Achat Réservé aux abonnés

Vers une souveraineté pour garder la tête haute

Publié le 1 décembre 2023
Par Carole De Landtsheer
Mettre en favori

La triple épidémie de grippe, de bronchiolite et de Covid de l’année 2022 a fait bondir les ventes d’antalgiques. Un marché toujours dominé par les acteurs historiques.

Secteur clé de l’officine, le marché des antalgiques de palier 1 a décollé sous l’impact d’une triple épidémie de grippe, de bronchiolite et de Covid qui a fait exploser la demande lors de la saison hivernale 2022-2023. À tel point qu’il a enregistré une croissance significative de 9,3 %, en valeur*, soutenu par l’automédication, une pratique acquise des Français (+ 11,3 % sur l’année 2022, baromètre NèreS), dont l’encadrement est renforcé par le conseil du pharmacien depuis le placement des antalgiques derrière le comptoir, en 2020. Toutefois, comme le rappelle Laure Lechertier, directrice de l’accès au marché au sein des laboratoires Upsa, « les ventes d’antalgiques sont majoritairement drivées par la prescription ». Les ventes hors prescription ne représentent, au global, que 27,5 % de parts de marché en valeur*.

Le paracétamol en tête des ventes

Prescrit en première intention, le paracétamol présente le meilleur bénéfice/risque pour les douleurs courantes Synonyme de sécurité d’utilisation, c’est la molécule la plus vendue du marché puisqu’elle s’arroge 90,8 % de parts de marché en valeur*. Soulignons que la crise sanitaire n’a fait que conforter sa légitimité alors que, pendant un temps, l’ibuprofène a été suspecté d’aggraver les symptômes du Covid. Cet antalgique reste sous la coupe des marques historiques : Doliprane, Dafalgan et Efferalgan. Porté par la marque Nurofen, l’ibuprofène est l’autre molécule phare du secteur (2 % de parts de marché en valeur, + 31,9 %*). Par un effet de vase communicant, la hausse de la demande d’antalgiques de palier 1 a, semble-t-il, profité aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Quant à l’aspirine, prescrite notamment pour prévenir les troubles cardiovasculaires, elle reste, en raison de ses nombreuses contre-indications, la molécule « pauvre » du secteur en ne représentant que 1,7 % de parts de marché en valeur*.

Les marques jouent les fortes têtes

Les patients sont très attachés aux marques qui apportent leur caution. Le trio de tête, Doliprane, Dafalgan et Efferalgan, rassemble 82,9 % de parts de marché en valeur*. Doliprane caracole en tête des ventes avec 60,6 % de parts de marché en valeur, le comprimé 1000 mg s’arrogeant à lui seul 31,8 % de parts de marché*. Côté automédication, c’est la première marque contributrice de croissance (+ 37,8 M€, NèreS). « Le leadership de Doliprane s’explique par son ancrage historique, sa forte notoriété et sa largeur de gamme. Cette marque française et transgénérationnelle propose vingt-cinq références sur prescription et en automédication, adaptées aux besoins de tous les patients, du nourrisson à l’adulte », résume Lyna Benyakoub, responsable de la marque Doliprane au sein du laboratoire Sanofi. Dans le Top 3 marques, figurent, également, les deux marques incontournables du laboratoire Upsa : Dafalgan et Efferalgan qui réalisent, respectivement, 15 % et 7,3 % de parts de marché en valeur*. Se distinguant avec ses comprimés 1000 mg et gélules 500 mg, « le médicament Dafalgan est très prescrit par les médecins et bénéficie de la confiance des patients pour son expertise médicale », souligne Laure Lechertier. À l’inverse de ce que l’on peut observer dans d’autres pays de l’OCDE, les génériques du secteur restent en France toujours à la marge : « Les princeps coûtent relativement peu chers et les patients ne sont pas prêts à switcher vers un générique si la différence de prix n’est pas significative », explique Igor Guédon, chef de gamme OTC Biogaran. Après le lancement de capsules molles d’ibuprofène, le laboratoire Biogaran a mis sur le marché, en novembre 2023, au sein de sa gamme conseil, ses deux premiers antalgiques contenant du paracétamol : des comprimés 500 et 1 000 mg. « L’objectif est, pour chaque spécialité, d’offrir une alternative Biogaran conseil à prix malin, qui coûte généralement 20 à 30 % moins cher », reprend notre interlocuteur.

