Pénurie de médicaments : les prix mis en cause

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Pénurie de médicaments : les prix mis en cause

Publié le 16 décembre 2022
Par Magali Clausener
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Le 14 décembre 2022, le ministère de la Santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Direction générale de la santé (DGS) ont fait un point sur la pénurie de médicaments, notamment des antibiotiques. Les autorités sanitaires ne pointent pas les mêmes causes de pénurie que les industriels.

Pourquoi l’amoxicilline vient à manquer ? « Il y a eu un phénomène en deux temps : un ralentissement de la production liée à une diminution de la consommation durant et après la pandémie de Covid, et une reprise plus rapide que prévue. Les usines mondiales n’ont pas complètement pris la mesure de ce retour à la normale, a expliqué le ministère de la Santé lors d’un point presse, le 14 décembre. Les tensions sont internationales. L’enjeu est de reconstituer les stocks ». Un argument qui ne convainc pas tous les industriels.

Ils pointent avant tout le prix peu élevé des antibiotiques dont l’amoxicilline. Une véritable problématique sachant que la lutte contre l’antibiorésistance et par conséquent la baisse de consommation des antibiotiques sont une priorité de santé publique. Mais comment réduire la consommation du médicament sans mettre en danger l’économie du fabricant ?

Dans son rapport sur la feuille de route de maîtrise de l’antibiorésistance, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) préconise d’adopter « des mesures incitatives permettant de conserver sur le marché de vieux antibiotiques » afin de « préserver l’efficacité de l’arsenal thérapeutique », dont l’expérimentation d’un mécanisme encadré de garantie de chiffre d’affaires annuel pour certains antibiotiques essentiels. « Les antibiotiques, c’est un vrai sujet qui mérite un traitement spécifique. Il faut effectivement réduire l’usage mais si l’on veut garder une couverture antibiotique suffisante, il faut que les prix soient plus élevés pour compenser des volumes moins élevés. La proposition de l’Igas de garantie de chiffre d’affaires est pertinente », estime Karine Pinon, présidente de l’Amlis, association qui regroupe 160 PME du médicament.

Absence de visibilité 

« Les arrêts de production ou de commercialisation de médicaments vont être de plus en plus fréquents, relève Karine Pinon. Il faut mettre en place un répertoire, un système, officiel, qui traque toutes les ruptures et arrêts de commercialisation, sans délai et qui évalue de façon objective la crise sanitaire à laquelle nous devons faire face. Cela permettrait aux pharmaciens d’avoir une information juste et fiable. »

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De son côté l’Académie nationale de pharmacie, qui pointe dans un communiqué du 6 décembre « un nouvel exemple des lacunes dans l’organisation française », souhaite, entre autres, la création d’un observatoire public des médicaments permettant d’anticiper les besoins pour assurer une production adaptée.  

Organisation à revoir

L’Académie nationale de pharmacie réclame aussi l’établissement d’une « liste des médicaments indispensables nécessitant une surveillance permanente, comprenant en priorité les produits tombés dans le domaine public davantage sujets à des problèmes d’approvisionnement, de délocalisation, etc. ». Le but : « garantir l’approvisionnement permanent de ces produits au niveau de la matière première et de l’ensemble de la chaine de production et de distribution ».

Le Leem (Les entreprises du médicament) ne demande pas autre chose depuis plusieurs années. « Quelles molécules veut-on prioriser avec, avant tout, une logique sanitaire ? 12 000 spécialités sont commercialisées en France dont 6 000 MITM (médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, NdlR). Quelles molécules faut-il rapatrier ? Du paracétamol, de l’amoxicilline, de l’insuline et un antidiabétique oral ? Oui. Faut-il rapatrier ou s’assurer de la production industrielle en Europe d’un certain nombre de molécules soit d’un moindre intérêt thérapeutique, soit suffisamment diversifiées en termes d’acteurs pour les produire et les commercialiser ? C’est probablement une question qu’il faut analyser plus précisément », estime Thomas Borel, directeur scientifique du Leem.