Ces communes qui perdent leur pharmacie

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Ces communes qui perdent leur pharmacie

Publié le 1 août 2024
Par Magali Clausener
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La fermeture d’une pharmacie n’est jamais anodine. Encore moins dans une petite bourgade. Elle a des conséquences directes sur l’accès aux médicaments de la population et sur l’ensemble de la vie locale.

« Nous n’avons pas vu venir la réalité des officines qui ferment faute de repreneurs. Pour nous, c’est parce que le pharmacien avait mal géré son argent que son officine fermait. Nous avions plutôt étudié le manque de médecins généralistes et spécialistes dans les communes rurales », constate Gilles Noël, vice-président en charge de la santé à l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Actuellement, l’érosion du maillage officinal, un phénomène qui se déroule « à bas bruit », inquiète fortement les élus locaux et en premier lieu les maires des petites communes. Car la pharmacie du village est plus qu’un symbole.

Parfois, les histoires se terminent bien

« La pharmacie est primordiale pour les habitants et les professionnels de santé qui en ont besoin », souligne ainsi Maryse Delache, maire de Marly-Gomont (Aisne). Dans sa commune, cela fait trois ans que la pharmacienne, Maryvonne Horiot, cherche un repreneur pour son officine. « Les jeunes pharmaciens n’osent pas se lancer alors que tous les autres commerces ont été repris par des jeunes », constate la maire avec étonnement. La bourgade ne manque pourtant pas d’atouts : une vingtaine de commerces, trois médecins généralistes, un cabinet d’infirmières, un cabinet de sages-femmes… Si Marly-Gomont ne compte que 500 habitants, elle draine environ 3 000 personnes des alentours. L’enjeu pour la population est de taille. En 2023, aidée par des commerçants, la sage-femme a réalisé un clip parodiant la chanson Marly-Gomont du rappeur Kamini, originaire de la ville, pour attirer des docteurs en pharmacie. Bingo : dans la foulée, un pharmacien a été embauché. Maryse Delache a bon espoir qu’il succède à la titulaire actuelle. À Crémeaux (Loire), Didier Poncet, le maire se désolait de la fermeture depuis 2018 de la pharmacie. Or, comme la commune recensait moins de 2 500 habitants (environ 900), la création d’une nouvelle officine ne pouvait plus avoir lieu. Un problème de taille. « La pharmacie la plus proche est à 15 km. Cette distance est problématique pour les personnes âgées ayant des difficultés de mobilité. En outre, dans un contexte de pénuries, les allers-retours sont fréquents », explique le maire. Si l’État a participé au financement de la maison de santé communale, l’accès aux médicaments n’était pour autant pas résolu. Récemment, un projet d’annexe de pharmacie a vu le jour. Il devrait se déployer à l’automne. « L’Agence régionale de santé doit rédiger pour juin le cahier des charges qui définit le fonctionnement, les jours et heures d’ouverture », annonce le maire. Certes, l’antenne ne sera pas ouverte tous les jours mais elle permettra à la population d’avoir accès aux produits de santé plus facilement. Cinq autres régions devraient bénéficier de cette expérimentation

Améliorer coûte que coûte le chiffre d’affaires

Pour séduire les repreneurs, certains édiles sont prêts à mouiller le maillot. À Plouray, dans le Morbihan, l’unique pharmacie de la commune d’un bon millier d’habitants est en liquidation judiciaire. Ses portes sont donc closes depuis novembre 2023. « Pendant trois à quatre ans, il n’y a plus eu de médecin généraliste à Plouray. La pharmacie n’est pas parvenue à régler ses charges », relate le maire, Michel Morvan. Il y a pourtant urgence à remédier au problème : les pharmacies les plus proches sont au moins à 10, 12, voire 17 km.  « La licence n’est pas rendue, la pharmacie peut donc être reprise, mais il faut attendre le jugement », explique-t-il. La petite ville compte plusieurs commerces de bouche, une Poste, deux cabinets infirmiers, un ostéopathe, un psychologue, un psychanalyste et un kinésithérapeute. Sans oublier l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) accueillant 35 résidents ainsi qu’un établissement et service d’aide par le travail (Esat) avec une centaine de personnes, et un centre de secours pompier. Autant de professionnels de santé et de structures qui s’approvisionnaient à l’officine. « La pharmacie réalisait un chiffre d’affaires de 700 000 €, nous pouvons le développer notamment en étoffant davantage le rayon parapharmacie », estime le maire. Il est d’ailleurs prêt à aider financièrement le futur repreneur, car le bâtiment appartient à la mairie et il est tout disposé à en réduire le loyer. Reste aux candidats à se faire connaître.

Mixité sociale

L’accès aux médicaments n’est cependant pas le seul argument des élus locaux. Avoir une pharmacie au sein de sa petite ville ou de son village garantit un certain passage pour les autres commerces. « Lorsque les patients viennent chercher leurs médicaments, ils vont aussi acheter leur pain et faire d’autres courses », observe Olivier Rozaire, pharmacien à Saint-Bonnet-le-Château (Loire) et président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens d’Auvergne-Rhône-Alpes. L’officine est également un lieu de lien social permettant aux patients et aux clients d’échanger avec le pharmacien et l’équipe officinale, mais aussi avec les autres habitants. La fermeture d’une pharmacie entraîne donc différentes répercussions en matière de santé, d’économie locale et de relations sociales. Pour Gilles Noël, cela implique également un accroissement des inégalités de santé et d’espérance de vie. Selon une étude réalisée par l’AMRF, la différence d’espérance de vie entre des habitants en milieu rural et urbain est de 2,2 ans chez les hommes et de 0,9 an chez les femmes. La mixité sociale est également en danger. Un aspect auquel on ne pense pas d’emblée : « Les enfants du médecin, du pharmacien, mais aussi ceux de directeurs de banques, de services de l’Etat se côtoient à l’école et cela favorise la mixité sociale ainsi que la réussite scolaire. L’enfant d’un agriculteur qui va chez son copain, le fils du pharmacien, va découvrir ce que sont les études supérieures et cela peut le conduire à poursuivre ses études », pense Gilles Noël. La pharmacie est une passerelle.

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