L’efficacité, le critère qui prend la tête

La montée en puissance des forts dosages se confirme. Dans le Top 5 produits ressortent quatre références dosées à 1 000 mg. La recherche d’efficacité reste le critère numéro 1 d’achat des patients, ce que promet un dosage maximal (en plus d’éviter de devoir effectuer plusieurs prises). Cette efficacité est également associée à une rapidité d’action, une dimension véhiculée par les fabricants de médicaments à base d’ibuprofène. Tête de locomotive, Nurofenflash 400 mg prend la dixième place du classement par produits (2,2 % de parts de marché en valeur*) et la huitième place sur la sphère de l’automédication, se situant parmi les plus gros contributeurs à la croissance des antalgiques (+ 5,5 millions d’euros, NerèS). Également en lice, Spedifen 400 mg, dixième marque du marché, une combinaison d’ibuprofène et d’arginine, qui vise à accélérer l’absorption de l’ibuprofène pour permettre une action sur la douleur plus rapide. D’autres galéniques revendiquent eux aussi une assimilation plus rapide, comme les comprimés effervescents (les versions effervescentes Doliprane 1 000 mg et EfferalganMed 1 000 mg sont présentes dans le Top 10 produits*) et les associations d’actifs sont pareillement synonymes de rapidité d’action. Dernier-né au sein du portefeuille Upsa, en mars 2022, Dalféine, qui combine paracétamol (500 mg) et caféine (65 mg), pour les douleurs d’intensité légère à modérée. « La caféine procure une action plus rapide et un soulagement accru de la douleur avec des doses plus faibles d’analgésique », explique Laure Lechertier.

La variété des formes fait tourner la tête

Si les lancements se font plus rares que sur d’autres marchés de l’officine, une pluralité de formes et de dosages est ici de mise afin de satisfaire tous les besoins des patients, dans le sens d’une bonne observance, et de correspondre aux modes de vie actuels. Reste que les grands classiques, comprimés et gélules, sont les présentations les plus achetées, décrochant, respectivement 59,6 % et 18,3 % de parts de marché en valeur*, quand les comprimés effervescents se hissent à la troisième place du podium avec 13,1 %*. Depuis 2022, l’offre Doliprane Liquiz, positionnée sur le segment pédiatrique, s’est tournée vers un public adulte avec le lancement de suspensions buvables 500 et 1 000 mg. « Ce format stick s’adresse aux patients qui recherchent un produit innovant et pratique de par son format nomade ; il vise également les patients qui souffrent de problèmes de déglutition et qui ont une préférence pour les formes orales liquides », détaille Lyna Benyakoub. Toujours sur la catégorie des solutions liquides, soulignons la performance de la suspension buvable Doliprane 2,4 %, réservée aux enfants, qui figure dans le Top 10 des meilleures ventes (3,8 % de parts de marché en valeur)*.

Publicité

Favoriser le bon usage sans prise de tête !

L’objectif reste, toutefois, de recourir aux antalgiques à bon escient, en préconisant la dose la plus faible en premier recours, selon les recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). À cette fin, pour accompagner les pharmaciens dans l’orientation des patients souffrant de céphalées, Sanofia lancé, début 2023, son Arbre Conseils Mal de Tête, une solution digitale, développée en partenariat avec la Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFPSO). « Quatre patients douloureux sur dix qui viennent en pharmacie souffrent d’une céphalée. Sanofiet la SFPSO ont donc souhaité offrir à l’ensemble des équipes officinales la possibilité d’apporter une réponse rapide, qualitative, adaptée et reproductible afin de limiter le risque de mésusage des antalgiques de palier 1 et de donner la bonne classe thérapeutique à la bonne dose au bon patient », explique Lyna Benyakoub. Cette solution se présente sous la forme d’un guide d’entretien personnalisé d’une durée de quatre minutes pour à la fois détecter les situations à risque et favoriser le bon usage des antalgiques. Ce dispositif a été testé dans les régions Hauts-de-France et Nouvelle-Aquitaine : 100 % des pharmaciens interrogés sont satisfaits et 92 % considèrent que l’outil a perfectionné leurs pratiques de prise en charge, selon Sanofi.

