La PDA pointe son nez au comptoir
Certains titulaires se lancent dans la préparation de piluliers pour les particuliers. Pour le atient, c’est un pas vers une meilleure observance, pour l’officine, c’est un service personnalisé en plus. Miroir aux alouettes ou vraie opportunité ?
C’est parti ! Fort de six ans d’expérience dans la Préparation de doses à administrer (PDA) pour les maisons de retraite, la Pharmacie Saint Bruno à Grenoble (38) s’est lancée cette année dans le pilulier pour particuliers. « Nous nous sommes décidés à la suite d’un accident. Un patient est tombé dans le coma, après avoir pris un comprimé tous les jours au lieu d’une fois par semaine. Ensuite, sa famille est venue nous voir pour trouver une solution », se souvient Jean-Luc Fournival, co-titulaire de l’officine, qui s’est mise à préparer les piluliers de ce malade. Aujourd’hui, cette pharmacie au chiffre d’affaires supérieur à 6 millions d’euros estime avoir « une trentaine de patients demandeurs de PDA, avant même d’avoir fait toute publicité de ce nouveau service. » C’est un début…
L’OBSERVANCE avant tout
Au quotidien, la demande survient souvent trop tard. Le grand public ne connait pas forcément l’existence des piluliers sécurisés. Il sollicite le corps médical après des inobservances graves, à cause de piluliers mal faits (par le patient ou son entourage), de renouvellement non délivrés… et ce souvent pour des personnes de plus de 65 ans atteintes de maladies chroniques lourdes. Pour Jean-Luc Fournival, par ailleurs président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), l’enjeu est médical et économique. « On doit développer la PDA pour la sécurisation du circuit du médicament et la bonne prise des traitements. à cause de l’inobservance, il y a eu l’an dernier de nombreux décès, mais aussi des patients qui ont dû recourir aux urgences. » De fait, préparer des piluliers permet d’avoir une vision générale des traitements et de vérifier que les médicaments des diverses ordonnances d’une même personne sont compatibles.
UN PROCESS à mettre en place
Proposer une PDA sécurisée requiert une organisation rigoureuse à l’officine. « Il faut d’abord écrire la procédure », explique Karine Gaussen, fondatrice de MedicSafe, société d’accompagnement à la mise en place de PDA. S’en suit la formation du personnel dédié au maniement du matériel (packs et/ou robot) et le choix d’un local. « Le protocole doit, selon Karine Gaussen, inclure une méthode pour être en mesure d’indiquer tout de suite au patient à quelle date il pourra venir chercher son pilulier. » La mise en œuvre est plus simple pour les officines déjà fournisseurs de maisons de retraite. « Pour nous, ce fut facile d’ajouter les piluliers des particuliers dans notre process. Nous avons déjà six salariés dédiés pour fournir 1 200 lits ! », dit Jean-Luc Fournival. « Nous avons fait de la PDA une spécialité de l’officine. »
À QUEL prix
Se lancer dans la PDA au comptoir pose la question de la rémunération de ce service. Aujourd’hui, il est communément admis qu’un tarif de 3 à 4 € couvre le prix des consommables pour une semaine (packs, blisters… chez des prestataires comme Medissimo, Pharmagest ou Multiroir…). Mais, ce tarif n’inclut pas l’amortissement d’un robot (non obligatoire), dont le prix commence aux alentours de 30 000 €. Certains estiment pourtant que le jeu en vaut la chandelle. Un groupement du sud de la France est en train de s’organiser pour proposer un service de proximité à ses adhérents. « Le marché de la maison de retraite est mort, car la législation va changer », anticipe sous couvert d’anonymat un titulaire membre de ce réseau. « Je pense que l’avenir tient dans la préparation pour le domicile. Demain, la santé ne sera plus gratuite. Les gens sont prêts à mettre la main à la poche pour acheter du bien-être. Si une pharmacie qui délivre 1 000 ordonnances par mois capte 10 % d’entre elles avec la PDA, à raison de 15 € par ordonnance, elle dégagera environ 18 000 € de marge par an. Soit presque l’équivalent d’un salaire de préparateur débutant. Les nouveaux leviers de l’officine sont là ! » Et Goldy Ichou, ex-titulaire et aujourd’hui consultant spécialiste en PDA, d’abonder dans ce sens : « Le but avec ce service, c’est de conserver un patient qui rapporte souvent au moins 100 à 150 € par mois. C’est mieux que de l’attirer avec le prix d’un dentifrice, non ? »
