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Consignes automatiques, pourquoi ça bloque en officine ?

Publié le 1 septembre 2024
Par André-Arnaud Alpha
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Entrés dans les mœurs par le click & collect et la pandémie de Covid, les casiers de retrait automatiques buttent à l’entrée des officines. Encombrement, température de stockage et coût expliquent en partie cette désaffection.

Vendues depuis une quinzaine d’années dans le secteur du détail et depuis près dix ans en pharmacie – y compris par les éditeurs de logiciels de gestion d’officine (LGO) -, les consignes automatiques dont l’utilité paraît évidente peinent à trouver leur place dans le circuit officinal. « Nous en proposons depuis quatre ans. Les pharmaciens sont toujours curieux de nos “lockers” et en saisissent très vite l’intérêt. Mais finalement, nous n’avons équipé qu’une dizaine d’officines, surtout de centres commerciaux », témoigne Stéphane Zemour, responsable commercial chez Pharmaland (éditeur de LGO).

Une installation pas si simple

Car même si la plupart des vendeurs proposent des casiers en nombres ou tailles adaptables, sous forme de modules, les questions d’emplacement et d’encombrement restent délicates, d’autant que leur fréquence d’utilisation n’est pas établie. À ces questions s’ajoutent la réglementation sur les locaux des officines et les autorisations d’urbanisme. « La pharmacie doit être d’un seul tenant et les casiers doivent être adossés à ses murs. Pour remplir leur fonction de stockage, ils doivent aussi avoir une profondeur suffisante. Respecter cette double contrainte – être contigus à l’officine et suffisamment profonds – sans déborder sur le trottoir n’est pas toujours réalisable », explique David Espic, président de SmartLOCKERS. Pour y remédier, les casiers sont parfois installés à l’intérieur de l’officine : leurs portes sont accessibles au public par un espace découpé dans la vitrine. Cette question réglementaire sur la contiguïté des lockers taraude souvent les titulaires intéressés et freine les velléités d’équipement. D’autant que les confrères voisins pourraient se plaindre d’une concurrence déloyale. L’emplacement par rapport au soleil avec les conséquences de températures sur les produits thermosensibles complique encore l’installation. Dernier frein – mais non des moindres -, le coût de l’investissement, de 12 à 20 k€. « À ce prix, on y réfléchit à deux fois », témoigne François Lecomte, pharmacien installé en Moselle, titulaire jusqu’en septembre 2023 d’une officine équipée d’un Offilocker, consigne livrée par Pharmagest.

Paroles de pharmacien

« En 2019, cet équipement m’avait été installé en version pilote. Autant il a cartonné durant la période de la crise Covid – les 24 casiers étaient pleins du matin au soir – pour les particuliers comme pour les professionnels de santé, autant son utilisation a périclité après », poursuit-il. Pourtant, son officine servait une clientèle de travailleurs frontaliers aux horaires étendus, et veillait sur l’activité de son site et de son click & collect. « Dans l’équipe, tous n’avaient pas non plus le réflexe de proposer ce service et les quelques clients qui souhaitaient continuer de l’utiliser se comptaient sur les doigts d’une main. » Même pour les rares usagers téléphonant avant pour recevoir leur commande en casier, l’utilisation n’était pas si simple. « Certains nous appelaient une heure avant de passer… Sauf que nous privilégions l’afflux au comptoir et n’avions pas toujours le temps d’aller remplir leur casier », se souvient François Lecomte. Et associer conseils et délivrance des médicaments – comme le veut l’acte de dispensation – implique de prioriser le comptoir pour les nouvelles ordonnances. Les casiers étaient donc limités aux commandes sur Internet ou aux renouvellements de traitements. « Enfin, notre Offilocker n’étant pas réfrigéré, les produits thermosensibles, qui sont souvent ceux manquants ou assez chers, ne pouvaient y être stockés. Le patient devait donc les récupérer en face-à-face », ajoute-t-il. Tout compte fait, s’il reconnaît à ces consignes un service en plus pour le patient, il n’y voit rien de révolutionnaire et les conseille seulement pour les officines gérant un trafic important.

Les casiers, mode d’emploi

Reliés au LGO ou autonomes, à l’usage, les casiers ne déçoivent pas. « Envois des notifications, éditions des QR Codes, gestion logicielle des dépôts, ouverture des portes… tout fonctionnait sans problème », abonde François Lecomte. Fournisseur depuis 2021 du Pharmalocker relié au LGO de Smart Rx, David Espic détaille la marche à suivre : « Le titulaire saisit, dans le LGO ou sur la machine, le numéro de casier de dépôt, sa température et le montant à payer. Puis il charge son casier. Après validation, une notification est envoyée au client qui reçoit un QR Code à présenter devant la machine pour identifier la commande, permettre le paiement et l’ouverture du casier. » Misant sur des casiers « low tech », Régis Laurent propose, lui, depuis 2023, son Drive Cube sans écran, ni électricité. Deux piles au lithium (autonomie de cinq ans) alimentent les serrures électroniques des portes des casiers. L’ensemble est géré par le titulaire sur un site Web où sont renseignés le nom et le numéro de téléphone du client. À l’aide de codes sécurisés transmis via SMS, le client est informé de la disponibilité de sa commande et grâce au QR Code affiché sur le Drive Cube, il obtient le numéro de casier et le code de déblocage de la serrure (à usage unique). L’entreprise annonce avoir convaincu plus d’une dizaine d’officines. À voir !

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Sylvain Lemarchand

Pharmacie Vert Pom’ dans la Manche

À la suite du transfert d’une officine de 40 m2 dans un local de 500 m2, dont 300 de surface de vente, Sylvain s’est équipé, en 2021, de 30 casiers réfrigérés.

Pourquoi s’être équipé ?

Je voulais offrir un service différenciant et ai eu cette idée en voyant, sur la route de Saint-Malo, les casiers des agriculteurs permettant de vendre 24 heures/24 leurs fruits et légumes.

Comment les utilisez-vous ?

Aucun médicament n’y est stocké et le click & collect ne fonctionne presque pas. Ils servent à 95 % pour de la vente en libre-service : test de grossesse, trousse de secours, lait, préservatif, gel intime, produit solaire et allergique…

En êtes-vous satisfait ?

Nous réalisons près de 450 € de CA et 100 à 200 € de marge par semaine. Nous l’aurons amorti en cinq ans et demi, contre les sept prévus. Mais c’est plus un service à la clientèle qu’un levier de rentabilité. Il faut disposer d’une bonne zone de chalandise et s’assurer de la bonne visibilité des casiers.

Ordre de prix

Un coût d’investissement total entre 12 et 20 k€ est à prévoir. Visant l’économique, Drive Cube propose cinq casiers à partir de 2 920 € à l’achat + 49 € par mois d’abonnement à la plateforme ou à la location pour 129 € par mois.

Click & collect

73 % des patients souhaiteraient que leur pharmacie mette en place un service de click & collect ; 51 % estiment que le fait de pouvoir utiliser un tel service est un facteur déterminant dans le choix de leur pharmacie.

(Étude de Kozea group « Le dispositif du click & collect » réalisée en août 2022 auprès de 122 pharmacies et 1 742 patients)