buchinger. Autrement dit : faire en sorte que les services soient compris, mis en place et utilisés. Ou comment générer des habitudes.
Et un, et deux et trois cabines !
Les services au patient nécessitent des ajustements dans l’organisation et le groupement accompagne les officines en ce sens. « On assiste à un vrai développement de ces services, qui s’accélère avec la crise sanitaire. Ce qui implique d’adapter les équipes, les plannings, les espaces de vente… De plus, beaucoup de domaines sont concernés – au-delà des entretiens pharmaceutiques -, qui touchent désormais toute la population et non une seule pathologie. C’est le cas pour la télémédecine, les vaccins et les tests Covid-19…, observe Alexandre Aunis, directeur marketing de Boticinal. Ainsi, nos réflexions s’orientent non par vers un ou deux espaces de confidentialité, mais davantage. » La même direction est prise dans le Groupe Laf Santé. « Avant, nous avions ce que j’appelle le “studio Ikea”, où on pouvait tout faire : les entretiens, les essayages… Aujourd’hui, on tend plus vers deux ou trois cabines », explique son président Hervé Jouves. Et d’indiquer, à titre d’exemple, que le prochain transfert de l’officine Lafayette de Brive-la-Gaillarde (Corrèze) bénéficiera de « plusieurs pièces, pour les entretiens, la téléconsultation, etc., et même d’un espace pour y réunir des patients et parler d’une thématique ». Objectif : faire en sorte que, pour la prévention, le conseil, l’information, etc., le patient ait le réflexe de se rendre chez Pharmacie Lafayette.
Une communication mieux ciblée
Si les groupements étoffent actuellement leurs services avec quelques « prérequis » digitaux, ils ont déjà commencé à rationaliser leur discours sur les suivis et le dépistage. Objectif : éviter l’effet « catalogue », sans fin, intimidant, infaisable. Il faut dire que les entretiens conventionnels ont refroidi les élans de certains pionniers. « Plutôt bien rémunéré, le BPM a pu faire peur à certains pharmaciens, qui estiment leurs connaissances en pharmacie clinique insuffisantes pour porter un jugement sur une prescription », analyse Laurent Filoche. Pour éviter toute dispersion, souvent contreproductive en matière d’organisation du travail et de communication vers le grand public, les groupements concentrent leurs efforts sur des thématiques ciblées. Pharmactiv a mis au point divers « rendez-vous santé », mais a recentré sa communication sur l’oncologie et la vaccination dès 2019. Dans le même esprit, après avoir lancé un accompagnement en cancérologie en 2019, Phoenix Pharma déploie désormais un autre suivi : l’e-bilan Nutri, qui combine un système de questionnaire en ligne, de rendez-vous on line ou à l’officine et de coaching. Ce sont désormais les deux axes forts de PharmaVie.
Quel enjeu économique ?
Quoi qu’il en soit, les groupements sont attentifs à leur modèle économique. Or, la plupart des services ne sont pas directement rentables pour eux. « Le digital ne permet pas à un groupement de gagner sa vie. Quelque 150 adhérents PharmaVie, qui ont choisi l’option “multi-agendas”, mise en place avec notre partenaire MeSoigner, ont généré près de 150 000 rendez-vous pour des tests. Nous avons un honoraire faible sur les prestations de MeSoigner, pour des investissements conséquents », confie Laurence Dubois. Ce qui fait dire à Alain Grollaud que « pour un groupement, l’enjeu des services au patient n’est pas financier. Il porte pour l’instant sur le service à l’adhérent ». Avant de rappeler que le groupement reçoit déjà « des cotisations de ses membres et des rémunérations des prestations de services par les laboratoires et peut-être, demain, par des partenaires de services ». Cela deviendrait alors une nouvelle source de rémunération.
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