Oui au forfait !
Augmentation des ventes directes, régulation des dépenses de santé, érosion de la marge sur fond de crise économique… Les répartiteurs réclament d’urgence un changement de mode de rémunération. Ils se disent même ouverts à un système alliant marge commerciale et forfait.
Les grossistes traversent eux aussi une passe difficile. En 2008, ils ont pourtant distribué l’équivalent de 17,3 milliards d’euros (+ 0,04 %) de médicaments remboursables auprès du réseau officinal, à comparer avec un marché de ville en croissance de 0,88 % (soit 18,95 milliards en prix industriel). « La crise économique n’est pas en cause, affirme Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Celle qui touche notre secteur d’activité est structurelle, liée à la remise en question du modèle de distribution du médicament en France. »
Depuis plusieurs années, les grossistes en pharmacie souffrent, comme chaque maillon de la chaîne de distribution, de la politique de régulation de plus en plus efficace des dépenses de santé mise en oeuvre par les pouvoirs publics, mais aussi et surtout du développement rapide et continu des ventes directes (+ 2,86 % en 2008). « En bonne logique, la réduction des délais de paiement à propos de factures plus lourdes que les nôtres aurait dû inciter les pharmaciens à acheter moins en direct, et plus au répartiteur, mais la réalité montre qu’il n’en est rien », constate Emmanuel Déchin.
Le différentiel s’est encore accru sur les neuf premiers mois de 2009 (+ 0,58 % pour la répartition contre + 11,44 % pour les ventes directes). Plus de 90 % de ces ventes directes concernent des médicaments remboursables à fort taux de marge et à rotation élevée. Et, selon la CSRP, la répartition des ventes en valeur des médicaments de la tranche 1 de la marge dégressive lissée (MDL) était de 76 % pour les grossistes contre 24 % pour les ventes directes à fin 2008.
Près de 20 % de marge perdue depuis 2000
Malgré une forte reprise en main des achats de génériques (les répartiteurs distribuent désormais un générique sur deux en France), les faibles marges dégagées ne permettent pas de préserver la rentabilité des entreprises du secteur. Même si le volume de génériques écoulé par les grossistes a progressé de 20,50 % en valeur sur les 9 premiers mois de 2009 contre + 3,57 % pour les ventes directes.
L’évolution de la marge suit également une mauvaise pente depuis la modification de la MDL en 2004. « Notre marge en taux perd en moyenne 0,20 point tous les ans, précise Emmanuel Déchin. Aujourd’hui, lorsque le grossiste vend un médicament 100 Euro(s) il ne touche que 5,75 Euro(s), soit 2,4 % du prix final de vente au détail. » Et de tirer la sonnette d’alarme : « Nos marges ont atteint une valeur plancher. Il faut changer le mode de la rémunération de la répartition, qui n’est plus adapté aux évolutions du marché de la distribution en gros. » Le but serait de trouver un modèle qui garantisse à la répartition une enveloppe constante. « On pourrait imaginer évoluer vers un système mixte alliant marge et forfait », concède le secrétaire général de la CSRP.
L’an dernier, la marge disponible (après paiement de la contribution ACOSS) pour les grossistes s’est tassée de 4,95 %, à 1,02 milliard. « En euro constant, ce niveau de marge est identique, voire même inférieur à celui de l’année 2000. En huit exercices, nous avons donc perdu l’équivalent de l’inflation, soit entre 16 % et 17 % de marge ! »
L’avenir des centrales d’achat en pointillés
Enfin, en alourdissant leur taxation, l’Etat a également contribué à aggraver les difficultés des grossistes. De 100 millions d’euros en 1996, leur contribution au financement de la Sécurité sociale est passée à 273 millions en 2008. Un niveau que la CSRP juge intenable et qu’aucun groupe de cette branche professionnelle n’est en mesure d’absorber sur ses propres gains de productivité. Selon Emmanuel Déchin, les grossistes peuvent tout juste gratter quelques dixièmes de point, notamment avec la poursuite du processus de rationalisation de leurs réseaux.