LES FREINS
Reste que les officinaux sont encore réticents à se lancer, d’une part et à faire payer ce service, d’autre part. « Nous en avons parlé aux patients traités pour des maladies chroniques et ils nous ont souvent répondu que leur infirmier se chargeait de leur pilulier. Du coup, on n’ose plus proposer ce service, de peur de court-circuiter ces professionnels », explique Martine Andreu, titulaire de la Pharmacie Brigot-Andreu à Bagest (66). Non équipée d’un robot, elle travaille avec le kit de consommables proposé par la CERP. Dans la même veine, Frédéric Vekemans, titulaire de la Pharmacie de la Frontière à Crespin (59), également sans machine, sent un potentiel. « Je fais peu de PDA pour particuliers, car je n’en fais pas la publicité. De plus, mes confrères voisins ne se font pas rémunérer ce service. C’est dommage car c’est normal de se faire payer pour une prestation et la PDA permettrait de fidéliser les infirmières », estime ce pharmacien installé près de la Belgique, où il fournit déjà des établissements. Libérées de ces préparations, les infirmières auraient surtout davantage de temps pour l’acte de soin en lui-même. Aujourd’hui, les susceptibilités des patients et des professionnels de santé polluent encore le débat.
ZoomUn outil au service d’une stratégie
La PDA aux particuliers doit s’inscrire dans la stratégie de l’officine », insiste Goldy Ichou, diplômé en pharmacie et aujourd’hui consultant spécialiste de la PDA. Une fois le cap fixé, l’officine doit faire connaître son service de pilulier sécurisé auprès de sa clientèle. L’arsenal de la communication commence par un discours à tenir au comptoir mais aussi par de l’information diffusée dans l’officine. Enfin, attention au vocabulaire. Peu de gens connaissent l’acronyme PDA. On parlera plus volontiers de “piluliers”, que l’officine réalise avec une traçabilité pour la sécurité des patients.
3 à 4 € c’est environ ce qu’une officine doit facturer par semainier, pour rentabiliser les consommables dans le cadre d’une préparation tracée.
L’ESSENTIEL
→ L’accès à un pilulier sécurisé améliore l’observance du patient.
→ La préparation de PDA pour les particuliers nécessite une organisation spécifique de l’officine.
→ Le retour sur investissement se mesure au moins en satisfaction et en fidélisation des patients.
→ Les complémentaires de santé pourraient financer la fabrication de la PDA, outil efficace pour une meilleure observance de ses assurés.
VERS UN REMBOURSEMENT
« Les complémentaires de santé ont tout intérêt à travailler avec les pharmaciens dans le sens de la sécurisation et à nous payer un honoraire de fabrication pour la PDA, car l’accidentologie et la non-observance coûtent au prorata aussi cher aux mutuelles que le système conventionnel « , estime Jean-Luc Fournival, titulaire et président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). « Je suis en relation avec le plus gros réseau de mutuelles européen, à qui l’UNPF propose de nouveaux axes de sécurisation du patient, de coaching, de PDA grand public », poursuit-il sans préciser. à suivre donc !
9,3 MDS € c’est le coût annuel estimé de la non-observance des patients atteints des six principales maladies chroniques (hypertension artérielle, diabète de type 2…), ce qui représente le quart des dépenses de médicaments en France.
Source IMS Health 2014
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