Améliorer la qualité de vie du patient douloureux

Les antalgiques s’inscrivent dans un arsenal plus large de prise en charge de la douleur qui inclut également des solutions non

médicamenteuses. On pourrait d’ailleurs regarder du côté du marché du cannabidiol (CBD), une molécule qui, sans revendiquer d’action antalgique, peut être conseillée pour soulager des douleurs chroniques et musculaires. Citons le lancement récent du complément alimentaire Cannadol (Prescription Nature), à base de cannabis sativa, de PEA (palmitoyléthanolamide) et de curcuma, qui favorise la sensation de soulagement et de confort musculaire. De son côté, le laboratoire Upsa nouait, en 2022, deux partenariats : l’un avec l’institut Analgesia qu’il soutient dans le développement d’une application numérique d’accompagnement des patients douloureux chroniques baptisée Apaisia (elle comprend, par exemple, des programmes de remise en mouvement, de relaxation et de psychologie positive) ; l’autre avec la start-up Remedee Labs, pour proposer aux professionnels de santé la solution connectée Remedee Well, un bracelet stimulateur d’endorphines à effet antalgique. « Il n’existe pas de plan douleur en matière de politique publique. C’est ce que nous souhaitons déclencher pour permettre aux patients de s’autonomiser dans la gestion de leur douleur et de ne pas se sentir exclus », révèle Laure Lechertier.

* Source : Gers data, en cumul annuel mobile à février 2023.

+ 8,3 %

603,8 M d’unités vendues

Fortement dépendant des pathologies de l’hiver, le marché des antalgiques, impacté par une triple épidémie de grippe, de bronchiolite et de Covid, fin 2022, enregistre une croissance particulièrement forte.

+ 9,3 %

1,3 Md€

Si les ventes d’antalgiques sont majoritairement drivées par la prescription, l’automédication participe, à moindre échelle, à l’envolée du secteur.

Source : Gers data, en cumul annuel mobile à février 2023.

Bientôt un paracétamol franco-français

Depuis l’arrivée du Covid, la consommation de paracétamol s’est envolée, entraînant des tensions d’approvisionnement qui ont conduit à des mesures de contingentement. L’enjeu actuel : relocaliser la production du principe actif, actuellement importé de contrées diverses (Asie, États-Unis, Europe) afin de s’acheter une indépendance sanitaire et de maîtriser, de bout en bout, la production : « c’est là un moyen de sécuriser notre chaîne d’approvisionnement en principe actif », explique Laure Lechertier, directrice de l’accès au marché au sein des laboratoires Upsa. Sans compter que « les consommateurs attendent que les entreprises produisent en France et suivent une démarche de développement durable », poursuit-elle. Première « brique » dans la diversification de l’approvisionnement : la construction du site de production de paracétamol à Roussillon (Isère) par le groupe Seqens, en partenariat avec Sanofiet Upsa. Il sera opérationnel en 2025 et sa capacité sera de 10 000 tonnes par an, correspondant au besoin de la France. « Pour monter encore d’un cran dans la chaîne des valeurs, nous travaillons en interne en recherche et développement et avec des start-up françaises », ajoute notre interlocutrice.

Épidémies de grippe, bronchiolite, Covid, c’est reparti !

Sur la semaine du 20 au 26 novembre 2023, les épidémies de grippe, de bronchiolite et de Covid ont été au même niveau qu’à la même période en 2022. Reste à voir si, comme l’année dernière, un pic sera atteint en décembre 2023 et janvier 2024.

Source : Atelier Gers data, décembre 2023.

27,5 %

C’est le pourcentage des ventes horsprescriptions sur le marché des antalgiques en valeur*. Soit une hausse de 17,7 %.

+ 23,6 %

C’est la progression en valeur* des antalgiques à base de caféine.

Les génériques sont à la peine. Biogaran a lancé ses deux premiers antalgiques contenant du paracétamol : des comprimés 500 et 1 000 mg. Une alternative conseil à prix malin.

Dosage maximal. Les antalgiques dosés à 1000 mg tirent la croissance du marché. La recherche d’efficacité reste le premier critère d’achat, ce que promet un dosage maximal.

Antalgiques et automédication. Nurofenflash 400 est l’un des plus gros contributeurs à la croissance du marché des antalgiques sur la partie automédication, selon NèreS.