Téléconsultations : ce qui change pour les pharmaciens munis de bornes

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Téléconsultations : ce qui change pour les pharmaciens munis de bornes

Publié le 12 juillet 2024
Par Christelle Pangrazzi
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La convention médicale de 2024, signée le 4 juin dernier et approuvée par arrêté le 20 juin 2024, introduit des changements majeurs pour les pratiques de téléconsultation et de télé-expertise.

De nouvelles directives, spécifiées dans la Convention médicale, limitent la remboursabilité des actes de téléconsultation. Trois questions à Gaëlle Merlier, avocate associée du cabinet Delsol Avocats, pour comprendre les répercussions sur les officines munies de bornes de téléconsultation.

Comment les nouvelles restrictions sur la téléconsultation impactent-elles l’accès aux soins pour les patients en zones non prioritaires ?

Gaëlle Merlier. Les nouvelles directives instaurées par la Convention médicale limitent la remboursabilité des actes de téléconsultation aux patients installés dans les Zones d’Intervention Prioritaires (ZIP) lorsque leur médecin n’est pas installé à proximité de leur domicile. Le seuil maximal d’actes réalisés en téléconsultation par médecin est maintenu à 20 %, avec des dérogations spécifiques pour certaines spécialités comme la psychiatrie. Si cette restriction répond à un objectif de continuité des soins, il faut également prendre en compte le fait que, dans un contexte de diminution du maillage territorial médical, cette limitation de la remboursabilité risque d’impacter l’accès aux soins d’un grand nombre de malades, même si pour l’instant, il est difficile de le quantifier tant pour les professionnels de santé que pour la population.

Que se passe-t-il pour les pharmaciens qui se sont équipés de matériel de téléconsultation ?

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G.M. Les nouvelles restrictions pourraient limiter le nombre de malades ayant recours aux pharmaciens pour la téléconsultation en raison de la limitation du périmètre d’actes (les Zones d’Action Complémentaire – ZAC – n’entrant plus dans le nouveau dispositif). Cet impact reste toutefois à quantifier. Et si les pharmaciens vont continuer à bénéficier d’aides pour se doter de bornes de téléconsultation et de matériel (stéthoscope, otoscope, oxymètre, tensiomètre), les nouvelles directives sur la remboursabilité des actes risquent aussi de limiter leur rémunération forfaitaire annuelle (limitée à 750 euros TTC/an), qui prend uniquement en compte les actes de téléconsultation remboursés.

Comment l’absence de majorations d’urgence pour les téléconsultations de nuit, le week-end et les jours fériés pourra-t-elle affecter les pratiques et les coûts pour les patients et les médecins ?

G.M. Les nouvelles directives limitent les majorations applicables pour les médecins en les conditionnant à deux critères cumulatifs, dont l’un reste encore assez flou. Le premier s’appuie sur une notion de temporalité en restreignant – classiquement – les majorations aux nuits, week-ends et jours fériés. Le second repose sur la notion d’urgence, qui est désormais définie, ce qui n’était pas le cas avant, mais de façon très restrictive. Il est ainsi spécifié que la majoration ne pourra être appliquée qu’en cas d’affection susceptible de mettre en jeu « la vie du patient ou l’intégrité de son organisme ». Or, comment définir une affection mettant en jeu « la vie ou l’intégrité de l’organisme du patient » ? Cette définition, qui semble désormais exclure toute situation autre que celles où le patient va directement consulter aux urgences, exclurait ainsi toute autre forme d’urgence et notamment d’urgence ressentie par le patient. Le manque de clarté des textes – qui devront nécessairement être précisés par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM) – risque d’aboutir à l’effet inverse de celui escompté, à savoir désengorger les servives d’urgences. En outre, sans possibilité de majorations, les médecins délaisseront à terme les consultations de nuit ou les week-ends. Ce sera d’autant plus vrai pour les téléconsultations de nuit et de week-end qui sont désormais exclues par principe des majorations d’urgence. Si cette limitation répond à des objectifs de restrictions budgétaires souhaités par la Cnam, ici encore, l’accès aux soins ne doit pas être oublié.