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Commerce coopératif : comment fonctionne ce modèle économique ?
Concilier intérêts individuels et collectifs ? C’est ce que propose le commerce coopératif à ses adhérents. Ce modèle économique où chaque voix compte à parts égales offre une opportunité unique aux pharmacies de pérenniser leur activité et garantir leurs missions. Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du commerce coopératif et associé, nous en dit plus.
Pharmacien Business : Qu’est-ce qu’un commerce coopératif et associé ? Quelles en sont les singularités ?
Olivier Urrutia : Il s’agit d’une forme d’entreprise, d’un modèle économique qui se définit juridiquement par le statut coopératif (forme juridique dominante). C’est-à-dire une mutualisation de ressources et de moyens entre adhérents (parfois appelés associés ou sociétaires). La coopérative aura pour objet social le fait de rendre des services à ses associés-adhérents. Elle n’a pas pour vocation à dégager du bénéfice pour elle-même : elle doit être performante, et, en cas de bénéfice, celui-ci sera réinvesti directement ou indirectement dans le réseau. À cela s’ajoute une gouvernance qui repose sur le principe de « une personne, une voix » : l’ensemble des associés y participent, ils valident les comptes, les stratégies, la politique d’achat, le marketing, le développement, etc. Les membres du conseil d’administration, comme le président, sont des gens du métier, élus par leurs pairs.
P. B. : Quelle place occupe le commerce coopératif en France actuellement ?
O. U. : Pendant longtemps, dans le commerce, il était limité à la vente de produits. Mais depuis 30 ans, on constate une montée en puissance de la vente de services. Désormais, au sein de la FCA, nous regroupons près de 30 secteurs d’activité couverts par nos adhérents : alimentaire, sport, immobilier, construction et bricolage, enfance, culture, médecine avec des centres d’imagerie, commissaires de justice, notaires, opticiens, pharmaciens, etc. Notre modèle représente 52 000 points de vente et génère 200 milliards d’euros par an, soit 7 % du PIB français.
P. B. : Comment expliquer ce succès du commerce coopératif et associé ?
O. U. : C’est assez multifactoriel et lié à la convergence de plusieurs phénomènes. D’abord, les crises – qu’elles soient économiques, politiques, sociales, sanitaires ou environnementales – fragilisent l’activité économique, créent incertitude et contrainte. Dans ce contexte, les gens isolés souffrent davantage que ceux qui appartiennent à des réseaux organisés, et qui bénéficient de la force et du savoir-faire de la centrale, d’une mutualisation de services et du tutorat de leurs pairs. L’absence d’intermédiaire à rémunérer et la proposition d’une offre de services répondant à des besoins réels déterminés par les utilisateurs eux-mêmes rendent ce modèle attrayant et peu coûteux pour les entrepreneurs indépendants. Dans le prolongement, l’agilité du fonctionnement de l’organisation elle-même constitue un facteur d’efficacité majeur : ce sont des personnes sur le terrain qui alimentent les décisions stratégiques et permettent de mettre en œuvre des politiques adaptées aux besoins des consommateurs. Autre raison : le système actuel, parce que performant et incarné par des enseignes ambassadrices de qualité comme E.Leclerc, Intersport ou Coopérative U (auparavant Système U), crée de l’émulation. Enfin, ce groupement forme un paradigme qui colle aux aspirations d’un nombre croissant de citoyens en termes de solidarité, de mutualisation ou de démocratie d’entreprise.
P. B. : Combien comptez-vous de pharmaciens sociétaires d’une coopérative ?
O. U. : On en dénombre plus de 10 000, regroupés sous forme coopérative ou de commerce associé, ce qui représente environ la moitié des officines. Dans la santé, la pharmacie est le secteur où l’on retrouve le plus de coopératives. Ça fonctionne bien aussi dans l’optique (Optic 2000, Krys ou encore Atol), et chez les audioprothésistes. C’est plus marginal parmi les laboratoires biologiques ou les cabinets de radiologie même si certains y ont vu là la possibilité d’échapper à leur cannibalisation par des fonds d’investissement et la financiarisation de leur activité.
P. B. : Quels bénéfices les pharmaciens en tirent-ils ?
O. U. : S’il n’y avait qu’un élément à retenir, ce serait celui de la convergence des intérêts. C’est le seul modèle à garantir une parfaite équité entre tous. On retrouve d’une part le pharmacien indépendant, libéral, qui pratique son métier dans son officine dont il est propriétaire à 100 %, et de l’autre, un groupement dont l’objet social est d’être au service de la réussite de son associé, de son adhérent. Il n’y a pas d’antagonisme entre la réussite de l’un et celle de l’autre, pas l’un inféodé à l’autre, pas l’un dont l’intérêt l’emporte sur l’autre. La coopérative va rendre le pharmacien plus fort, l’accompagner dans la réussite de son projet, lui garantir de pratiquer son métier au mieux et ce, grâce à de nombreux services développés pour lui et par lui. La coopérative place le pharmacien au cœur de ses préoccupations et de ses missions, ce qui est très différent du fonctionnement d’une franchise par exemple.
P. B. : Rejoindre une coopérative, est-ce un acte politique et militant ? En particulier dans le domaine de la santé ?
O. U. : Oui, parce qu’on considère que c’est la pluralité des modèles économiques qui garantit une véritable liberté d’entreprendre. Le système coopératif et associé, en assurant un traitement impartial entre une enseigne et ses adhérents, est aussi celui qui garantit l’indépendance des praticiens et qui préserve leurs intérêts. Un enjeu crucial lorsqu’il s’agit d’un secteur comme celui de la santé qui relève de l’intérêt général. La coopérative joue ainsi le rôle de garde-fou des intérêts conjoints du patient, du pharmacien et de l’enseigne. Un rôle clé pour lutter contre la mainmise d’opérateurs financiers extérieurs au secteur de la santé et permettre aux officines, grâce au maillage territorial, d’assurer l’essence même de leurs missions.
P. B. : Luc Priouzeau, PDG de Giropharm, a évoqué récemment la volonté des groupements coopératifs de se fédérer pour défendre les pharmaciens indépendants. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette réflexion qui se met en place ?
O. U. : À date, c’est une intention qui est toujours en discussion. Rien n’a encore été tranché. Cela pourrait se faire au cours du deuxième semestre 2024. À l’heure où nous parlons, il est prématuré d’en dire plus et surtout, ce n’est pas à moi de le faire. Mais, en effet, c’est une voie qui est à l’étude : il s’agit de tisser des ponts, des liens forts, pour promouvoir et défendre ce modèle économique.
Bio express
2005 : Diplômé en sciences politiques et de l’administration
2009 : Directeur général de l’Observatoire européen des think tanks
2013 : Enseignant conférencier pour les services du Premier ministre à l’IHEDN
Juin 2022 : Nommé délégué général de la FCA
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