Stratégie et Gestion Réservé aux abonnés

Arnaud Loubier, président du directoire d’Interfimo

Publié le 21 novembre 2020
Par Francois Pouzaud
Mettre en favori

Quelles sont les évolutions du marché observées en 2020 ?

La crise sanitaire inédite que nous traversons a indéniablement affecté l’économie de l’officine. La pharmacie s’est fortement mobilisée contre la Covid et a globalement bien résisté par rapport à d’autres pans de l’économie. L’impact de cette crise, et notamment du confinement, a été différent selon l’implantation et la taille des officines. La reprise de l’activité ne s’effectue pas au même rythme selon la typologie d’officine : les pharmacies de proximité ont retrouvé plus rapidement leur niveau d’activité, avec une confiance renforcée du public à l’égard du pharmacien.

Dans cette situation, nous aurions pu nous attendre à un marché attentiste et à une baisse des transactions. Pourtant, globalement, à fin août, le marché des transactions d’officines (ventes et associations) a bien résisté avec une baisse limitée à 3 % par rapport à l’année dernière, les mois de juin et juillet en forte hausse ayant partiellement compensé les baisses de mars, avril et mai.

Nous observons la même tendance chez Interfimo, avec une production de crédit d’acquisition d’officines quasiment stable comparativement à l’année 2019.

Sur le prix des officines, quel constat dressez-vous ?

Il est tôt pour tirer des enseignements, mais à ce jour, nous n’avons pas observé de pression accrue sur les prix liée à la crise du Covid-19. Bien sûr, la crise a renforcé les intérêts divergents entre acheteurs et vendeurs, même si l’objectif reste le même : la transmission de l’officine. Les acheteurs vont avoir la volonté de se prémunir contre une éventuelle nouvelle crise et par conséquent intégrer cette « prime de risque » au prix, donc vouloir acheter moins cher, alors que les vendeurs vont chercher à tirer le meilleur parti de l’opération et ainsi avoir tendance à ne pas forcément accepter une prime de risque trop importante. Les négociations vont certainement devenir plus compliquées, notamment lors des achats de parts d’officine, puisque dans ce cas, vous achetez un actif et un passif qu’il faudra rembourser, et qui a pu évoluer pendant la crise, notamment avec le prêt garanti par l’Etat (PGE). Il faudra tenir compte de sa durée de remboursement.

Publicité

Nous voyons apparaître plus fréquemment des clauses de complément de prix (clause « d’earn out »), dont le principe permet de s’entendre sur un prix équilibré pour la transaction en prévoyant des révisions de prix en fonction de l’évolution de l’activité.

Ainsi, si l’activité de l’officine est conforme à la vision du vendeur (c’est-à-dire si elle réalise un chiffre d’affaires d’un certain niveau ou dégage une rentabilité solide), alors l’acquéreur versera un complément de prix l’année suivante, voire sur plusieurs années. Cette démarche permet de concilier les deux visions et de rassurer l’ensemble des parties.

Vous avez récemment lancé PharmEquity, pouvez-vous partager un premier commentaire ?

Effectivement, avec le spécialiste du crowdfunding Incit’Financement et nos deux partenaires, la Fédération des syndicats pharmaceutique de France (FSPF) et l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), nous avons officiellement lancé en septembre PharmEquity. L’idée de PharmEquity est de créer une solution numérique pour le marché de la transaction d’officine d’une part, d’autre part et surtout de s’appuyer sur l’incontestable potentiel financier des pharmaciens « personnes physiques investisseurs », en aidant leur prise de participation au capital de l’officine qu’acquièrent les pharmaciens porteurs de projet et qui peuvent ainsi le finaliser. PharmEquity va permettre de dynamiser les transmissions de pharmacies en France dans le contexte démographique tendu que nous connaissons. Nous partageons avec nos deux partenaires les valeurs d’une pharmacie libérale, appartenant à ses titulaires, indépendants et responsables, tant à titre professionnel que patrimonial.

Depuis sa mise en ligne en juillet, PharmEquity compte plusieurs dizaines d’investisseurs inscrits et quelques premiers projets d’acquisition sont à l’étude.