Résidents d’Ehpad : piluliers souhaités, contribution à faire passer
Le contexte apparaît aujourd’hui plus favorable aux officines engagées dans la préparation des doses à administrer vis-à-vis des établissements médicosociaux qu’elles approvisionnent. Elles en profitent pour réclamer une participation financière à cette activité. Exemple avec une pharmacie qui, en Bretagne, est parvenue à valoriser cette prestation.
L’activité de préparation des doses à administrer (PDA) tend à se concentrer. Certaines pharmacies préfèrent jeter l’éponge face aux exigences croissantes de cette prestation proposée aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et aux structures pour personnes en situation de handicap. Des officines peuvent aussi faire le choix de se recentrer sur le comptoir, notamment du fait de la pénurie de personnel. « Cela concerne tout autant celles qui sont équipées en solutions semi-automatisées que celles utilisant des robots. Certaines manquent de visibilité sur la PDA, ce qui influe sur sa rentabilité. A un moment, les pharmaciens peuvent considérer que ce n’est pas un métier officinal mais industriel », relève Pascal Nicaud, consultant responsable de l’activité de PDA de la société de services Yggi. Moins d’offres et plus de demandes : le rééquilibrage qui s’opère donne l’opportunité aux pharmacies impliquées de demander une participation financière aux établissements. « Il s’agit bien d’une participation, ce qui ne représente pas le coût réel de la prestation. Quand on devient pharmacien référent, on s’implique dans le circuit du médicament au sein de l’établissement, on doit apporter des indicateurs de performance. Il y a un degré d’investissement supplémentaire qui, de mon point de vue, doit donner lieu à la négociation d’une participation », considère Audrey Gautier. Selon cette pharmacienne titulaire à Saint-Domineuc, en Ille-et-Vilaine, « le modèle économique des honoraires de dispensation est adapté au comptoir, pas à celui de pharmacien référent proposant une PDA ».
La livraison
Audrey Gautier a ainsi fixé une contribution pour toute livraison effectuée en dehors de l’approvisionnement hebdomadaire en médicaments. Elle s’élève à 5 €, ce qui n’est qu’une partie du coût réel de 25 € pour ce déplacement à 8 km de l’officine et qui comprend le salaire de la préparatrice au volant, évalue la titulaire. « Cela implique aussi pour nous d’être réactifs. Si la livraison doit se faire dans la journée avec un nouveau traitement à préparer, nous devons de toute façon prendre le temps nécessaire pour l’analyse pharmaceutique, sans compter que les ordonnances peuvent parfois nous être transmises tardivement. » Pascal Nicaud considère que, si le coût annuel de cette livraison dépasse 2 % du chiffre d’affaires de l’officine, une participation aux frais doit être envisagée. Il conseille de définir avec l’établissement ce qui relève réellement de l’urgence. « Dans le cadre de la convention avec l’Ehpad, on peut se mettre d’accord sur une livraison par semaine et deux qui restent possibles en cas d’urgence. » Pour éviter les livraisons trop récurrentes, le consultant préconise de travailler avec l’équipe soignante sur le contenu et la gestion de la dotation pour besoin urgent stockée dans l’établissement. Une bonne appréciation et une anticipation des besoins en médicaments prescrits aux résidents en cas d’urgence vont limiter les déplacements abusifs.
Les consommables
Equipée de cartes blistérisées, l’officine demande 7 € par résident pour participation à la fourniture mensuelle des consommables. « Je l’ai mise en place il y a six ans lorsqu’un des Ehpad que nous approvisionnons en médicaments sous conditionnement d’origine nous a demandé une prestation de PDA. Pour appuyer ma demande, j’ai montré mes factures au directeur de l’établissement », explique la pharmacienne. Pour Pascal Nicaud, obtenir cette contribution est un tour de force. « Même si cela n’est pas facile, on obtient plus fréquemment une participation pour la PDA de la part du patient au domicile, soit en général 5 à 7 € par semaine. »
Les services associés
L’apposition d’étiquettes nominatives sur les boîtes de médicaments non intégrés aux piluliers est facturée une fois par an. A l’occasion du renouvellement de la convention signée avec l’Ehpad, la titulaire va lui proposer de nouveaux services payants. En plus de la livraison, la délivrance d’une ordonnance en urgence lui en coûtera 20 €. « Certains établissements demandent beaucoup aux pharmaciens sans jauger de la réalité de l’urgence. L’infirmière ne discute pas avec le prescripteur pour savoir si le changement de traitement doit intervenir immédiatement ou s’il peut être ajourné à la semaine suivante », rapporte Audrey Gautier. Autre proposition, celle d’un recensement des ordonnances arrivant à échéance et qu’il faut renouveler. Ce service sera proposé au tarif de 1 € par résident et par mois. Une gestion qui n’incombera plus à l’équipe soignante et qui peut être facturée si elle n’est pas mentionnée dans la convention, estime Pascal Nicaud. Dans ses échanges à venir, la pharmacienne va aussi mettre sur la table l’intérêt des bilans partagés de médication qui peuvent être réalisés au bénéfice des résidents. Elle s’orientera pour cela vers un accord de partenariat avec le médecin coordonnateur.
Et aussi… des ventes complémentaires
« Pour élargir son périmètre d’activité, on peut réclamer que le marché de l’orthopédie et de la compression soit réservé à la pharmacie », incite Pascal Nicaud. C’est exactement l’idée qu’Audrey Gautier va soumettre à son Ehpad. « L’obstacle peut être le dépassement tarifaire. Mais il est possible de traiter ce sujet avec le résident qui souhaiterait une montée en gamme de ses achats. On peut aussi proposer une lingerie plus spécifiquement adaptée aux personnes âgées, en particulier des sous-vêtements. » La pharmacienne souhaite mettre à disposition des résidents et de leur famille un flyer avec des tarifs privilégiés pour des produits d’hygiène.
Quel est le bon moment pour négocier ?
La négociation se tient au moment de la signature de la convention initiale puis lorsqu’elle est reconduite, soit en moyenne tous les trois ans, rappelle Pascal Nicaud, consultant de la société de services Yggi. Le délai de préavis pour rupture de contrat est généralement de trois à six mois. Dans cette période, l’Ehpad sera plus enclin à négocier, s’il a peu de possibilités pour se retourner. Les marges de négociation dépendent de l’environnement concurrentiel de l’officine. Et aussi, évidemment, de la flexibilité que le groupe d’Ehpad ou l’établissement lui-même peut donner à la convention signée avec la pharmacie. Pour conserver la confiance d’un établissement, il est bon de lui envoyer au moins une fois par an un questionnaire de satisfaction et de l’inciter à faire un retour sur les points délicats de la fourniture de PDA.
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