Robot sapiens !
Pour la première fois en France, une pharmacie hospitalière est entièrement robotisée. La préparation des traitements et leur livraison dans les services sont effectuées à partir de prescriptions informatisées et automatisées. Visite (télé)guidée de l’hôpital d’Annecy, à l’origine de cette innovation, dont le principal avantage est de réduire le risque d’erreurs humaines.
Etape 1 – Prescription au chevet du patient
Le lit du patient est équipé d’un terminal multimédia placé à l’extrémité d’un bras articulé (une soixantaine de lits en sont pour le moment équipés). Après identification par un code d’accès personnel (et bientôt par sa carte CPS), le médecin peut accéder au dossier médical du patient. Grâce à l’écran tactile, il rédige en temps réel la prescription. Le patient peut lui aussi utiliser le terminal pour visionner des programmes éducatifs concernant sa pathologie, mais encore téléphoner, surfer sur Internet ou tout simplement regarder la télé.
Etape 2 – Double validation
Instantanément, la prescription établie au lit du patient est transmise à la pharmacie de l’hôpital. Anne-Sophie, étudiante en sixième année de pharmacie, vérifie que l’ordonnance est correctement rédigée et qu’elle pourra être comprise par l’automate. Une validation pharmaceutique est ensuite réalisée, avant que ne soit donné à l’automate l’ordre de préparer la prescription.
Etape 3 – Mise en sachet
En début de ligne, une machine découpe les plaquettes de médicaments. Chaque dose unitaire (que ce soit une découpe de blister, une ampoule, un suppositoire, une dosette…) est ensuite introduite dans un sachet individuel sur lequel sont indiqués le nom de la spécialité et du principe actif, le dosage, la forme, la liste I ou II, le numéro de lot et la date limite d’utilisation, ainsi qu’un code à barres d’identification unique. Ce système comporte plusieurs points de contrôle et garantit une traçabilité totale. Quand le process sera complètement validé, plusieurs milliers de doses seront ainsi conditionnées chaque jour. Un préparateur et un technicien veillent en permanence au bon fonctionnement de l’automate.
Etape 4 – Stockage
L’automate achemine ensuite les sachets ainsi préparés dans des armoires de stockage sécurisées au moyen de petits chevalets et d’un convoyeur.
Etape 5 – Préparation individuelle
Un robot vient piocher les sachets unitaires dans les différentes armoires de stockage afin de préparer le traitement journalier. Les sachets unitaires sont regroupés en fonction de la séquence d’administration par l’infirmière (matin, midi, soir et nuit) grâce à quatre anneaux différents. A chaque anneau est associé un bandeau sur lequel figure la prescription horaire avec le nom du patient, sa date de naissance, son numéro de dossier en clair et sous forme de code à barres, sa date d’entrée à l’hôpital, le service de soin et le numéro de chambre. Le détail de la prescription (nom des médicaments, jour et heure d’administration pour chaque médicament) est également automatiquement retranscrit sur le bandeau de chaque anneau-patient.
Etape 6 – Cueillette
Les préparateurs procèdent ensuite à la cueillette manuelle des médicaments non pris en charge par l’automate car non adaptés à la découpe, au conditionnement et au stockage automatisés (flacon de sirop, tube de pommade…). Ils les ajoutent manuellement aux anneaux-patients nominatifs. Cette ultime étape de préparation permet d’assurer la délivrance individuelle nominative (DIN) et, si nécessaire, de compléter le traitement du patient.
Etape 7 – Transport robotisé
Les traitements destinés aux différents services sont alors rangés dans des caisses scellées. Ces caisses sont à leur tour déposées dans des armoires à pharmacie dévolues aux différents services. Leur convoyage est assuré par un système de robots filoguidés, les « tortues », qui se déplacent de manière autonome depuis la plate-forme technique et logistique jusque dans les services du bâtiment sanitaire en empruntant une galerie logistique puis les ascenseurs selon un créneau horaire prédéfini. Les « tortues » acheminent également la droguerie, la papeterie, les repas ou encore du linge propre, mais à des créneaux horaires différents.
En cas d’urgence, pour tout nouveau patient entrant ou toute modification de traitement, des médicaments peuvent être livrés par un réseau pneumatique qui assure leur acheminement au sein des services en quelques minutes.
Etape 8 – Livraison
A son arrivée dans l’unité de soins, l’armoire est prise en charge par le personnel soignant. Une fois vidée, elle est renvoyée au centre technique et logistique via la « tortue » afin de permettre de nouvelles livraisons. Elle repart, éventuellement avec une cargaison de linges sales ou de déchets à évacuer.
Etape 9 – Rangement
Les infirmières rangent les sachets-patients dans une armoire à casiers. Chaque patient a un casier qui lui est attribué en toute confidentialité.
