Un direct qui fait mal
Avec une baisse de son chiffre d’affaires et des volumes, une diminution de sa marge et de ses résultats ainsi qu’une nouvelle contribution sur sa taxe ACOSS de 50 millions d’euros, la répartition vit, comme l’officine, une situation très critique pour son économie.
Les années se suivent et se ressemblent pour la répartition. En 2005, les ventes directes avaient augmenté de près de 20 % sur le médicament remboursable. Dans le même temps, le CA n’avait progressé que de 4,74 %, tandis que l’industrie et le réseau officinal progressaient respectivement de 6,83 % et 6,14 %. On retrouve le même écart dans l’évolution des marges après contributions et taxes entre les répartiteurs (+ 0,80 %) et les ventes directes (+ 16,92 %). La pharmacie, quant à elle, a fait 4 points de mieux que la répartition (+ 4,80 %) l’an dernier.
Selon la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, les résultats d’activité sur 2006 sont encore plus critiques. Sur les neuf premiers mois de l’année, le 2,1% diminue de 1,25 % pour la répartition comparé à la même période de l’année précédente. Pour les pharmacies, ce n’est guère mieux (- 0,99 %). L’industrie ne pavoise pas non plus avec + 0,19 %.
La reconquête du générique
Les ventes directes, en progression de 7,92 %, continuent de gagner des parts de marché. Néanmoins, on assiste à une reprise en main sur les génériques par les répartiteurs (+ 22 %, contre – 6,22 % pour le direct) grâce aux offres du « direct via le grossiste ». Concernant enfin l’évolution des marges sur les neuf premiers mois de l’année, le direct affiche une progression presque insolente (+ 10 %) comparée à celle des répartiteurs (+ 2,18%) et surtout des officines (- 4,23 %). Sur l’ensemble du marché de ville, en six ans, la répartition a concédé près de six points au direct dont la part de marché est passée de 8,31 % en 2000 à 14,16 % en 2006.
Un millier d’emplois menacés
Les plans d’économie successifs diminuant leurs ressources, les répartiteurs sont face à des choix irréversibles : suppression du troisième tour (à l’exception de la CERP Rouen) dans certains centres de distribution, mise en place de plans sociaux qui pourraient concerner à court terme près d’un millier d’emplois du secteur (soit 9 % des effectifs équivalents temps plein*, fermeture d’agences). Ainsi, Alliance Santé a fermé son établissement de Dunkerque et rapatrié son activité sur le site de Lille. L’OCP a transféré les activités de l’établissement d’Argenteuil sur celui de Paris et va jusqu’au bout de la rationalisation et de la concentration en regroupant les produits de faible rotation sur le site unique de Roissy, et les activités d’Arras, d’Amiens et de Saint-Quentin sur une seule agence. Rappelons que les grossistes représentent 3 % du prix public du médicament en France, contre 25 % pour les pharmacies et 66 % pour les industriels.
Des formateurs, pas des banquiers !
Selon la consultation nationale menée par l’UDF (voir Le Moniteur n° 2647) auprès de la profession*, la marge des grossistes-répartiteurs n’est pas jugée raisonnable par 42 % des officinaux. A peu près autant (43 %) la trouvent raisonnable. Plus des deux tiers des interrogés (70 %) considèrent que leurs relations avec les grossistes ont évolué durant ces dernières années. En dehors de leur rôle de distributeur, ils attendent surtout d’eux une aide en matière de formation (69 %). Mais pas question d’être des animateurs de réseaux (47 % y sont opposés) et encore moins des banquiers (63 %).
* 2 437 pharmaciens d’officine ont renvoyé un questionnaire au groupe UDF à l’Assemblée nationale.
* La répartition compte près de 4 000 chauffeurs-livreurs actuellement et environ 6 000 préparateurs de commandes et magasiniers.
« Un service payant pour livrer les produits qui se vendent peu »
« Le Moniteur des pharmacies » : Pouvez-vous évaluer pour l’année 2006 l’impact des mesures gouvernementales sur votre exploitation ?
Jean-Louis Méry : Selon les estimations de la CSRP, les mesures du plan médicament et de la loi de financement de la Sécurité sociale 2006 devraient se traduire, pour l’ensemble des répartiteurs full-liners, par une baisse de chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros et une perte de 100 millions d’euros de marge brute. Ces contre-performances sont à mettre en regard de notre résultat d’exploitation de 167 millions d’euros en 2005, en baisse de 4 % par rapport à 2004. Pour 2006, il faut s’attendre à une nouvelle dégradation de nos résultats qui tient aux mesures de redressement des comptes de l’assurance maladie et à la concurrence des ventes directes et d’autres circuits de distribution. En cumulant ces deux phénomènes, nous nous attendons à une baisse des volumes de 8,5 % à 9 % sur l’ensemble de l’année.
Les pharmaciens doivent-ils craindre une baisse de leurs remises ou du service rendu ?
Il m’est difficile de répondre à la place des adhérents sur la façon dont ils vont faire face à cette nouvelle taxation car cela relève de la stratégie de chaque entreprise. Cependant, lorsqu’un fournisseur subit une baisse de ses marges, il y a mécaniquement une conséquence sur son aval. Soyons clair ! Les répartiteurs ne disposent que de deux leviers pour faire face à cette situation, les remises et la réduction des coûts à la ligne. La recherche de productivité peut conduire à une réduction du nombre de livraisons, à des fermetures d’établissements et à des plans sociaux. Dans la répartition pharmaceutique, environ 1 000 postes – sur un effectif de 14 000 personnes, correspondant à 11 000 équivalents temps plein – sont en cours de suppression sur 2006, soit 9 % des emplois. Demain, si le déséquilibre s’aggravait entre gros volumes, pris en charge par d’autres circuits de distribution, et faibles volumes, réservés à la répartition pharmaceutique, ne faudrait-il pas instaurer un service payant pour la livraison des 75 % des produits qui se vendent à moins d’une unité par mois et par officine, pour conserver le niveau de service actuel ?
Les mesures mises en place par les répartiteurs pour contrer les ventes directes, en particulier sur les génériques, ont-elles été efficaces ?
Lorsqu’on sait ce que représentera dans l’avenir le générique en termes de volumes, la répartition ne peut être absente de ce marché. D’autant que les ventes directes ne pourront pas tout gérer compte tenu de la largeur des collections. A fin septembre 2006, les répartiteurs ont distribué 38 % des génériques contre 33 % en 2005. Dans le même temps, le direct sur le médicament non générique continue de progresser (+ 17,3 % sur les 9 premiers mois). D’une manière plus générale, notre métier est terriblement attaqué et la dégradation de nos résultats nous amène aujourd’hui à diversifier nos activités pour retrouver les volumes nécessaires qui nous ont échappé, et à trouver de nouveaux relais de croissance.
En Europe, les grands groupes de la répartition rachètent des officines. Pensez-vous que cela puisse être un jour le cas en France ?
Le rachat d’officines par des répartiteurs n’est pas pour l’instant un véritable sujet de débat dans notre pays. Néanmoins, on ne peut pas rester étranger à ce qui se passe en Europe. La tendance actuelle est à la libéralisation des systèmes de distribution et du capital, à la liberté d’installation, à la chute du monopole sur le médicament à prescription facultative, à des changements de modes de rémunération fondés plus sur des services rendus que sur des marges de distribution. Cette libéralisation n’est pas pour tout de suite en France, mais resterons-nous longtemps à l’abri de ces tendances ?
Propos recueillis par François Pouzaud
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