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Au revoir les marges
Baisse de la marge, hausse des frais de personnel, effondrement de l’EBE… Les statistiques de la pharmacie en 2023 livrées par le réseau de cabinets d’experts-comptables CGP dessinent une situation inquiétante. A terme, l’équilibre économique des officines les plus fragiles pourrait être mis en danger.
Pire que prévu ! Tel est le constat de Louis Maertens, expert-comptable associé du cabinet FCC et membre du bureau Conseil Gestion Pharmacie (CGP), à la suite des résultats de l’enquête approfondie « Statistiques professionnelles de la pharmacie », menée par le réseau, qui pointe de nouvelles problématiques avec des marges sérieusement en baisse. Pour élaborer cette étude, les experts CGP se sont appuyés sur les résultats économiques 2023 d’un panel de 1 832 officines. « Toutes ont perdu un quart de leur excédent brut d’exploitation (EBE), soit près de 90 000 €, activités “Covid-19” incluses. Nous sommes face à un retournement de conjoncture inédit par son ampleur et sa soudaineté. Aucune officine n’est épargnée quelle que soit sa taille ou sa zone géographique », assure Louis Maertens.
Mieux lotis à la campagne
Cet effondrement de l’EBE a été provoqué par la conjonction de plusieurs facteurs. « La hausse de 1,68 % du chiffre d’affaires (CA) HT (+ 5,90 % hors activité “Covid-19”) est en trompe-l’œil, car elle a été essentiellement portée par les médicaments chers sur lesquels les pharmacies d’officine margent peu ou pas du tout. Or, ces derniers contribuent à eux seuls à 80 % de la croissance du remboursable », confie Louis Maertens. Etonnamment, les officines rurales ont mieux tiré leur épingle du jeu avec une progression de 2,95 % de leur CA HT, devant les pharmacies de bourg (+ 1,98 %) et celles de centre commercial (+ 0,48 %). Les pharmacies installées en zone urbaine, elles, ont vu leur CA reculer de 0,38 %. « Les pharmacies de campagne ont probablement tiré un avantage d’un retour à la pharmacie traditionnelle de proximité. Elles ont peut-être aussi moins subi le contexte inflationniste et moins été affectées par les évolutions sur les charges externes », souligne Louis Martens. Sans surprise, la fracture se creuse encore un peu plus entre les petites pharmacies de moins de 1,5 million d’euros, qui voient leur CA baisser, et celles de plus de 2,5 millions d’euros, qui sont, elles, en plein développement.
Effet de ciseaux
Dans un contexte d’activité atone, les pharmacies ont pris de plein fouet le fameux effet de ciseaux tant redouté par les experts-comptables. « En 2023, les charges de personnel ont encore augmenté de 9 %. En deux ans, les pharmacies d’officine ont vu leur masse salariale bondir de plus de 50 000 €. C’est comme si elles devaient payer un pharmacien adjoint 22 heures par semaine mais qu’il ne viendrait jamais travailler… », souligne Louis Maertens. Dans une moindre mesure, les charges externes ont, elles aussi, progressé de 3,4 % pour représenter en moyenne 4,95 % du CA global. « L’augmentation est globale. Elle ne se limite pas à l’eau, au gaz et à l’électricité, postes sur lesquels les pharmaciens d’officine ont d’ailleurs réussi à contenir leurs dépenses en adoptant le fameux col roulé suggéré par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, ou les vestes sans manches. Tout a augmenté, à commencer par le loyer (+ 0,7 %) qui représente à lui seul plus du quart du montant total des frais généraux. A cela s’ajoute les assurances, l’expertise comptable, la maintenance… », constate Louis Maertens
Recul historique de la marge
Cet effet de ciseaux a engendré, en 2023, une diminution de 8,25 % de la marge des officines, qui est passée en un an de 32,5 à 29,23 %. « Là encore, le recul est historique, car c’est la première fois que la marge descend sous la barre des 30 % depuis 2015, année où l’arrivée des honoraires de dispensation avait fait gonfler les taux de marge et baissé les volumes de CA. » Désormais, les honoraires de dispensation concentrent à eux seuls près de 60 % de la marge du médicament remboursable et alimentent un tiers de la marge brute globale des officines. « Cet indicateur confirme la mutation du métier de pharmacien vendeur de boîtes de médicaments à prestataire de services. Si j’étais titulaire, je surveillerais attentivement cette ligne, car les honoraires sont devenus un indicateur clé de la rentabilité des officines », estime Louis Maertens.
Les titulaires ont gagné moins
Dans ce contexte, la baisse de 1,8 % représentant, en moyenne, 60 500 € de la rémunération de gérance nette, ne constitue pas une surprise. « Elle est essentiellement liée à la disparition des primes de bilan que les pharmaciens se sont distribuées en 2022 pour récupérer une partie de la richesse générée grâce aux activités exceptionnelles. Mais cette année, les règles de prudence ont été de mise, surtout au sein des petites structures plus sensibles à cet effet de ciseaux. En 2024, la chute de l’EBE devrait en revanche davantage affecter la rémunération des pharmaciens », pronostique Louis Maertens.
Les prix de cession baissent aussi
L’année 2023 a aussi été marquée par une contraction des prix de cession, selon l’enquête « Statistiques professionnelles de la pharmacie », menée par le réseau Conseil Gestion Pharmacie (CGP). En un an, le prix d’achat moyen d’une pharmacie est passé de 1,91 million d’euros à 1,74 million d’euros, les valorisations en pourcentage du CA HT de 88 à 83 %. Les valorisations en multiple de l’excédent brut d’exploitation (EBE) ont, elles aussi, baissé de 7,45 fois l’EBE en 2022 à 7,28 en 2023. « Ce recul observé en 2023 est aussi lié à l’augmentation des taux d’intérêt, et il a relativement épargné les grosses pharmacies qui continuent de se vendre très cher. L’effondrement des EBE en 2023 devrait probablement alimenter un nouveau repli des valorisations cette année », conclut Louis Maertens, expert-comptable associé du cabinet FCC et membre du bureau Conseil Gestion Pharmacie.
À retenir
– Entre 2022 et 2023, les officines ont perdu un quart de leur excédent brut d’exploitation (EBE), soit près de 90 000 €.
– En 2023, le chiffre d’affaires (CA) HT des officines a progressé de 1,68 %. Mais c’est une croissance en trompe-l’œil car essentiellement portée par les médicaments chers.
– Les charges de personnel ont encore augmenté de près de 9 % en 2023. En deux ans, la masse salariale des officines a bondi de plus de 50 000 €.
– En hausse de 3,4 %, les charges externes représentent en moyenne 4,95 % du CA global.
– En 2023, la marge des officines a baissé de 8,25 % pour tomber à 29,23 %. C’est la première fois depuis 2015 que la marge descend sous le seuil des 30 %.
– Les honoraires de dispensation concentrent à eux seuls près de 60 % de la marge du médicament remboursable et alimentent un tiers de la marge brute globale des officines.
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