Etape 10 – Tournée
L’infirmière chargée de la tournée de soins édite ou consulte la prescription médicale sur un PC fixe. Puis elle prend dans l’armoire-patient les sachets correspondant à la tournée. Elle les place dans un chariot-relais qui comporte autant de casiers-patients qu’il y a de lits. Elle vérifie que l’anneau-patient correspond bien à la prescription. Puis elle ajoute éventuellement dans chaque casier le nécessaire aux soins prévus, comme par exemple les seringues, aiguilles, solutés, pansements… Elle se déplace de chambre en chambre avec le chariot et un guéridon. Mais seul le guéridon sur lequel l’infirmière aura posé le contenu du casier correspondant au patient concerné est introduit dans la chambre. Le chariot est fermé le temps du soin.
Etape 11 – Administration des médicaments
Dans la chambre, l’infirmière prépare les médicaments à administrer, vérifie une dernière fois que ce qu’elle s’apprête à administrer correspond bien à la prescription. Elle administre puis valide ses administrations sur la prescription éditée. Bientôt, elle pourra les valider directement sur le poste multimédia. La boucle est bouclée ! Le circuit du médicament est ainsi tracé de la prescription jusqu’à son administration.
CHIFFRES CLÉS
– Le nouvel hôpital d’Annecy, inauguré en juillet 2008 après 6 ans de travaux, a coûté 218 millions d’euros.
– Sa capacité d’accueil est de 652 lits et places de court séjour, 361 lits et places de psychiatrie et gériatrie sur des sites extérieurs.
– 70 000 entrées et 300 000 journées d’hospitalisation par an.
– 55 000 passages aux urgences dont 7 000 aux urgences pédiatriques.
– 60 lits sont actuellement équipés d’un terminal multimédia. Le médecin l’utilise pour rédiger sa prescription et consulter le dossier médical. Le patient peut se connecter à Internet pour son divertissement ou téléphoner. A terme, tous les lits en seront équipés.
– La pharmacie fonctionne avec une chaîne de production automatisée de 200 mètres carrés qui assure le conditionnement unitaire et la préparation nominative des ordonnances des différents services, à l’exclusion des services d’urgence, de réanimation, de soins intensifs et de néonatalogie.
– 12 véhicules filoguidés autonomes (les « tortues ») transportent la cinquantaine d’armoires à pharmacie entre 12 h 45 et 14 h 15 au coeur des services pour transporter les médicaments préparés par l’automate de pharmacie. Les autres produits dont les services ont besoin sont transportés par les mêmes tortues mais dans d’autres armoires et sur des créneaux horaires différents (entre 6 h et 12 h).
– 6 pharmaciens, 23 préparateurs, 4 techniciens, 5 magasiniers, 2,5 secrétaires-comptables travaillent à la pharmacie. L’automatisation a entraîné la création de 6 postes.
LES AVANTAGES DE L’AUTOMATISATION
– Le circuit du médicament est entièrement sécurisé depuis la prescription jusqu’à l’administration par l’infirmière. Le process informatisé et automatisé réduit le risque d’erreurs humaines.
– La traçabilité des médicaments déconditionnés puis reconditionnés permet de remettre dans le circuit pharmaceutique ceux qui n’ont pas été consommés. Auparavant, ils étaient jetés. Des économies sont donc réalisées.
– La pharmacie de l’hôpital a désormais accès à chaque prescription individuelle, contrairement à l’époque où elles étaient manuscrites, ce qui permet donc de procéder à une validation pharmaceutique systématique et de délivrer nominativement les médicaments prescrits. L’approvisionnement global des différents services, c’est du passé.
– Les infirmières disposent d’une prescription lisible, complète (dosage, posologie, durée de traitement, « signée »… ) et accessible à tout moment. Elles sont par ailleurs déchargées de la commande globale des médicaments, de leur rangement et de la préparation des piluliers. Le gain de temps, estimé à 2 heures par jour et par service, est réinvesti au profit du patient.
- L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
- « Non, monsieur Leclerc, les pharmaciens ne sont pas des nuls ! »
- Ménopause : un tabou qui tombe, un marché qui s’envole
- Carte Vitale numérique : déploiement au vert, fraudes au rouge
- Ordonnances numériques : vous pouvez certainement les traiter mais ne le savez pas
- La question des remises sur les génériques toujours d’actualité
- Déploiement de la carte Vitale numérique : les pharmaciens sont-ils prêts ?
- Vanflyta : 4 points clés sur ce nouveau traitement de la leucémie aiguë myéloïde
- L’arsenal de mesures du gouvernement pour lutter contre les violences faites aux soignants
- [VIDÉO] Vers un nouvel avenant conventionnel ? La Cnam temporise

