LE CARE MANAGEMENT CHOUCHOUTER, C’EST TOUT BENEF’ !

À la question « Quelles sont les qualités attendues chez un leader ? », les quelque 4 000 collaborateurs sondés chaque année par le Boston Consulting Group citaient les qualités stratégiques (la tête) devant les qualités d’exécution (la main) et humaines (le cœur) », constate Sébastien Biessy, associé au sein du cabinet de conseil en ressources humaines Care Consulting. Jusqu’à la pandémie du Covid-19 et le confinement qui en a découlé en mars 2020. « Pour la première fois lors de l’enquête 2020, les valeurs ont été inversées. Les cinq premières qualités du leader idéal sont dès lors liées au cœur : la considération, l’empathie, l’écoute, l’attention portée au développement des équipes, et la capacité à se remettre en question. Autant d’items qui constituent le cœur du care management… », conclue-t-il. « En management, il y a plusieurs manières d’aborder l’éthique du care développée par la psychologue américaine Carol Gilligan au début des années 1980, explique Benoît Meyronin, docteur en économie, professeur à l’École de Management à Grenoble et auteur du livre Manager l’expérience client-collaborateur. Vers l’éthique du care*. Je considère, pour ma part, qu’elle consiste à satisfaire quatre grands besoins cardinaux : le pouvoir d’agir, le pouvoir de dire, la confiance et la reconnaissance. J’aime aussi m’appuyer sur une dizaine de mots-clés, comme la vulnérabilité, la réciprocité, l’interdépendance, l’autonomie… Toutes ces notions n’ont rien de nouveau. Ce qui change avec l’éthique du care, c’est qu’elle suppose de penser différemment. Lorsque j’explique à des managers qu’ils doivent non seulement mieux reconnaître leur équipe, mais aussi obtenir en retour sa reconnaissance, ils me regardent avec beaucoup d’étonnement. »

Autonomie, reconnaissance, confiance.

« Le care management ne se limite pas au titulaire qui doit prendre soin de son équipe, prévient Hélène Salaün, coach certifiée en process communication et harmoniste d’entreprise. Cette démarche doit être abordée de manière globale et systémique. Elle implique de faire évoluer à 360° la qualité de la relation à l’autre, avec l’ensemble des parties prenantes : le titulaire, les collaborateurs, mais aussi les patients, les clients, les fournisseurs… » Pour la déployer, plusieurs approches sont possibles. « Je conseille de commencer par un questionnement global sur son mode de management qui va permettre de faire évoluer ses pratiques, souligne benoît Meyronin. Le titulaire doit se poser des questions simples : est-ce que je fais confiance à mes collaborateurs ? Est-ce que je leur accorde suffisamment d’autonomie ? Est-ce que je leur montre de la reconnaissance ? Etc. Ces raisons sont dans 95 % des cas, celles évoquées par les collaborateurs pour expliquer leur démotivation et pire l’absentéisme. Un manager qui ne fait pas confiance à ses collaborateurs se retrouvera avec une équipe qui ne prend pas d’initiative, qui ne l’écoute pas et qui ne le reconnaît pas… »

Favoriser le bien-être au travail.

Hélène Salaün s’appuie, elle, sur le modèle de bien-être Perma, développé par Martin Seligman, un des fondateurs de la psychologie positive. « Dans ce modèle, cinq facteurs participent au bien-être au travail : les émotions positives, l’engagement, les relations positives et constructives, le sens et l’accomplissement, explique la coach. Si vous voulez, par exemple, générer des émotions positives chez vos collaborateurs, il faut trouver le juste équilibre entre les challenges qui leur sont fixés et leurs compétences, sinon vous risquez de les démotiver ou de les stresser. Pour ce qui est de l’engagement, la responsabilisation et l’autonomie sont des facteurs clés. » Si l’on veut donner du sens, il faut régulièrement rappeler aux collaborateurs pourquoi ils se lèvent le matin pour venir travailler. « Dans une pharmacie, l’argument est vite trouvé puisque la raison d’être est de prendre soin de la santé des patients », rappelle Hélène Salaün. Le care management peut aussi se déployer par petites touches. « Le titulaire peut commencer par offrir à ses collaborateurs ce qu’il a de plus précieux : du temps, conseille Sébastien Biessy. Vous aurez une idée plus précise de l’expérience collaborateurs au sein de votre entreprise si vous prévoyez des moments d’échange en équipe, ou sur le plan individuel, pour évoquer les conditions de travail, le ressenti des uns et des autres… Lors de ces entretiens, vous ne devez pas vous limiter à la sphère professionnelle. Il ne faut pas hésiter à demander à vos salariés comment ils vont. Neuf fois sur dix, ils vous répondront et apprécieront le fait que vous preniez aussi soin d’eux en tant que personne », développe-t-il. Benoît Meyronin suggère, lui, de mettre en place un dispositif d’écoute pérenne. « Une fois par trimestre, ou semestre, le titulaire peut inviter son équipe à répondre de manière anonyme à une série de questions sur une dizaine d’items liés à l’expérience collaborateur, en incluant notamment la thématique RSE qui parle beaucoup aux jeunes générations… », note le professeur en management.

Un gain de productivité.

Une fois déployés au sein d’une équipe, les bénéfices du care management se mesurent rapidement. « Toutes les études démontrent que lorsque l’expérience collaborateur est agréable, les salariés sont plus engagés. La productivité est donc meilleure, l’absentéisme et le turn-over moins importants », assure Sébastien Biessy. Pour Hélène Salaün, ce nouveau mode de management doit aussi permettre d’atteindre ce qu’elle appelle la symétrie des attentions. « Si vous voulez que votre équipe prenne soin de vos clients, il faut lui offrir une expérience collaborateur positive. Sinon, elle sera incapable de s’en occuper correctement et de les écouter avec et empathie. Et ce n’est pas parce que vous managez avec bienveillance que vous allez forcément basculer dans un monde de bisounours, rassure Hélène Salaün. Vous pouvez conserver un haut niveau d’exigence et en contrôlant la qualité du travail et la performance de vos collaborateurs. »

* paru en juin 2020 aux éditions Dunod.

CRÉER LES BONNES CONDITIONS

Mettre en place un cadre de travail confortable participe au bien-être des collaborateurs. « Même si cela peut parfois être compliqué, il faut vraiment essayer de prévoir un endroit où l’équipe officinale peut laisser ses affaires le matin, discuter autour d’un café, ou en partageant le déjeuner », souligne l’harmoniste d’entreprise Hélène Salaün. Pour Sébastien Biessy, associé de Care Consulting, il faut aussi savoir se montrer flexible. « Il suffit en général de tous se réunir autour d’une table pour faire le point sur les contraintes des uns et des autres en matière d’organisation, et définir un planning qui arrange tout le monde. Le plus important étant que la solution soit coconstruite. Et lorsque vous accordez des avantages comme des tickets-restaurants ou un comité social et économique (CSE) à vos collaborateurs, cela coûte un peu d’argent, mais c’est au final un investissement. »