Comme l’officine, la répartition – dont la diversification de ses activités ne date pas d’hier – est confrontée à l’impérieuse nécessité de trouver des relais de croissance. Les nouvelles centrales d’achats pharmaceutiques (CAP) et structures de regroupements à l’achat (SRA) en font-elles partie ? Le décret publié sur le sujet suscite plus de questions qu’il n’apporte de réponses, Emmanuel Déchin n’est pas en mesure de se prononcer. « Ces nouvelles structures restent un mystère tant il est difficile d’avoir une vision nette de ce qu’elles vont apporter au marché. »
Depuis le début, les répartiteurs se sont montrés très réservés, ne voyant pas l’intérêt de multiplier les structures et de créer de nouvelles capacités logistiques, alors que, selon eux, celles existantes suffisent à répondre aux besoins. « Néanmoins, nous ne voulions pas être exclus du cadre des CAP et des SRA, et, à ce titre, nous avons été doublement entendus par la tutelle. Maintenant, certains répartiteurs vont en créer pour prendre date, même s’ils ne sont pas certains qu’elles représentent un cadre d’avenir avec un fort potentiel de développement. Tout va dépendre de la mise en oeuvre opérationnelle du décret et des contraintes que l’on va imposer aux répartiteurs, notamment sur la séparation des stocks. Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que créer une CAP et de nouveaux services pour le pharmacien tient à l’existence de synergies avec notre activité traditionnelle de répartiteur. Si, en revanche, les séparations logistiques entre ces deux structures sont trop fortes, économiquement les répartiteurs n’auront pas ou peu d’intérêt à y aller. »
Bénéficier des mêmes remises que les autres
Enfin, selon le secrétaire général de la CSRP, la raison d’être économique des CAP et SRA reste encore à prouver. « En matière de remises, il est difficile d’emmener les laboratoires encore plus loin, les outils en place sont arrivés au maximum de leurs possibilités », affirme-t-il, soulignant, par ailleurs, que les industriels ne négocient pas leurs prix avec les grossistes. « Les répartiteurs demandent à avoir accès au même niveau de remises que les autres acteurs », prévient avec force Emmanuel Déchin.
En l’absence de changement de mode de rémunération ou de relais de croissance, les répartiteurs répètent une nouvelle fois à qui veut l’entendre qu’en étant privés d’une partie importante de leurs ressources, ils se retrouveront face à des choix irréversibles dont les conséquences ne seront pas sans effet sur le bon approvisionnement de toutes les pharmacies. A force de crier au loup…
Les dépositaires ne font pas leur mea culpa
La forte croissance des ventes directes est une réalité économique que ne nient pas les dépositaires… mais ils ne s’en tiennent pas pour responsables. « Les dépositaires sont des prestataires de services rémunérés comme tels. Notre outil logistique est asservi par les laboratoires qui cherchent à optimiser et maîtriser davantage la distribution de leurs produits pour renforcer leur présence en officine, explique Jean-Luc Delmas, responsable de la communication du CSP (Centre spécialités pharmaceutiques), leader des dépositaires français des produits de santé. Nous ne sommes pas concurrents des répartiteurs puisque nous les approvisionnons également. La concurrence entre nos deux circuits n’existe qu’en termes de flux, mais, je le répète, le dépositaire est au service d’une stratégie et d’une politique qu’il n’a pas choisies. »
N’étant pas rémunéré par une marge de distribution, le dépositaire ne subit pas de façon mécanique les effets de la baisse des prix et des volumes. « Mais nous sommes touchés indirectement, explique Jean-Luc Delmas. Notre métier paye aussi le prix de la crise. Dans un environnement économique difficile, le marché de la vente directe et les négociations se durcissent, les laboratoires cherchent à faire des économies sur le coût de notre prestation ou sont plus exigeants sur le rapport qualité/prix. »
Une bonne nouvelle tout de même pour les grossistes : ils n’auront pas les dépositaires pour concurrents sur les centrales d’achats pharmaceutiques (CAP) et les structures de regroupements à l’achat (SRA). Le décret, dans sa version définitive, les en a finalement écartés.
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