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Pharmaciens, de père en fils

Publié le 23 juin 2017
Par Stéphanie Bérard et Matthieu Vandendriessche
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Parents, enfants et même grands-parents. Ils travaillent au sein d’une même famille et ont vu évoluer la gestion de l’équipe officinale au fil des générations. Témoignages.

LE FILS

Vincent Brasseur, pharmacien remplaçant en Loire-Atlantique, diplômé en 2012

La notion du management est différente de celle de nos aînés. En remplacement, j’apporte plus d’attention à mon équipe et je souhaite mettre en place une démarche participative. Les pharmaciens d’aujourd’hui souhaitent déléguer davantage, en confiant la gestion des relations avec les laboratoires, le développement d’une gamme à un collaborateur selon ses affinités pour bénéficier du savoir-faire de chacun. Cela implique également de créer des outils de motivation supplémentaires, comme des challenges, la mise en place d’une participation aux résultats… Pour mon père, et la génération précédente, la diversification des services et des produits dans une officine était moins nécessaire. Aujourd’hui, il faut apporter une plus-value à la délivrance.

LE PÈRE

Jean-Michel Brasseur, titulaire en Haute-Loire de 1985 à 2014

Dans la famille, nous sommes cinq pharmaciens : mon père, ma sœur, moi, et maintenant mes deux enfants. L’officine dont j’étais titulaire en Haute-Loire était située en zone rurale, et les relations que nous entretenions avec les clients étaient conviviales, voire amicales. Mes deux préparatrices sont restées avec moi pendant 20 ans. Je n’avais pas l’impression de faire du management, nos relations étaient familiales et simples. Pas d’entretien annuel, de fiche de poste… quand quelque chose n’allait pas, on en parlait, c’est tout. Aujourd’hui les pharmaciens ont le souci du chiffre d’affaires, du marketing… A mon époque, on se posait moins de questions. Quand tout se passait bien, la hiérarchie entre employeur et employé ne se percevait pas. 

LE FILS

Sylvain Martin, titulaire en Charente-Maritime depuis 2012

Mon grand-père, pharmacien, avait une vision du management très paternaliste. Quant à ma mère, elle a inculqué un état d’esprit familial et convivial dans sa pharmacie. Quand je me suis installé en 2012, j’ai voulu reproduire le même schéma : nous organisons des repas ensemble, fêtons les anniversaires… Avec mon adjointe et mes deux préparatrices, nous entretenons de très bonnes relations et tout le monde donne son avis. Mais, aujourd’hui, l’exercice de la profession a changé : les obligations sont plus complexes et il faut davantage renouveler les produits et les services. C’est pourquoi j’ai lancé une démarche de certification qualité pour impliquer mon équipe. C’est devenu nécessaire pour mettre à jour les différentes pratiques.

LA MÈRE

Claude-Marie Auradou, titulaire jusqu’en 2016 dans les Deux-Sèvres

J’ai été titulaire de 1978 à 2016, avec une adjointe et deux préparatrices, dans un village. La vie à la pharmacie était comme dans une famille. Tout se passait bien, sans litige. On était une équipe. Quand l’une de mes collaboratrices avait besoin d’une demi-journée, on s’arrangeait toujours. Au moment des 35 heures, il a suffi de se réunir ensemble pour s’organiser. Je n’étais pas autoritaire, mais elles me respectaient. On fêtait les anniversaires, s’offrait de petits cadeaux et mangeait régulièrement ensemble. Pour fêter les 30 ans de travail dans l’officine de ma préparatrice, nous avons d’ailleurs organisé un grand repas dans un bon restaurant. Aujourd’hui, le management de la jeune génération de pharmaciens est plus impersonnel, mais mon fils perpétue cette tradition de management humain et simple. Le fait d’intégrer, aujourd’hui, des process, comme des entretiens annuels ou des fiches de poste, complexifie les relations.

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LA MÊME OFFICINE DEPUIS 1884

François Martial, titulaire en Gironde, diplômé depuis 1976 appartient à une génération de pharmaciens installée depuis son arrière grand-père dans la même officine depuis 1884.« Dans les années 1960, l’ambiance était plus paternaliste et familiale. Les salariés étaient apparentés à ma famille. L’évolution des conditions de travail, comme le fait de rester ouvert toute l’année, a changé les rapports entre l’employeur et son équipe. C’est le cas dans toutes les petites entreprises : les relations sont devenues plus contractuelles, régies par le code du travail. Mes grands parents ne faisaient pas signer de contrat ! Aujourd’hui, on mise sur l’écrit. Le management est aussi conditionné par l’évolution de l’agencement. Nous sommes passés d’une cabine derrière des vitres de 10 à 15 mètres carrés à un espace de vente de 120 mètres carrés. Quant à mes enfants, ils ne reprendront pas le flambeau, ce seront peut-être mes neveux et nièces ». 